Vingt ans après le Sommet de la Terre fondateur de
1992, «Rio + 20», la conférence des Nations unies sur le développement durable,
va tenter jusqu'au 22 juin de faire avancer les négociations.
Rio 2012 : le sommet enterre l’intérêt général
L’accord final de la
conférence, très décrié, est déconnecté des enjeux environnementaux.
Depuis deux jours, le
Rio Centro, où s’est achevée vendredi la Conférence des Nations unies sur le
développement durable, baignait dans une atmosphère surréaliste. Tandis que
chefs d’Etats et de gouvernement se succédaient à la tribune de l’assemblée
plénière pour une brève allocution, beaucoup de leurs homologues avaient déjà
quitté les lieux. Et les autorités brésiliennes avaient résolument choisi
d’éloigner à 50 km du lieu de la Conférence officielle le sommet alternatif des
peuples, où les ONG ont réuni quelque 20 000 personnes durant
dix jours.
«Rio + Vain». Vingt ans après le Sommet de la Terre de 1992,
qui a donné naissance aux conventions sur le climat, la biodiversité ou la
désertification, l’édition 2012 a déçu. Rebaptisée «Rio + Vain» ou «Rio -
20», elle souffre d’une cruelle absence d’ambition. Dès mardi soir, sous la
houlette du ministre brésilien des Affaires étrangères, les négociateurs, au
travail depuis le 13 juin, avaient trouvé un accord, échappant à
l’arbitrage politique des chefs d’Etat arrivés le lendemain. Vendredi, les
191 pays représentés à Rio ont ratifié le projet de déclaration finale,
49 pages intitulées «Le futur que nous voulons». «Ce futur n’est pas dans ce texte», ont
rétorqué les leaders de la société civile, parties prenantes de la préparation
de la conférence, mais qui ont adressé jeudi une lettre aux Nations unies pour se
désolidariser d’un texte dénué «d’engagements
concrets». Parmi les signataires : Marina Silva (ancienne ministre
brésilienne de l’Environnement), Kumi Naidoo (patron de Greenpeace), Ignacy
Sachs (l’économiste à l’origine de l’éco-développement) ou la philosophe et
militante indienne Vandana Shiva.
Les principales ONG ont
exprimé leur colère face à ce qu’elles qualifient d’échec. Au final, la
déclaration de Rio frappe par la place mineure qu’y tient l’environnement. «Les Nations unies portent une grande responsabilité
dans cette minoration, estime Lucien Chabason, conseiller à la
direction de l’Institut du développement durable et des relations
internationales (Iddri). Elles n’ont pas
établi, en préalable à la conférence, le rapport introductif habituel. Un
diagnostic [...] qui aurait montré que, si les aspects économiques et sociaux
du développement durable ont progressé, celui environnemental est en panne.»
Au final, la déclaration acte un «renforcement»
du Programme des nations unies pour l’environnement (Pnue). Loin du projet
d’organisation mondiale de l’environnement, porté par la France, l’UE et les
pays africains, qui visait à hausser le Pnue au rang d’agence onusienne. La
gouvernance mondiale du développement durable devrait être confiée au Conseil économique
et social des Nations unies.
L’économie verte, qui
avait été présentée comme le fer de lance de Rio + 20, a, elle, fait un bide.
Appuyée par le Pnue, vantée par les pays industrialisés et les multinationales,
elle a été balayée par les pays émergents qui la considèrent comme un greenwashing (écoblanchiment) du
capitalisme, masquant des freins à leur développement et des entraves au
commerce international. Le thème de la protection des océans, porté par une
coalition d’ONG, soutenu par la France et le Brésil notamment, a réussi à
émerger. Mais le lancement du processus de négociation sur la protection de la
haute mer a finalement été torpillé par les Etats-Unis, qui ont notamment
réussi à repousser toute décision à 2015.
«Anesthésiant». Seul l’accord sur la création d’Objectifs du
développement durable, destinés à prendre le relais des Objectifs du millénaire
pour le développement qui arrivent à échéance en 2015, est salué comme un
point positif. Applicables aussi bien aux pays du Nord qu’à ceux du Sud, ils
seront définis d’ici 2015. Reste néanmoins à trouver les financements pour
les atteindre (le groupe des 77 pays en développement et la Chine
attendent des engagements financiers de leurs homologues du Nord), et à
inventer les clés d’une répartition équitable des efforts entre pays. «La crise économique a eu un effet anesthésiant sur
Rio + 20», estime Pierre Radanne, président de
l’association 4D sur le développement durable. Elle a provoqué une logique
de repli sur les intérêts nationaux au détriment de l’intérêt général.
Démonstration de
diplomatie, la déclaration de Rio + 20 semble déconnectée de l’état de la
planète, ignorant l’épuisement des ressources naturelles, les défis
démographiques ou de sécurité alimentaire. On peut aussi s’interroger sur
l’état de la gouvernance mondiale et de l’adaptation du processus onusien aux
bouleversements géopolitiques : une Europe affaiblie, un Brésil émergent, mais
qui ne veut pas quitter son statut de pays en voie de développement, une Chine
très discrète qui s’est abritée derrière les pays du Sud à la manœuvre, un
Canada en pleine régression environnementale à la remorque des Etats-Unis. A
Rio, on a assisté à l’émergence d’«un
monde de nations plutôt que d’institutions internationales»,
conclut Laurence Tubiana, fondatrice de l’Iddri.
Éliane Patriarca
Envoyée spéciale à Rio de Janeiro
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