Rapport de la Croix-Rouge : La crise
humanitaire en Europe
Le titre de l’introduction du nouveau rapport de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge plante le décor : « Cinq ans après – de mal en pis ».
Le titre de l’introduction du nouveau rapport de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge plante le décor : « Cinq ans après – de mal en pis ».
La situation humanitaire
en Europe est plus qu’inquiétante. Par rapport à 2009, des millions de
personnes supplémentaires doivent faire la queue pour se nourrir et n’ont pas
de quoi acheter des médicaments, se faire soigner, se chauffer. Ce sont ces
besoins qui doivent devenir les priorités des politiques. Sinon, la catastrophe
ne peut qu’empirer.
« Par rapport à 2009, peut-on lire dans le
rapport, des millions de personnes supplémentaires doivent faire la queue pour
se nourrir et n’ont pas de quoi acheter des médicaments ou se faire
soigner. » 3,5 millions
d’européens ont ainsi reçu de l’aide alimentaire de la Croix-Rouge en 2012.
Aujourd’hui, le rapport indique que 12 % des parents sondés ont avoué que
leurs enfants devaient régulièrement se passer d’un des repas de la journée. En
Espagne, 26,3 % des personnes ayant fait appel à l’aide de la Croix-Rouge
ont moins de trois repas riches en protéines par semaine, et 43,2 % ne
peuvent pas se permettre de se chauffer durant l’hiver.
Ces problèmes ont bien
évidemment des conséquences importantes sur l’état de santé de la population.
Celui-ci se détériore d’autant plus en raison des coupes dans les budgets des
États : « Les conséquences des coupes dans les dépenses de
santé se font durement sentir, un nombre croissant de personnes se tournant
vers les dispensaires et les centres sociaux de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge pour obtenir un traitement ou une aide financière pour acheter
des médicaments. »
Les travailleurs pauvres
La crise humanitaire
européenne est là. La crise économique, mais aussi des mesures d’austérité, en
sont responsables. Car, si, auparavant, l’aide d’urgence de la Croix-Rouge
tendait à être réservée à des gens exclus de l’emploi et de la sécurité
sociale, aujourd’hui, ni l’un ni l’autre ne sont garants d’un minimum de
dignité.
Dans l’introduction du
rapport, Anitta Underlin, directrice de la zone Europe de la Fédération,
souligne l’émergence d’ « un nouveau groupe de personnes vulnérables,
les travailleurs pauvres, qui demandent de l’aide à la Croix-Rouge et au
Croissant-Rouge en fin de mois quand ils doivent faire un choix entre acheter
de la nourriture ou payer leurs charges – avec le risque de voir l’électricité́
ou le gaz coupé s’ils ne peuvent pas payer ces services ou d’être expulsés
s’ils ne peuvent pas rembourser leur prêt hypothécaire. » Un constat qui
fait écho à ce que de nombreuses organisations dénoncent dans le cadre du
fameux « modèle allemand » et de ses mini-jobs. 600 000
travailleurs allemands ont ainsi dû faire appel à de l’aide supplémentaire pour
payer leurs factures en août 2012, selon la Croix-Rouge.
Quand à ceux qui n’ont
même pas d’emploi, leur situation est également de plus en plus
difficile : « Parmi les nouveaux groupes vulnérables figurent
également les personnes qui ont perdu leur emploi et qui n’ont pas ou plus
droit aux indemnités de chômage, les familles monoparentales, les retraités,
les jeunes qui ne sont ni aux études ni au travail et les migrants en situation
irrégulière. »
Les chômeurs belges durement touchés
Dans le rapport, un
encadré est spécialement prévu pour la Belgique et le problème du chômage. Le
témoignage de Sigrid, de Charleroi, est édifiant. Elle y raconte comment, d’une
situation stable où elle et son mari avaient chacun un emploi, sa famille s’est
retrouvée à devoir faire appel à l’aide de la Croix-Rouge pour boucler les fins
de mois, notamment en achetant des denrées dans les magasins sociaux.
« Nous pouvons acheter pour 44 euros chaque mois. Cela peut ne pas sembler
beaucoup, mais cela me permet de joindre les deux bouts, d’acheter du lait, des
langes, et d’autres choses qui sont très chères au prix plein, raconte Sigrid.
Aujourd’hui, nous vivons au jour le jour, comptant chaque euro, et nous avons
constamment peur que nos enfants tombent malades… »
Plus de 24 000 Belges
font aujourd’hui appel à l’aide alimentaire de la Croix-Rouge. Nancy Ferroni,
de la section belge de l’organisation, explique que les autorités envoient à la
Croix-Rouge les gens dans le besoin, et que de plus en plus de chômeurs,
retraités et étudiants bénéficient de leur aide. Elle pointe notamment le coût
élevé de l’énergie, qui pousse de plus en plus de gens dans la précarité.
En regard de ces constats,
les mesures du gouvernement Di Rupo qui touchent aux allocations de chômage
semblent d’autant plus irresponsables.
En effet,
1 650 000 personnes — 15 % de la population — vivent sous le
seuil de pauvreté dans notre pays. « En 2009, nous avons distribué 38 000
colis alimentaires. En 2012, c'est plus de 50 000. Il y a quelques
années, le nombre d'épiceries sociales, qui répondent donc à des besoins, a
largement augmenté. Aujourd'hui, on a 24 épiceries sociales rien que sur la
Wallonie », explique Kathy Stinissen, qui dirige le département aide
sociale de la Croix-Rouge.1
Par ailleurs, chez nous
aussi, la santé se dégrade, et de plus en plus de personnes souffrent de
dépressions et de troubles mentaux. En cause notamment, le coût des frais de
santé. Kathy Stinissen : « C'est très lié évidemment, quand on se
trouve dans un situation où l'on est d'une façon ou d'une
autre, exclu de la société, on est potentiellement sujet à des problèmes
de santé mentale. Et comme la plupart de ces gens n'ont pas les moyens de
se soigner, leur situation peut se dégrader. »
Une réaction urgente est nécessaire
Face à une telle réalité,
une réaction est nécessaire. Une réaction qui passe par la remise en question
de la logique dominante du profit maximum. Celle-ci a mené à la crise, et n’a
pu apporté, comme solution aux maux qu’elle a causé, qu’une spirale vers le
bas. L’austérité, qui enfonce les populations européennes dans une crise
humanitaire gravissime, vise à garantir le maintien d’un taux important de
profit pour les grandes entreprises et les grands actionnaires. En Europe,
aujourd’hui, des gens ont faim, ne peuvent plus se soigner, se chauffer, se
loger… Ce sont ces besoins qui doivent devenir la priorité des politiques.
Autrement, la catastrophe ne peut qu’empirer.
La Croix-Rouge met ainsi
en évidence le lien entre la précarité croissante et la possible montée de la
xénophobie. Laisser la misère s’installer et se généralise et s’en prendre aux
migrants pour noyer le poisson, revient à mettre en place un terreau fertile
pour les idées d’extrême droite. « Plusieurs Sociétés nationales (de la
Croix-Rouge, NdlR) indiquent que les politiques publiques relatives aux
migrants se sont durcies pendant la crise économique et que la mise en œuvre
des lois existantes est problématique », indique le rapport. Maggie De
Block, notre Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, en est un bon
exemple. Sa politique inhumaine a fragilisé encore plus les migrants en
Belgique, et contribue à alimenter une division malsaine entre Belges et étrangers.
Ailleurs en Europe, la
situation a déjà atteint des proportions alarmantes. En Grèce les néonazis
d’Aube Dorée rencontrent un succès croissant, et les ratonnades d’immigrés, de
syndicalistes et de communistes, se sont multipliées. N’attendons pas d’en
arriver là pour réagir.
Quentin Vanbaelen
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