Des loups bientôt en Sologne, dans le Massif
central, ou en Bretagne ? Ce n’est pas impossible.
HOMO sapiens versus Canis
lupus. L’homme de nouveau face au loup. Et cela a encore tourné au vinaigre cet
été puisqu’il est accusé, entre autres, d’avoir provoqué la mort d’un troupeau
de plusieurs centaines de moutons et brebis qui, affolés, se sont jetés dans le
vide. Voilà une quinzaine d’années qu’ils ont repointé le bout de leur truffe
dans le parc du Mercantour (Alpes-Maritimes).
On estime qu’ils sont
aujourd’hui au moins une centaine, répartis en un peu plus d’une quinzaine de
meutes. D’une longueur de 150 kilomètres, leur territoire originel s’étend sur
six vallées dans les Alpes du Sud sur plus de 200 000 hectares. Zone qui compte
environ 18 000 habitants permanents répartis dans 28 communes avec une forte
activité de pastoralisme. Ce qui entraîne évidemment de douloureux problèmes de
cohabitation entre l’animal et l’homme.
Pourtant, pour une fois
pourrait-on dire, l’homme n’y est pour rien. Il n’a pas joué avec le feu. Les
loups sont revenus tout seuls. Au début des années 1990, ils ont franchi la
frontière entre l’Italie et la France. Le parc du Mercantour est en effet
contigu au Parco naturale Alpi Marittime, en Italie, où le loup, qui n’y a
jamais disparu, était bien présent et protégé.
La première observation
certifiée en France date de 1992. Depuis, les troupeaux ont payé un lourd tribu
aux carnassiers. Peut-être pas aussi lourd que certains voudraient le dire,
mais incontestablement important.
Cette expansion du loup
va-t-elle s’arrêter là ? C’est peu probable. Présent dans un seul département
il y a quinze ans, il l’est aujourd’hui dans huit (Ain, Alpes-
de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Drôme, Isère, Savoie,
Haute-Savoie et Var), d’Annecy à Digne en passant par Grenoble et le Vercors.
Il a aussi gagné les Alpes vaudoises en Suisse. Et il a déjà été vu au-delà du
Mercantour, dit-on, dans les Vosges, le Jura et le Massif Central. Il a
également été repéré dans les Pyrénées-Orientales. Pourquoi ne gagnerait-il pas
les territoires où il était autrefois présent et où le gibier n’est pas rare ?
Le loup se déplace
généralement en meute de 3 à 15 individus tous parents entre eux. Chacun occupe
une place bien précise dans une hiérarchie à respecter. Le territoire de chaque
meute s’étend sur 200 à 300 km². Mais la croissance démographique d’un groupe
sur un territoire limité amène à en abaisser les ressources alimentaires. Et un
loup a besoin de 5 à 8 kg de nourriture par jour. Seule solution à ce
moment-là, élargir son horizon.
Plan d’action
C’est ce qui préoccupe
aujourd’hui, par exemple, les responsables du parc américain de Yellowstone
dans lequel les loups ont été réintroduits il y a une trentaine d’années. Ils
sont désormais plusieurs centaines dans le parc et les scientifiques ont
constaté que la biodiversité, aussi bien pour la faune que pour la flore en
avait été, à de nombreux endroits, améliorées. Le « hic » est que maintenant
qu’il a colonisé tous ses biotopes du parc, il a tendance à en sortir pour
s’approprier d’autres territoires.
L’aspect alimentaire n’est
pas le seul moteur de cette colonisation. Elle permet également d’éviter la
multiplication des conflits, soit entre meutes concurrentes, soit entre membres
d’un même clan. Ainsi, sans exploser, le nombre de loups augmente régulièrement
et le territoire qu’ils occupent s’agrandit, en équilibre avec les ressources
alimentaires et leur sécurité (en particulier vis-à-vis de la pression
humaine).
En Espagne et en Italie,
là où le loup n’a jamais disparu, leurs « méfaits » sont bien mieux acceptés
qu’en France. La cohabitation n’y est pas aussi tendue. Les éleveurs mettent en
place des stratégies de protection des troupeaux, tout en sachant qu’ils
perdront tout de même, chaque année, plusieurs têtes. Qui feront l’objet
d’indemnisations.
L’histoire de la
réapparition du lynx dans le Jura dans les années 1970, puis de sa
réintroduction dans les Vosges durant les années 1980 donne aussi à réfléchir.
Ce fut au début une levée de boucliers, véhémente et parfois violente. La
cohabitation avec le lynx avait du mal à passer. Aujourd’hui, le lynx ne fait
plus parler de lui. Un équilibre a été établi.
Mais c’est le loup qui
conserve le mauvais oeil. Et pendant que nous cherchions tous un peu de soleil,
au mois d’août, pouvoirs publics, éleveurs et représentants des associations se
sont réunis, sous la houlette de la secrétaire d’État à l’Écologie, Nathalie
Kosciusko-Morizet (on est en 2007), afin d’élaborer un plan d’action pour le
loup de 2008 à 2012. La (nouvelle) principale préoccupation étant de mettre en
oeuvre les moyens nécessaires à l’accompagnement de la sortie du loup de son
bastion alpin.
Des loups bientôt en
Sologne, dans le Massif central, ou en Bretagne ? Ce n’est pas impossible. Mais
le loup a beau être un grand marcheur, il n’a pas encore de bottes de sept
lieues. Et il n’est pas aussi méchant que veut nous le faire croire le Petit
Chaperon rouge.
Jean-Luc Nothias
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