Information Participative

Médias Citoyens Diois continu !

Retrouvez-nous sur notre nouveau site :

http://mediascitoyens-diois.info

mardi 3 septembre 2013

Ecrins : vagabondage estival...



- Les marcheurs du val  
Dans ces trous de verdure chantent des rivières, sur ces glaciers d’argent luit le soleil de la montagne... Balade poétique dans le parc des Ecrins, le plus grand des espaces protégés français.
La randonnée est à peine terminée que déjà, il nous manque. Discret gazouillis ou ardente écume, torrent ou cascade, le bruit de l’eau a accompagné nos pas, fluidifié nos pensées, bercé notre sommeil. Privilège de la randonnée en montagne... Depuis Briançon, on a dessiné une grande boucle à la découverte du parc des Ecrins, le plus grand des espaces protégés français, entre Gap, Grenoble et Briançon. 92000 hectares hérissés de hauts sommets.
Randonnée facile néanmoins: transferts en minibus d’une vallée à l’autre – donc sac à dos léger et dénivelés faibles. «Une formule de plus en plus plébiscitée», confirme Christian Aubert, l’accompagnateur du groupe, fondateur de l’agence Visa Trekking. C’est également un circuit adapté à la géographie du massif des Ecrins, qui impose, si l’on en fait le tour à pied, des étapes longues et ardues. Zoom sur quatre sites caractéristiques d’un territoire protégé depuis 1973.
- Meringue géante
Au sud de Briançon, la Vallouise. Une vallée dominée par de hauts sommets comme la barre des Ecrins (4102 m) et le Pelvoux (3943 m). Nous sommes sur le site le plus fréquenté du parc, le Pré de Madame Carle (1874 m). But de notre balade: le glacier Blanc, le plus grand des 292 du massif avec ses 6 km de long et ses 270 m d’épaisseur.
Il prend naissance au pied de la barre des Ecrins, et descendait autrefois, vers 1820, jusqu’au Pré de Madame Carle: c’est dire combien il a reculé! Moins de neige, moins de glace en formation, une légère augmentation de la température attentivement scrutée depuis le milieu du XIXe siècle... Le glacier Blanc témoigne du recul des glaciers alpins. A la fin des années 80, il perdait quelques mètres par an; dans les années 90, 25 mètres; mais depuis 2003 et la canicule, c’est 100 mètres par an.
2000 mètres. Minéral, le paysage est composé des moraines laissées dans leur sillage par les glaciers. La végétation se raréfie, au profit de plantes grasses qui s’adaptent à l’altitude et au sol peu fertile. A notre gauche, la langue du glacier Blanc.
«Il y a quatre ans, les barres rocheuses un peu ocres qui bordent le glacier étaient recouvertes de glace, relève notre accompagnateur. Et l’an dernier, il n’y avait pas encore ce gros trou dans le bas du glacier.» On grimpe tout droit dans la moraine jusqu’au bord du glacier. L’air frais qu’il dégage oblige à enfiler une polaire et à se lover dans les rochers chauffés par le soleil pour contempler cette meringue géante: petits ruisseaux, grosses bosses sales et sur les arêtes, le bleu de la glace.
- Berger, écrivain, anarchiste
La pratique ancestrale du pastoralisme a elle aussi façonné les paysages des Ecrins. Aujourd’hui, au-dessus d’Embrun, dans la vallée du Réallon, changement d’ambiance. Aux grises moraines succède la douceur des pâturages et leur palette de verts. Du hameau des Gourniers (1477 m), le sentier longe le torrent du Réallon pour entrer dans une forêt de mélèzes et d’aulnes. On monte jusqu’à la chapelle Saint-Marcellin, limite de la zone centrale du parc.
A partir d’ici, interdit de faire du vélo, de se promener avec un animal, de cueillir des plantes: il s’agit de perturber le moins possible le milieu naturel. On repère en face, sur la paroi à l’ubac, quelques chamois dont la couleur se fond avec celle de la roche. «Depuis la création du parc, en 1973, et l’interdiction de la chasse en zone centrale, la population de chamois a été multipliée par cinq, ils sont environ 15000 aujourd’hui», explique Christian.
Par un sentier en balcon, on s’élève sans peine jusqu’à la cabane du pré Antony, puis par des pentes herbeuses jusqu’à la cabane de Chargès (2206 m). Une grande construction en bois, avec panneaux solaires et douche en construction. Quelques vaches sommeillent près du torrent. La bergère, qui vit ici de juillet à octobre, est allée nourrir quelques-unes de ses 400 bêtes. Alanguis au soleil, on se dit qu’elle doit tenir une sacrée forme, vu le relief et l’étendue des alpages alentour.
Le soir, au bout de la vallée de Champoléon, dans la Maison du berger, on poursuit notre découverte de l’alpage. La bâtisse appartenait à un berger, écrivain, anarchiste et pacifiste, mort en 2001, qui la céda à la commune à condition qu’elle soit utilisée pour servir la cause des bergers. Mission accomplie avec cette exposition sobre et pédagogique. Rien à voir avec un écomusée: c’est du présent des 200 bergers du département que témoignent objets, photos et documentaires.
- «La Mecque de l’alpinisme»
Du Bourg-d’Oisans, on rejoint la vallée du Vénéon. C’est une longue brèche qui mène à la haute montagne par une route étroite et sinueuse dans un paysage abrupt. Tout au bout apparaît le hameau de la Bérarde, la «Mecque de l’alpinisme». De là partent en effet les sentiers pour les plus hauts sommets, mais les petits vallons font aussi le bonheur des randonneurs. Comme celui des Etançons, que nous rejoignons par le chemin qui longe la petite église de la Bérarde.
La pluie n’est plus qu’un souvenir, un chapelet de larmes brillantes qui ourle les hautes herbes. Genévriers rampants, rhododendrons et campanules bordent le sentier. Les chaussures s’enfoncent dans un sable beige. «Farine de roche, produite par l’abrasion du glacier», commente Christian.
Des drapeaux de prière tibétains bordent le toit du refuge du Châtelleret (2232 m). De sa terrasse, la vue est splendide sur la Meije et ses 3982 mètres. «Le dernier problème des Alpes», disait-on d’elle au XIXe siècle. Tous les sommets avaient été gravis, sauf elle. C’est Pierre Gaspard, guide paysan de Saint-Christophe-en-Oisans, qui en vint à bout en 1877. Le soir, après la balade au musée de l’Alpinisme de Saint-Christophe, on suit son épopée ainsi que celle des autres pionniers de l’altitude. «Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait», peut-on lire.
- Et la marmotte... elle siffle
De Villar-d’Arêne, on remonte jusqu’aux sources de la Romanche, torrent principal de l’Oisans, dans une vallée dominée par la Meije, le pic Gaspard, la Grande Ruine... Le plan de l’Alpe est à 2000 m. Sur cette terrasse naturelle entourée de plateaux engazonnés, la «rivière des Rochers» s’apaise et son eau devient transparente.
Le sentier traverse maintenant de gros blocs, abris parfaits pour les marmottes. Elles sifflent. Une fois pour signaler un perturbateur aérien (rapace), deux pour un intrus terrestre. Rompues aux passages des randonneurs, elles mènent leur vie tout en nous guettant du coin de l’œil. Deux d’entre elles s’affrontent. Conflit de territoire ou rivalité de mâles.
Plus haut, la rivière ne cesse de changer: vert bouteille, étalée en grandes baignoires, sur le replat, bleue et véhémente d’écume quand le relief s’accentue. «Sources de la Romanche, 2150 mètres», indique le panneau.
Mais la «vraie» source est un peu plus haut. On remonte la moraine, en passant de pierre en pierre. Enfin, on y est, à 2250 m au pied du glacier de la Platte des Agneaux. L’extrémité de la langue glaciaire est constituée d’un gros sable gris-beige d’où sourd l’eau. Les craquements rappellent que, malgré cette apparence bonhomme, de gros blocs peuvent se détacher à tout moment... Une leçon de géographie sensuelle, lue du bout des pieds et gravée dans nos têtes.
Eliane Patriarca 
(Photo : Anne Tesson.)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire