Les vautours sont nos amis
Cet été, France Info
diffusait une chronique sur de prétendues attaques «inquiétantes» de vautours
allant jusqu’à affirmer qu’une «randonneuse blessée avait été très certainement
tuée […]» et ceci en contradiction avec les rapports légistes qui ont démontré
que ces oiseaux n’avaient aucune responsabilité dans les faits rapportés.
Qu’importe, ce discours a fait des émules avec le Dauphiné libéré qui publiait
un article hitchcockien «D’inquiétants vautours meurtriers […] les menaces
viendraient-elles du ciel». Ces mêmes journaux face aux résultats d’expertises
ont été ensuite contraints de publier des démentis disculpant
les vautours. Jeter l’opprobre sur les vautours en leur attribuant
un rôle de prédateur qu’ils n’ont jamais exercé a engendré les peurs
inutiles qui ont conduit, en France, à leur quasi-extermination à la fin du
XIXe siècle. Les vautours sont accusés de tous les maux alors qu’ils
partagent avec l’humanité une histoire riche de plusieurs millions d’années,
qu’ils ne pillent ni les cultures ni les troupeaux et se contentent juste de
débarrasser rapidement l’environnement de ses cadavres avant tout risque de
putréfaction et de propagation de pathogènes.
Leur concéder le pouvoir
de changer de comportement en quelques années pour se muter en des «prédateurs»
équivaut à tout ignorer de l’évolution des organismes vivants et de la
sélection naturelle. Ils ont traversé les âges en se focalisant sur
la nécrophagie. Leur évolution leur a permis d’acquérir des caractéristiques
parfaitement adaptées à la consommation d’animaux morts. Comment soudainement
auraient-ils pu développer de nouveaux comportements pour devenir prédateurs ?
Ceci n’est pas dans la logique de la nature.
Pour se nourrir, la
plupart des organismes vivants répondent à des stimuli. Concernant
les prédateurs, le stimulus principal est le mouvement des proies alors
qu’à l’inverse, pour les vautours, les stimuli principaux sont la posture
d’un animal agonisant et l’immobilité avec absence de réaction lors des
manœuvres d’approche des oiseaux. Un animal sain et en pleine possession de ses
moyens laisse donc les vautours indifférents. En témoigne, la tranquillité des
troupeaux qui continuent paisiblement de brouter lorsqu’apparaît l’ombre d’un
vautour. Les bergers qui ont gardé la mémoire des vautours le savent bien,
ils les respectent à l’égal de leurs chiens, car ils n’ignorent pas les grands
services qu’ils leur rendent en débarrassant les parcours pastoraux des
cadavres d’animaux morts. Lors d’interventions ante mortem, les vautours ne
font simplement qu’anticiper la mort d’animaux déjà condamnés, ce qui ne peut
pas s’apparenter à des comportements de prédation qui impliquent une volonté
délibérée du prédateur de mettre à mort sa proie avant de la consommer.
Les vautours sont nos alliés essentiels en
recyclant les carcasses d’animaux
morts, en réduisant les risques d’émergence et de dispersion de souches
pathogènes et en jouant également un rôle culturel, social et économique.
Dans ce siècle de toutes les peurs, la menace ne vient pas du ciel. L’ombre du
vautour qui plane au-dessus des verts pâturages illustre seulement une
biodiversité qui s’exprime dans sa fragile complexité.
ALLAIN BOUGRAIN-DUBOURG président de la Ligue pour
la protection des oiseaux
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