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vendredi 22 juin 2012

En ce moment à Rio ...accoucher d' une souris verte...


Rio + 20 : remettre la biodiversité au centre du nouveau contrat social
Cette année, le philosophe Jean-Jacques Rousseau, avec le tricentenaire de sa naissance, ne s'imaginait sans doute pas tomber de façon aussi opportune sur le Sommet de la Terre de l'ONU, à Rio, qui célèbre les vingt ans de l'inscription dans l'agenda politique international de la protection de la biodiversité - par la Convention sur la diversité biologique (CDB) - et du développement durable - par les Agendas 21.
Si la notion de "développement durable" est mise à toutes les sauces, seuls 38 % des Européens comprennent ce que l'on entend par "biodiversité" selon l'Eurobaromètre 2010. Pourtant, une réduction drastique de la biodiversité est observée - en France, dans les vingt dernières années, les effectifs des oiseaux communs ont ainsi diminué de 20 %. Plus inquiétant encore, le fonctionnement de la biodiversité, sa dynamique et ses capacités de résilience, sont perturbés par l'acidification des océans, les pollutions, la surpêche, ou encore le réchauffement climatique : en mer, les poissons prédateurs disparaissent, direction nos assiettes.
En milieu terrestre, les espèces ne se déplacent pas vers le nord à la même vitesse et consommateurs et proies ne se retrouvent plus dans les mêmes milieux, les uns disparaissent, les autres pullulent ; le sol martyrisé par l'agriculture perd ses capacités de dépollution, de lutte contre l'érosion ou de recyclage... autant d'exemples encore peu visibles mais qui rapprochent la biodiversité de points de non-retour prédits par nombre de modèles.
Première cause de tous ces phénomènes ? L'homme. Première espèce en danger ? L'homme, et plus certainement encore sa qualité de vie. En effet, si ces constats sont alarmants, c'est qu'ils touchent à nos conditions de vie et de développement, ils concernent la pérennité de nos libertés individuelles et de notre contrat social.
Quelques exemples parlants : l'érosion de la biodiversité du sol diminue ses capacités de dépollution et donc la qualité des eaux souterraines, qui doivent alors être dépolluées par la construction d'usines de traitement, qui engendrent des coûts économiques et des inégalités probables dans l'accès à la ressource en eau. La diminution des insectes pollinisateurs (domestiques et sauvages) menace la diversité de notre alimentation (notamment les fruits) : dans certaines régions du monde, les arbres fruitiers sont déjà pollinisés à la main suite à la diminution de ces insectes.
La biodiversité est un socle sur lequel nous avons construit un niveau de bien-être et de paix sociale acceptable. Ne pas en avoir conscience met celui-ci en péril.
Mais comment remettre la biodiversité au coeur d'un nouveau contrat social ? D'abord en réapprenant à regarder la nature qui nous entoure. Des initiatives foisonnent déjà, menées par de nombreux acteurs associatifs d'éducation et de protection de la nature. En s'appuyant sur la collecte de données naturalistes par des volontaires, les sciences participatives donnent à ces volontaires un cadre pour apprendre à observer... Il est d'ailleurs de la responsabilité de notre société de populariser ces démarches, pour les enfants (à quand des observatoires de la biodiversité dans les programmes scolaires ?), mais aussi pour les adultes. En effet, il est grand temps de redonner à chacun d'entre nous la liberté de se sentir partie intégrante de celle-ci.
Les sociétés humaines se sont de tout temps construites en contrôlant et asservissant leur environnement, ce qui a conduit à la mise en opposition actuelle de la nature et du développement. Pourtant, n'oublions pas que tous les progrès humains utilisent la biodiversité (actuelle ou passée) comme socle : pour se nourrir, se loger, vivre dans un environnement de bonne qualité (eau, air, risques d'érosion), se détendre, prendre des loisirs, se ressourcer. Tous ces services fournis par la biodiversité dépendent de la qualité et du bon fonctionnement de celle-ci, ils ne seront jamais transférables à des avancées technologiques, aussi innovantes soient-elles.
Or, tous ces services sont actuellement en danger. Cependant, loin de centrer la protection de la biodiversité sur la seule utilisation de celle-ci, il est urgent de reprendre conscience de la force des interactions que nous entretenons quotidiennement avec la nature, et de nous remettre dans une position de respect vis-à-vis d'elle.
C'est donc à un changement complet de paradigme social que nous appelons, fondé sur un renforcement des capacités des citoyens et des acteurs de la société à se saisir de cette question, afin qu'ils puissent débattre et confronter dans une meilleure connaissance de l'importance des relations entre le fonctionnement de la société et la biodiversité. La réconciliation des citoyens avec la biodiversité que nous appelons n'enlève rien à la spécificité de l'homme mais renvoie à sa responsabilité vis-à-vis du monde dont il fait partie. Exceptionnalité et souveraineté de l'homme riment avec responsabilité de l'homme.
Nous postulons que cette réconciliation se fasse à toutes les échelles, dans un processus ascendant. D'abord par une reconnection des concitoyens avec cette nature avec laquelle seule une minorité d'entre nous continue à avoir des contacts et des expériences. Cette réconciliation de chaque individu avec la nature orientera alors les rapports de forces sur les questions de gestion des ressources naturelles et d'accès aux services écosystémiques, en faveur d'un contrat social moins inégalitaire.
Cynthia Fleury ( photo)et Anne-Caroline Prévot-Julliard, chercheuses au Muséum national d'histoire naturelle
Cynthia Fleury et Anne-Caroline Prévot-Julliard, travaillent au laboratoire CERSP (Conservation des espèces, restauration et suivi des populations). Elles sont auteures de L'exigence de la réconciliation (Biodiversité et société, Fayard ; Museum national d'histoire naturelle).

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