Syrie: l'appel à un vote sur l’engagement dans une
guerre au Parlement dépasse le clivage gauche-droite…
« Alors que 64% des Françaises et des français
sont totalement opposés à une entrée en guerre contre la Syrie, que 26 pays
Européens (sur 27, avec un vote négatif des chambres de Grande Bretagne) s’ y
refusent et que le président américain
Barack Obama demande l’aval de la Chambre des représentants et du Sénat
américain, le président français François Hollande est prêt à engager la France
unilatéralement… » NDLR
François Hollande, qui se
montrait déterminé à frapper sans délai la Syrie, se retrouve contraint
d'attendre le bon vouloir de l'allié américain et confronté à la multiplication
des appels, jusqu'au sein de sa majorité, à un vote du Parlement, comme aux
Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
Champion d'un consensus
que certains disaient mou lorsqu'il était à la tête du PS et de ses courants
contraires, le président Hollande s'est révélé plutôt faucon que colombe dans
l'affaire malienne comme dans ce dossier syrien, se disant
"déterminé" à "punir" le régime de Bachar al-Assad. Une
attitude soutenue dans son camp, qui a poussé Harlem Désir, le patron du PS, à
dénoncer "l'esprit munichois" de certains dirigeants de l'opposition
réticents, déclenchant un concert de protestations à droite.
En attente de la démocratie américaine…
Mais la France, redevenue
brusquement (Jacques Chirac avait montré une indépendance certaine sur l’Irak)
le meilleur allié des Etats-Unis à propos de la Syrie après le vote négatif britannique,
risque bien de se retrouver aussi "à la remorque" des Américains,
comme le redoutait l'ancien Premier ministre UMP François Fillon.
Après le vote du Parlement
britannique qui a opposé un "no" définitif à une intervention de ses
soldats en Syrie, Barack Obama a annoncé samedi soir sa décision de consulter
le Parlement américain. Alors que les frappes aériennes semblaient imminentes (pour
la presse), les débats devant la Chambre des représentants et le Sénat
américain ne s'ouvriront que le 9 septembre. A Paris, un proche du dossier s'en
inquiète: "Plus la sanction s'éloignera de la date du 21 août plus elle
risque d'être affaiblie dans ses effets militaires et politiques".
Pression politique sur Hollande pour le pas
repartir en guerre…
En attendant, François
Hollande fait face aussi à une pression politique croissante. L'exécutif avait
envisagé un simple débat sans vote au Parlement le 4 septembre. Mais il est
déjà contraint de lâcher du lest.
Matignon a annoncé
dimanche que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault recevrait lundi les
principaux responsables parlementaires -présidents de l'Assemblée et du Sénat,
des groupes parlementaires, des commissions des Affaires étrangères et de la
Défense- pour les informer de la situation en Syrie.
Le gouvernement va aussi
prochainement déclassifier des documents secret-défense sur l'arsenal chimique
syrien, a annoncé dimanche une source gouvernementale.
Une récente note des
services de renseignement français, (dont le contenu dévoilé par le JDD a été
confirmé à l'AFP) de source gouvernementale, fait état notamment de
"plusieurs centaines de tonnes d'ypérite" et "gaz sarin"
détenus (mais non utilisés) par le régime syrien, soit un stock total dépassant
les 1000 tonnes d'agents chimiques.
La publication de tels
éléments suffira-t-elle à vaincre les réticences à une intervention? Les appels
se font en tout cas de plus en plus pressants pour l'organisation d'un vote en
bonne et due forme.
Appels au vote démocratique sur un sujet important…
Lancés en début de
week-end par l'opposition, UMP et centristes en tête, ils ont été relayés
dimanche par l'écologiste Jean-Vincent Placé et jusque dans les rangs
socialistes, le député Patrick Mennucci jugeant que refuser ce vote serait
"politiquement une erreur".
Pour la gauche de la
gauche, ce vote va "de soi", a dit Jean-Luc Mélenchon, accusant
François Hollande d'être devenu "un supplétif" des Etats-Unis.
Samedi soir, dans la
foulée de la déclaration de Barack Obama, c'est Jean-Louis Borloo (UDI) qui
avait appelé à un "vote formel" des députés et sénateurs, Christian
Jacob, chef de file des députés UMP, souhaitant même que le gouvernement engage
sa responsabilité. Valls écarte la perspective d'un vote
Constitutionnellement, rien n'empêche le vote.
L'exécutif peut s'en tenir
à la lettre de la Constitution et de son article 35 qui prévoit que "le
gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces
armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de
l'intervention", un simple débat qui "n'est suivi d'aucun vote".
Mais il peut très bien aussi passer outre, comme le relèvent les
constitutionnalistes interrogés. Deux voies au moins seraient envisageables.
L'artillerie lourde avec "une déclaration de politique générale suivie
d'un vote à l'Assemblée nationale et, le cas échéant, au Sénat" comme
l'avait fait François Mitterrand en 1991 pour faire "parler les
armes" dans la première guerre d'Irak, explique Didier Maus.
La seconde voie, plus
légère et suggérée par Dominique Chagnollaud, serait de recourir à l'article
50-1 de la Constitution introduit par la révision constitutionnelle de 2008,
qui autorise le gouvernement à faire devant "l'une ou l'autre des
assemblées" et "sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne
lieu à débat" et peut "faire l'objet d'un vote" sans engagement
de responsabilité.
Il y aurait même une
troisième voie, sans vote mais ô combien solennelle, selon Didier Maus: la
convocation du Parlement en Congrès à Versailles pour une déclaration du
président de la République, autre possibilité offerte par la réforme
constitutionnelle de 2008 dont Nicolas Sarkozy avait usé dès l'année suivante
pour développer sa politique européenne.
A l'Elysée, on jugeait
"un peu paradoxal que la droite considère que la procédure de l'article 35
est insuffisante alors qu'elle en est l'auteur". "On ne modifie pas
la pratique de la Constitution de la Ve République en fonction de l'humeur des
uns et des autres ou de ce qui se passe dans le monde", a résumé le
ministre de l'Intérieur PS, Manuel Valls, écartant la perspective d'un vote.
Une position similaire à
celle du PS, Claude Bartolone, le président de l'Assemblée. "Je redis à
mes collègues de droite : nous appliquons la Constitution qu'ils ont changée
eux-même lorsqu'ils étaient majoritaires en 2008 et qui les avait amené après
réflexion à dire non il ne faut pas un vote formel du parlement. Je ne voudrais
pas que, pour les gaullistes en particulier, ils fassent se retourner de Gaulle
dans sa tombe. Nous sommes (sous) la Ve République. Il y a un certain nombre de
pouvoirs qui sont les pouvoirs régaliens du président", a-t-il déclaré.
Interrogé sur la
multiplication des appels, y compris au sein de la majorité, à un vote au
Parlement comme aux Etats-Unis et en Grande Bretagne, Claude Bartolone a jugé
que pour "les communistes, c'est une habitude. Pour les écologistes nous
avions déjà eu cette revendication au moment de l'intervention en
Afghanistan".
MCD avec l’APL (Agence-Presse-Libertad)
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