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mardi 26 juin 2012

Nous détruirons jusqu' au dernier animal, pour l' économie totalitaire...


Vers la disparition de la grande faune africaine ?
Vingt ans après le Sommet de la Terre fondateur de 1992, «Rio + 20», la conférence des Nations unies sur le développement durable, va tenter jusqu'au 22 juin de faire avancer les négociations.
Vers la disparition de la grande faune africaine ?
A l’occasion du sommet de l’ONU qui s’ouvre à Rio, les gouvernements vont se féliciter des avancées de la protection de l’environnement. Déjà, à Nagoya (Convention sur la diversité biologique), en 2010, le monde entier s’était congratulé de l’atteinte de 13 % d’aires protégées (AP) terrestres sur la planète. Curieusement, au même moment, nous assistons à la disparition de la grande faune africaine, en particulier en Afrique francophone. Les massacres récents d’éléphants au Cameroun, en sont une illustration. Le rhinocéros noir d’Afrique centrale s’est éteint dans l’indifférence, les populations de grands singes s’étiolent, l’hippopotame, espèce pourtant commune, régresse…
La vision d’Out of Africa n’existe plus qu’à Hollywood. La population humaine a dépassé le milliard d’individus en Afrique, avec des problèmes prioritaires de sécurité alimentaire et de développement économique et social. Avec une empreinte humaine croissante sur ce continent, c’est donc le réseau d’AP qui devra garantir la survie de la grande faune dans les décennies à venir. Cela est lié au maintien de grands espaces protégés, bien gérés sur le long terme et connectés entre eux. Notre vision romantique de l’Afrique s’en trouve écornée.
La réalité des AP sur le terrain est bien différente des données fournies par les organisations internationales. Beaucoup de ces parcs nationaux ou réserves n’existent que sur les cartes (d’où leur nom de Paper Parks). Particulièrement en Afrique francophone. Ces AP sont soumises à de multiples pressions (disparition des habitats due à l’agriculture ou à la foresterie, pression démographique et spirale de la pauvreté entraînant la surexploitation des ressources naturelles, instabilité politique et oligocratie), la liste est longue… Outre ces externalités défavorables à la biodiversité, la mauvaise gestion des parcs nationaux en Afrique francophone tient aussi à un système international de financements basé sur un triangle vicieux qui conduit les projets de conservation des AP à des échecs systémiques et récurrents.
D’abord, les grands bailleurs de fonds publics, qui apportent la majeure partie des financements, soutiennent les projets sur des cycles courts de trois à quatre ans (qui répondent à un temps politique d’attribution des fonds, mais pas au temps biologique nécessaire à la mise en œuvre des projets), avec des critères d’éligibilité déconnectés de la réalité et soumis à des stratégies à géométrie variable, des volumes financiers très (trop ?) importants sur des durées courtes d’exécution, des procédures de décaissements complexes (on privilégie la gestion administrative et financière plutôt que les résultats de terrain).
Deuxième pointe du triangle, les projets de ces bailleurs sont négociés et signés avec les administrations en charge de la faune des pays concernés, ce qui est normal. Mais ces ministères manquent de capacités techniques et humaines pour instruire les projets. Ils ont souvent pour priorité leur propre survie, plutôt que celle de leurs parcs nationaux, ceci étant compréhensible vu leur manque de moyens. Cela se passe dans un contexte institutionnel de népotisme, voire de corruption, qui rend vain tous les efforts de renforcement des capacités. Certaines administrations africaines se sont d’ailleurs si bien adaptées à ce modèle qu’elles préfèrent attendre les «bons» projets (qui vont payer véhicules, voyages, indemnités de leurs cadres, etc.), plutôt que d’accepter un projet qui assurerait la pérennité d’une AP du pays.
Enfin, pour mettre en place les projets, vu que les services de l’Etat ne peuvent le faire, les bailleurs procèdent souvent à des appels d’offres pour sélectionner un bureau d’étude. Celui-ci va recruter le personnel, assurer les activités, et faire le reporting administratif et financier du projet. Or leur modèle économique est de gagner de l’argent et ce, sur la période courte du contrat. Ils vont donc faire ce qu’il faut pour réaliser des marges sur la facturation des consultants internationaux, de grands équipements et infrastructures et sur les frais de gestion, au lieu de répondre aux priorités de la gestion de la biodiversité, qui demande moins d’argent, mais un engagement financier et moral sur le long terme.
Finalement, le modèle actuel ne permet pas de répondre aux impératifs de conservation d’une AP. Peu d’argent arrive sur le terrain, les communautés locales ne sont pas ou peu associées, aucune gouvernance partagée n’est mise en place régionalement, et le court terme et les réalisations visibles ou études coûteuses sont privilégiées par rapport à une vision de long terme. Tout s’arrête à la fin du projet quand il n’y a plus de financements. Quelques années plus tard, à l’arrivée d’un nouveau bailleur, on répète les mêmes erreurs. La grande faune, elle, n’a pas attendu et a disparu sous les effets du braconnage…
Le modèle de soutien des AP en Afrique francophone doit évoluer vers des projets financés sur le long terme, peu coûteux (en moyenne, la bonne gestion d’une AP coûte un euro par hectare et par an, mais indéfiniment), gérés au niveau local, avec une gouvernance impliquant l’Etat, mais aussi la société civile, les ONG africaines et internationales et les collectivités régionales, et recherchant un équilibre entre sauvegarde de la biodiversité et développement communautaire. Même si cet équilibre est complexe, il est essentiel que chacun se mobilise pour trouver des solutions. La sauvegarde de la grande faune d’Afrique francophone est à ce prix. L’éléphant, fruit de millions d’années d’évolution, symbole mondial de notre patrimoine naturel, dernier carré de liberté dans notre monde normé, bouée de sauvetage de l’imaginaire des enfants de la planète, mérite la même attention de la communauté internationale que nos cathédrales ou les pyramides d’Egypte.
ARNAUD GRETH, Noé Conservation

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