« La violence des riches »
Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot montrent que cette « violence de classe » a ses agents, ses stratégies et ses lieux. Ils alternent dans leur livre les enquêtes, les portraits et les analyses de données chiffrées. Avec eux, nous passons d’une étonnante séance de projection d’un film sur la casse industrielle dans la vallée de la Meuse dans le grand auditorium du Medef, avenue Bosquet, à Aulnay-sous-Bois dans le bus qui mène les ouvriers à l’usine PSA, dont les salariés ont vécu des mois sous la pression d’une rumeur de fermeture alimentée par l’existence d’une note interne révélée par la CGT, une annonce volontairement retardée pour cause de période électorale. Après la divulgation de cette note, la direction n’a pas démenti, laissant les salariés à leur angoisse, un bon moyen de paralyser l’action et la résistance… On ne sait ce qui, des délocalisations programmées, de la considérable plus-value foncière espérée sur le site dans le cadre de la réalisation du Grand Paris ou de la réputation sulfureuse des ouvriers d’Aulnay a déterminé ce choix pour réduire les effectifs de PSA mais le résultat est là : au total 11200 emplois seront supprimés dans le groupe, dont 3000 à Aulnay, par une entreprise qui a bénéficié des largesses de l’Etat et qui a versé de substantiels dividendes à ses actionnaires. D’ailleurs, les auteurs rappellent que les dividendes dans les bénéfices distribués sont en augmentation constante, passant de 3% en 1982 à 12% aujourd’hui. Ce n’est pas la crise pour tout le monde.
Tout ça est connu, en quoi le livre des Pinçon-Charlot apporte-t-il un éclairage nouveau ?
C’est la question de la violence exercée par cette situation qui rend subitement très concrets les abus qui en sont la cause et leurs conséquences sur les gens. Les sociologues sont parvenus à une connaissance précise et lucide des mécanismes de la domination et ils permettent de renverser la perspective. Par exemple sur la criminalisation de la contestation sociale, ils rappellent que les journalistes libéraux ne mentionnent jamais la violence des riches et que la loi d’amnistie des faits commis lors des mouvements sociaux ou d’activité syndicale promise par le candidat Hollande est toujours à l’état de projet et que le président s’est finalement déclaré opposé à une telle loi, même si 80 députés socialistes ont manifesté leur soutien au projet. De même sur la fraude à la Sécurité sociale, montée en épingle par l’ancien président en son temps. Celle du salarié qui prend quelques jours d’arrêt maladie de complaisance ne représente que 1% des fraudes sociales, alors que 80% est imputable aux employeurs qui ont recours au travail dissimulé. La fraude fiscale est également une forme de violence faite à ceux qui manquent ainsi leur part de la redistribution.
« Cet escamotage des fortunes – ajoutent les auteurs – sert d’arme aux membres de l’oligarchie pour exiger des peuples qu’ils remboursent les déficits et les dettes dus à la spéculation financière débridée et mondialisée ». Et ils concluent en retournant à ceux qui taxent indistinctement de « populisme » toute opposition aux politiques qui aggravent la misère sociale en faisant grossir les grandes fortunes qu’il est temps de faire à nouveaux frais la critique du « bourgeoisisme ».
Jacques Munier
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