Transition énergétique : quand faut y aller… ?
Un p'tit tour, et puis
s'en va. Après l'assassinat en règle par le Medef du débat national sur
l'énergie, suivi de près par l'éjection de la deuxième ministre de
l'écologie du gouvernement, un autre ministre, Arnaud Montebourg, en charge du
redressement productif avec ses p'tit bras musclés, aura profité de l'été pour
vérifier si des fois, y'aurait pas moyen de vendre aux Françaises-Français
le "gaz de schiste écologique".
Ballon d'essai promptement
crevé par François Hollande : l'opinion publique ne veut pas entendre
parler de ce "gaz de shit",
fût-il "écologique" (concept chimérique d'ailleurs, mais
passons).
L'opinion publique n'a pas
plus entendu parler, hélas et malgré mes p'tits bras à moi, du déclin de la
production d'hydrocarbures en mer du Nord, en Algérie, ou encore au
Congo-Brazzaville, qui se trouvent être et c'est ballot, trois de nos
principales et de nos plus accessibles sources d'approvisionnement en pétrole
et en gaz.
La transition énergétique, mais qui ça regarde ?
(image Reuters)
En France, le débat sur
l'énergie va donc rester encore gentiment cantonné à la seule alternative
politiquement rentable (et encore) : nucléaire ou énergies renouvelables ? Soit
à peine le tiers de la question posée, vitale pour l'avenir des sociétés
industrielles.
Allez c'est la rentrée,
alors *RAPPEL* :
TOUT le reste de l'énergie consumée en France provient des sources fossiles-épuisables-importées-et-polluantes-sans-tsunami, à savoir les hydrocarbures (pétrole 43%, gaz 21 %) et le charbon (4 %).
TOUT le reste de l'énergie consumée en France provient des sources fossiles-épuisables-importées-et-polluantes-sans-tsunami, à savoir les hydrocarbures (pétrole 43%, gaz 21 %) et le charbon (4 %).
Eluder les deux-tiers du
problème permet au troisième ministre de l'écologie du gouvernement Ayrault,
Philippe Martin, de se faire longuement applaudir à l'université d'été des
Verts en annonçant la réapparition à la rentrée du serpent de mer de l'écologie
politique : la "taxe carbone". Terrifique taxe carbone, dont le
premier ministre Jean-Marc Ayrault refuse d'emblée, si l'on en croit Le
Canard Enchaîné, qu'elle puisse affecter les prix des carburants (en tout
cas pas à la veille des municipales, ni des européennes, etc.)
Le pédalo tourne en rond,
et marche au diesel mortifère. Ce blog comporte déjà une rubrique "Franche
Touche" bien fournie, à laquelle j'ajoute illico le présent
petit bilan de rentrée. (Rappelons encore, ce serait dommage de ne pas s'en
souvenir, que la seule décision tangible prise jusqu'ici par ce gouvernement en
ce qui concerne la sortie du pétrole a consisté à perdre un demi-milliard
d'euros en baissant de trois centimes par litre les prix à la pompe,
visionnaire mesure "pérenne" enterrée au bout de trois mois.)
En politique et même en
économie on peut très bien, et parfois durant fort longtemps, prétendre qu'une
porte est simultanément ouverte et fermée. En physique, c'est plus dur (quand
bien même pour certains, le fait que la dernière décennie ait été la plus
chaude jamais enregistrée signifie que le réchauffement du climat, c'est
terminé – au fait qu'est-ce qu'il devient, claude allègre ?)
Donc le pétrole et nous.
Après grosso modo une année d'accalmie relative, voilà ces jours-ci le prix du
baril de Brent de retour aux alentours de 115 dollars, exerçant instantanément
sa pression sur la carotide de l'économie mondiale.
Que peut-il bien se passer ?
En Libye, une grève qui
menace de tourner à la guérilla bloque les principaux terminaux pétroliers, et
réduit ces jours-ci à pas grand chose les exportations du pays, alors même que
la production de brut a pu l'an dernier revenir à 1,5 million de barils par
jour (Mb/j).
Au Nigeria, des
détournement d'or noir à grande échelle, ainsi que des problèmes de
maintenance, abaissent la production du premier pays pétrolier africain à son
plus bas niveau depuis quatre ans.
Distillation artisanale de pétrole brut au Nigeria
(© Akintunde Akinleye / Reuters)
La probabilité d'une
intervention en Syrie, enfin, incite les négociants à renforcer les stocks d'or
noir.
"Bien, bien, il ne
s'agit là que de crises locales et conjoncturelles. Rien à voir avec les
symptômes précurseurs du pic pétrolier, lâchez donc cet épouvantail", entends-je
dire d'ici.
Nope.
Ce ne sont pas tant ces
menus tracas conjoncturels qui apparaissent symptomatiques (la planète pétrole
n'a pas cessé d'en connaître de toutes sortes depuis plus d'un siècle), c'est
la persistante incapacité de l'industrie à les contrecarrer, en augmentant
ailleurs les extractions. Une docte analyse fournie hier dans le Financial
Times prévient que l'Arabie Saoudite elle-même ne dispose
que "d'une capacité limitée à réagir" : les vannes sont
déjà ouvertes à fond, partout.
Indices confirmés : les
extractions d'or noir des principales compagnies pétrolières internationales
(les majors) paraissent poursuivre leur déclin, d'après les résultats
trimestriels publiés durant l'été.
La production de pétrole
du groupe français Total continue sa glissade pour la huitième année de rang :
elle a chuté de 4,8 % sur un an au deuxième trimestre 2013, atteignant
seulement 1,160 Mb/j, contre 1,218 Mb/j au deuxième trimestre 2012.
Idem pour le géant
américain Exxon, lequel, malgré des investissements toujours aussi titanesques,
a fait part d'une baisse de 1,2 % [*] de sa production de brut, à 2,182 Mb/j au
deuxième trimestre, au lieu de 2,208 Mb/j un an auparavant. [*]
Correction, voir commentaires.
Chevron enregistre une
baisse de 3,7 % sur douze mois au deuxième trimestre.
Seule BP a augmenté ses
extractions de 1,3 % sur un an, avec 1,165 Mb/j atteint au deuxième trimestre
2013. La compagnie britannique est toutefois loin d'être revenue de loin. Parmi
les majors, elle est celle qui de beaucoup connaît la plus forte baisse : sa
production de brut est aujourd'hui moitié moindre qu'au moment de son pic, en
2003.
Du côté de la Royal Dutch
Shell enfin, particulièrement affectée par la situation au Nigeria, la
dégringolade atteint 6,8 % sur un an, avec 1,502 Mb/j au deuxième trimestre
contre 1,612 Mb/j un an plus tôt. Peter Voser, le pdg en partance de la
compagnie, a fait savoir que la Shell renonce à respecter les objectifs de
production fixés pour 2017. Peter Voser, les lecteurs fidèles à ce blog s'en
souviennent, est celui qui a déclaré que l'industrie de l'or noir doit mettre
en production au cours des dix prochaines années l'équivalent de quatre Arabies
Saoudites ou de dix mers du Nord, soit la moitié de la production mondiale,...
rien que pour maintenir cette production à son niveau présent.
J'ai publié ici en février
un article montrant que la production totale des cinq majors (Exxon,
Shell, BP, Chevron et Total) a baissé de pas moins d'un quart (!) depuis 2004,
et ce en dépit d'accroissements faramineux entre-temps des investissements dans
la production :
(cliquer pour agrandir)
Voilà pour une mise à jour
sur la conjoncture de cette rentrée. Je tâcherai de prendre du champ dans mon
prochain post.
S'il vient, le Deus ex
machina se fait encore attendre, lors même que dans le Financial Times, un
gourou du négoce de l'énergie sobrement surnommé "Dieu" estime
que la "révolution" des gaz et pétrole de schiste aux Etats-Unis est
"temporaire", rejoignant plusieurs analyses exposées sur ce blog,
notamment ici, là ou encore là.
Je profite de cette fin de
trêve estivale pour soumettre à vos commentaires et à vos critiques une courte
vidéo mise en ligne au mois d'avril, où j'ai essayé de faire la synthèse de la
question du pic pétrolier telle que je la comprends et sur laquelle je n'ai
pour l'heure, dans les grandes lignes, pas tellement de choses à ajouter :
"Pic pétrolier: chimère ou danger
imminent...", par MatthieuAuzanneau
Je suis journaliste
indépendant, blogueur invité de la rédaction du Monde. Le pétrole est la
matrice du monde moderne, il pourrait devenir sa némésis : déclin des
extractions et/ou catastrophe climatique ?
Blogueur invité de la
rédaction du Monde, je suis journaliste indépendant, spécialiste
d'économie et d'écologie (mais c'est la même chose, non ?) :
Le Monde (Le Monde2),
Terra Eco, Transfert.net, Le Canard Enchaîné, Philosophie Magazine,
"Global" (Arte, création du concept originel de l'émission),
"Envoyé Spécial" (France 2), BBC,...
C'est bien connu, en
France on n’ a pas de pétrole (quoique), mais on a des idées ! Voyons voir ce
qu'on peut faire...
Matthieu Auzanneau
http://twitter.com/OIL_MEN
anoildude @ gmail [point] com
http://twitter.com/OIL_MEN
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