(Photo : La centrale
nucléaire du Tricastin, Drôme, en novembre 2011 LIONEL BONAVENTURE)
ENERGIE : Faut-il dépenser des milliards pour prolonger de vingt ans
l’existence de nos centrales en fin de vie? La France est face à un choix...
Faut-il payer un lifting à
nos centrales nucléaires et prolonger leur espérance de vie ou les
démanteler? La réponse à cette question politique, écologique et
financière vaut plusieurs dizaines de milliards d’euros. Et un paquet de polémiques
pour un exécutif pressé par le vieillissement du deuxième parc nucléaire du
monde et lié à ses promesses de campagne.
Il y a urgence. En 2018,
les deux réacteurs les plus anciens en activité (hors Fessenheim qui doit
théoriquement fermer en 2016), ceux de la Centrale du Bugey (Ain), fêteront
leur 40e année de raccordement au réseau. L’âge limite fixé pour cette
génération. Et dans les dix années qui suivront, 48 des 58 réacteurs nucléaires
atteindront ce seuil fatidique des 40 ans. Aucun réacteur nucléaire n’a jamais
fonctionné plus de 48 ans, un record détenu par une centrale américaine.
Au cœur du jeu, le gendarme ASN
Alors, stop ou encore?
Remise à niveau ou démantèlement? Face à ce dilemme atomique, l’Autorité
de Sûreté Nucléaire (ASN) aura un rôle décisif à jouer. Le gendarme, qui décide
des normes en matière de nucléaire, a confirmé qu’il rendrait un avis en 2015.
A cette date, l’ASN fera un point d’étape sur les travaux déjà engagés par EDF
et recommandera peut-être d’autres opérations. Puis, en 2019, les experts
feront passer le premier contrôle décennal à une centrale quarantenaire, celle
du Tricastin dans la Drôme. «La centrale est alors arrêtée pendant plusieurs
mois, explique Thomas Houdré, directeur des centrales nucléaires à l’ASN qui évoque
des «milliers de points de contrôle». Etanchéité de la cuve, vieillissement du
revêtement, résistance de l’enceinte, irradiation des métaux des tuyaux, etc.
«Avec le seuil des 40 ans, nos exigences seront plus grandes, même s’il y a des
choses que l’on ne peut pas remplacer comme la cuve ou l’enceinte.»
Charge ensuite à EDF, dont
l’Etat est présent au Conseil d’administration, de se conformer à l’avis
de l’ASN qui peut recommander l’arrêt définitif. Depuis 2009, l’électricien et
l’autorité échangent des avis techniques sur les réparations. Et EDF a déjà
lancé un «plan de carénage de 50 milliards». Histoire de s’adapter à ce qu’il
s’est passé à Fukushima mais aussi de préparer les futures visites décennales.
Autant dire qu’EDF, qui refuse de communiquer, n’envisage pas autre chose que
la prolongation, la solution la plus économique, selon elle.
Une bataille de chiffres
Entre deux fuites dans la
presse, la bataille des chiffres est déjà entamée. Car les antinucléaire
évoquent «une hérésie financière», selon le député écologiste Denis Baupin qui
souhaite mettre en place une commission d’enquête parlementaire pour étudier le
coût du nucléaire. Selon eux, la remise à niveau de chaque centrale pourra
coûter plusieurs milliards d’euros. «Nous publierons nos propres calculs eau
premier trimestre de 2014. Mais ces prolongations coûteront plus chère que la
transition énergétique, tout cela pour une durée de vie limitée à seulement
vingt ans de plus. Tout cela pour faire plaisir à quelques acharnés du lobby
nucléaire», critique Sébastien Blavier, spécialiste des questions de nucléaire
chez Greenpeace, qui rappelle les 50 milliards du plan de carénage. Et la
construction de réacteurs neuf de 3e génération, comme l’EPR de Flamanville,
coûterait entre 8,5 et 10 milliards d’euros l’unité.
Le débat commence déjà à
être irradié par les fuites dans la presse. Selon une info du JDD,
l’administration aurait déjà acté la prolongation de vie des centrales. «Aucune
décision n'est prise», a répondu Pierre Moscovici aux écologistes qui dénoncent
des pressions sur l’ASN. «Envoyer des signaux aussi fort fait que le gendarme
qu’est l’ASN peut se sentir moins libre dans ces décisions», conclut Sébastien
Blavier.
Une info du «JDD» a jeté un froid au sein de la
majorité…
Nouvelle fissure atomique
au sein de la majorité. Dimanche, Le JDD cite une source dans
«l’administration». Selon cette dernière, la
prolongation de dix ans de la durée de vie des centrales nucléaires est actée,
et l'annonce devrait se faire bientôt. Casus belli pour les écologistes, qui
montent au front. Rafales de communiqués et regrets éternels. «C'est une grande victoire pour le lobby
nucléaire et la preuve que le candidat Hollande n'a jamais cru à ses promesses
de réduire de 75 à 50% la part du nucléaire dans la production d'électricité», déclare
Noël Mamère.
La dictature du Lobby atomique en France
Le député de Bègles, dit
tout haut ce que de nombreux Verts pensent depuis le début du quinquennat. Une
défiance confortée par les positions pro-nucléaire de ministres comme Arnaud
Montebourg ou Manuel Valls. A l’Assemblée, le groupe écolo est remonté. «Si
l’on se décide à prolonger la durée de vie de tous les réacteurs, cela
rentrerait évidemment en contradiction avec les engagements du président
de la République», confie le député Denis Baupin, qui n’a pas oublié la
promesse de campagne de François Hollande.
La guerre politique des lobbyings risque de
s’intensifier
Vice-président de
l’Assemblée, Baupin n’a pas hésité à demander des éclaircissements au ministre
de l’Ecologie, Philippe Martin, lors des questions au gouvernement de mardi. «Ce ne sont pas les commissaires
au compte d’EDF qui déterminent la politique énergétique de la France», a
répondu Martin, après avoir expliqué qu’il fallait attendre les recommandations
de l’ASN de 2015.
Une façon habile de calmer
les écologistes. Ces derniers soupçonnent en effet EDF, une entreprise cotée en
bourse, de faire fuiter ce genre d’informations pour rassurer les marchés
financiers. Selon les écologistes, annoncer un prolongement de la durée de vie
de dix ou 20 ans des centrales permettrait à l’électricien de laisser penser qu’il
amortirait son outil de production sur un plus grand nombre d’années, en
négligeant les dépenses liées à cette prolongation. Denis Baupin n’hésite pas à
parler d’une «bulle spéculative» qui
pourrait intéresser l’Autorité des marchés financiers.
Une chose est sûre:
Hollande devra trancher avant la fin de son quinquennat. Et ni les socialistes
ni les écologistes ne savent encore sur quelle base ils doivent discuter
(prolongation de tous les réacteurs, de certains ou démantèlement). En
attendant, la guerre politique des lobbyings risque de s’intensifier. La
promesse de campagne de François Hollande est elle morte ?
Ecologie au Quotidien
DIE, Rhône-Alpes,
France
Le Chastel 26150 DIE
Tel
: 04 75 21 00 56
Courriel : ecologieauquotidien.die@gmail.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire