Politique environnementale : pédalo et
rétropédalage, le gouvernement fait du sur-place : Conférence
environnementale : pédalo et rétropédalage, le gouvernement fait du sur-place
A quelques jours du
nouveau rapport du GIEC, alors que Paris accueillera la conférence des parties
(Cop) internationale sur le climat en 2015, la deuxième conférence
environnementale du gouvernement s'est tenue les 20-21 septembre dernier.
Premier bilan...
Biodiversité marine,
éducation à l’environnement, économie circulaire, emplois et transition
écologique il y avait pourtant là une matière intéressante. Las, ils n'ont fait
l'objet d'aucun engagement, rien sur la santé au grand dam des associations qui
en ont été écartées, des participants frustrés du nombre de participants empêchant
tout débat de fond lors des tables rondes, une fiscalité écologique aux
contours toujours de plus en plus flous... Cette année encore on ne peut pas
dire que la conférence environnementale ait fait beaucoup d'heureux, Greenpeace
allant jusqu'à parler de « recul faramineux ». Il n'y a guère que Pascal Durand
et les dirigeants d'EELV pour être soulagés : l'annonce de M. Hollande de
réduire la taux de TVA de 10% à 5% pour les travaux d'isolation thermique
permet aux Ministres d'agiter un trophée et de justifier leur participation au
gouvernement... Jusqu'au prochain psychodrame au vote du budget 2014 ? Pour
Noël Mamère, ce sont « de grands discours qui visent simplement à permettre à
certains de mes amis écologistes de dire "on reste au gouvernement".
Le président de la République distribue quelques médailles en chocolat... ».
Difficile de mieux le dire.
On oublie les promesses de 2012, place aux défis
2050 !
Car cette réduction de TVA
ne permet pas de camoufler les reculs de cette deuxième conférence environnementale.
Sur tous les sujets « prioritaires » de l’année dernière : gaz de schiste,
fiscalité écologique, diplomatie environnementale, énergies renouvelables,
transport, agriculture biologique... Tout est au point mort. Aucune annonce n’a
été tenue en dehors du moratoire sur les OGM qui tient encore malgré les coups
de boutoirs des multinationales appuyées par Bruxelles. Enfin quant à la grande
loi historique sur la transition énergétique qui devait être « présentée devant
le parlement avant l’été 2013 » , selon le Président de la République le projet
de loi « pourrait » être présenté avant la fin de l’année 2014... Toujours un
coup d'avance, M. Hollande !
Réduire notre consommation
d'énergie de 50% en 2050, réduire de 30% la part des énergies fossiles en 2030,
voici donc les nouveaux objectifs du gouvernement. Ambitieux certes. Pour y
parvenir, en revanche, pas de feuille de route. Juste quelques grands principes
: la rénovation thermique des logements anciens, le développement des voitures
électriques et la relance des énergies renouvelables. Cohérence gouvernementale
? Le plan bâtiment de la Ministre Duflot ne contiendrait pas non plus
d’objectifs de gain énergétique. Tout ceci ressemble fort aux bonnes vieilles
techniques des négociations internationales sur le climat : des objectifs
ambitieux à très long terme, mais non chiffrés et sans mécanismes
contraignants.
Retour de la taxe carbone : le grand flou
En matière de fiscalité
écologique, on a assisté à de beaux effets d'annonce. Aucun n'arrive cependant
pas à la cheville des 20 milliards de crédits impôt compétitivité offerts au
patronat...
Pour financer la
transition énergétique, le Premier ministre a annoncé de nouvelles recettes
fiscales, à hauteur de 2,5 milliards d'euros en 2015. Rebaptisant la « taxe
carbone » décidément devenue trop impopulaire en « contribution climat énergie
», il n'a en revanche toujours pas précisé ses contours. A croire qu'il
suffisait de prononcer le mot magique, la contribution climat énergie étant la
dernière ligne rouge en date fixée par la direction d'EELV. On sait simplement
qu'elle sera « progressive » et « compensée par des baisses de prélèvement
obligatoires ». On nous promet des précisions lors de la présentation du projet
de loi de finances pour 2014 au Conseil des ministres. Las, les mêmes Ministres
semblent bien peu au courant eux-mêmes. Tout le monde y perd son latin : la TVA
sur les engrais augmente, Stéphane le Foll s'embrouille à la radio. Interrogée
sur cette contribution climat, Cécile Duflot à la langue pourtant ordinaire
bien pendue- bafouille aux micros, et nul ne parvient au final à expliquer aux
français en quoi concrètement va consister cette fiscalité dite verte. Sur quoi
va-t-elle porter, quelle assiette, quel taux, quelles mesures compensatoires
pour les plus pauvres ? Nul ne le sait.
Seule surprise, dans son
discours de clôture le Premier ministre a annoncé que l'industrie nucléaire
serait mise à contribution. Sans préciser de quelle manière...
Nucléaire, poids lourds : circulez, y a rien à voir
Parlons de nucléaire,
justement. Le seul moment d'espoir dans le discours de M. Hollande est venu
d'un lapsus. Le Président de la République a en effet annoncé vouloir « réduire
la part du nucléaire de 50% d'ici 2025 ». Las, il fallait bien comprendre «
réduire la part du nucléaire [de 75%] à 50% » de l'électricité produite. Soit
toujours le même objectif, et toujours pas de calendrier pour y parvenir.
Histoire d'être bien clair, M. Hollande s'est borné à annoncer le «
plafonnement de notre capacité nucléaire à son niveau actuel », ce qui peut
signifier au choix de 0 à 100%. Rien de nouveau sous le soleil donc. Le
nucléaire a de beaux jours devant lui, même si le chef de l’État semble avoir
tout d'un coup réalisé qu'il pouvait imposer la fermeture de Fessenheim par la
loi. Mieux vaut tard que jamais, mais à ce rythme il devient de moins en moins
crédible que la fermeture puisse se faire en 2016 comme promis.
Enfin la taxe poids lourds
a de nouveau été reportée, venant ainsi allonger l'interminable liste des
serpents de mer des promesses gouvernementales. Et plus un mot de la taxe
carbone aux frontières que M. Hollande semblait un moment envisager pour
entraîner les autres pays européens.
La décentralisation en embuscade
Cela a été peu relevé par
les médias, mais M. Hollande en a aussi profité pour rappeler le futur rôle de
chef de file des Régions en matière énergétique, avec la création d'un fonds de
garantie avec la Caisse des Dépôts permettant des avances via un opérateur
tiers régional et le « droit à l'expérimentation ». Il faisait ainsi référence
à la loi de décentralisation à venir. Cela pourrait être une bonne chose, si
toutefois on en savait plus sur l'articulation avec le rôle de planificateur et
de garant de l'égalité des droits de l’État. Malheureusement, loin d'aller vers
une planification écologique, il semble bien que la volonté du gouvernement
soit plutôt d'aller vers une régionalisation des politiques énergétiques.
Couplé à l'annonce d'une privatisation accrue d'EDF et de GDF, cela n'augure
rien de bon et soulève de sérieux doutes sur la capacité à mener des politiques
publiques de transition énergétique !
Le vernis écolo s'écaille vite quand on est libéral
Pour le Président et le
Premier Ministre, ces deux jours ont donc été un oral de rattrapage fait de
beaux discours flous, rajoutant de nouvelles promesses à la longue liste des
renoncements. Celles-ci seront-elles tenues ? On peut en douter. Déjà, face aux
réactions du patronat, ce premier recul du Président de la République sonne
comme un aveu : "Ce n'est pas un dogme, il faudra adapter cette
perspective à la croissance. Si nous faisons un peu moins, ce ne sera pas une
calamité..."
Politique de l'offre et
austérité, affichage du « ras le bol fiscal » et « coût du travail »,
privatisations et soumissions aux diktats de l'Union européenne... La
bifurcation écologique ne peut être dissociée des politiques économiques et
sociales. Le gouvernement, lui, ne change pas de trajectoire. Ce sera donc à
nous de le faire.
Papier rédigé pour l'hebdo A Gauche par Mathieu
Agostini et Corinne Morel Darleux
Illustration : Pablo,
Une du numéro 97 de février 2012, mensuel CQFD
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