L’Union européenne barre le
droit à l’eau
À
Marseille, l’échec du Forum mondial de l’eau, traditionnel rendez-vous des
multinationales, et le succès du Forum alternatif, attestent de la vigueur des
luttes pour se réapproprier cet élément de vie. Dans le monde entier, les
expériences de gestion de l’eau par des communautés d’usagers, à l’échelle de
villages, de régions, de villes, en France, la gestion en régie directe
retrouvée dans de nombreuses municipalités, témoignent de la résistance des
sociétés à la privatisation de l’eau. En 2010, sur proposition de la Bolivie,
l’assemblée générale des Nations unies a adopté un texte reconnaissant le droit
à l’eau potable comme droit humain fondamental.
- L’inscription
d’un droit à l’eau dans le droit international peut paraître dérisoire, alors
que la guerre de l’eau se poursuit partout. Pourtant, elle donne une légitimité
encore plus grande à tous ceux et celles qui luttent pour son application. Il
n’est pas dérisoire pour l’Union européenne et les lobbies de ses
multinationales. En vue du sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 2012, un
premier brouillon de déclaration finale du sommet officiel a été rédigé par le
secrétariat de l’ONU. L’article 67 de ce texte provisoire ( fort criticable par
ailleurs) réaffirme l’importance du droit à l’eau potable comme droit humain
fondamental. Ce texte est actuellement amendé.
- L’Union
européenne, dans ses amendements à cet article, supprime toute référence à
l’idée de droit ; le terme est barré chaque fois qu’il apparaît. Le texte
ajouté en remplacement insiste sur la nécessité de considérer l’eau comme un
capital qui fournit des services écosystémiques, pour l’instant invisibles et
gratuits, auxquels doit être attribué un prix. Ces services sont par exemple
ici ceux rendus pour la lutte contre le changement climatique, pour la
biodiversité, pour la purification de l’eau, pour le maintien des sols. Comment
calculer ce prix ? L’amendement ne le dit pas, mais tous les textes à notre disposition
sont clairs : ce prix doit émerger des marchés de services écosystémiques et de
«financements innovants» gagés sur ces services. C’est pourquoi, à la
marchandisation des ressources, déjà ancienne, s’ajoute leur financiarisation.
- Ces
amendements illustrent la mobilisation de l’Union européenne pour mettre
«l’économie verte» au sommet de l’agenda de Rio+20. Cette économie verte prend
acte de la dégradation de la planète et l’épuisement de la Terre viendrait de
l’absence d’une évaluation économique de la nature, d’une information
défaillante : les prix, censés orienter les comportements vers un équilibre,
sont incomplets car les servives rendus par la nature ne sont pas
comptabilisés. Avec cette économie verte, il ne s’agit plus simplement de puiser
dans le stock des ressources naturelles et de les intégrer au cycle de la
production, mais de considérer la nature comme partie du cycle de la
production. C’est bien plus qu’un verdissement du capitalisme !
- Dans
le monde de cette économie verte, la notion de droit, comme le droit à l’eau,
est une rigidité qui bloque les promesses d’une nature-entreprise répartie
entre quelques firmes et fonds financiers.
Geneviève Azam, Conseil
scientifique d’Attac
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