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mardi 15 octobre 2013

Les coups d' Etat camouflés en Démocratie...

Prise de pouvoir par Hitler : chronique d’un coup d’Etat financé

On entend souvent qu’Hitler est arrivé au pouvoir par les urnes, appuyé par un large mouvement populaire. Or, bien qu’organisé avec la complaisance des partis au pouvoir, c’est un coup d’Etat qui permet à Hitler d’accéder au gouvernement. Quant à son principal soutien, il vient des industriels allemands.

Le 12 novembre 1933, Hitler est invité
à donner une conférence dans une usine
de Siemens. Le patron de l’entreprise,
Carl Friedrich von Siemens, compte parmi les
principaux soutiens au régime nazi.
Dans sa déclaration gouvernementale du 1er février 1933, Hitler promettait au peuple allemand l’amélioration de la situation des travailleurs et des paysans et le maintien et la consolidation de la paix. « Donnez-moi quatre ans, et vous ne reconnaîtrez plus l’Allemagne », prophétisait-il. Quatre ans plus tard, les acquis sociaux étaient détruits et les libertés fondamentales étaient bafouées. L’Allemagne, effectivement, était méconnaissable.
Le 30 janvier 1933, le président allemand Paul von Hindenburg nomme Adolf Hitler, le dirigeant du Parti National-socialiste (NSDAP, abrégé en nazi) Premier ministre. Le premier gouvernement Hitler ne compte que trois nazis, dont Hitler lui-même. Il n’ose même pas se présenter devant le Parlement, car il y est minoritaire. Au lieu de cela, il demande à Hindenburg de dissoudre le Parlement et d’organiser de nouvelles élections, fixées au 5 mars.
Ce délai lui donne l’occasion de gouverner cinq semaines sans contrôle parlementaire. Il s’agit d’un coup d’Etat légal, car la Constitution allemande de l’époque permet au président de dissoudre le Parlement ou de le suspendre temporairement. 
Un régime de terreur
Le 4 février, Hindenburg prend une ordonnance d’urgence qui interdit toute critique du gouvernement, supprime la liberté de rassemblement et de presse pour le Parti Communiste d’Allemagne (KPD), alors en campagne électorale, et d’autres organisations de gauche.
Le 27 février, le Reichstag, le Parlement allemand, est incendié. Officiellement, par un anarchiste hollandais déséquilibré. Cependant, de nombreux historiens sont convaincus que l’incendie a été provoqué par les sections d’assaut (SA) nazies. Les événements qui suivent confirment cette thèse. Avant tout début d’enquête, la radio affirme que les communistes sont coupables. La même nuit, sur base de listes établies à l’avance, plus de 10 000 communistes, socialistes et progressistes sont arrêtés. Toute la presse communiste et plusieurs journaux socialistes sont interdits. Les libertés de la presse et de réunion sont suspendues.
Malgré cette répression, les élections ne donnent pas une majorité aux nazis ni une majorité des deux tiers au gouvernement de coalition dirigée par Hitler. Pour l’obtenir, le gouvernement radie les 81 mandats du KPD, sans qu’aucun parti proteste. Cela étant réglé, le Parlement vote la confiance au gouvernement Hitler et l’autorise à décréter des lois sans son autorisation. Il s’agit en fait d’une auto-dissolution. Les socialistes votent contre la déclaration gouvernementale, mais jugent les élections démocratiques malgré la répression.
En deux ans, les nazis vont interdire les partis politiques, tuer plus de 4200 personnes et arrêter 317 800 opposants, dont 218 600 seront blessés et torturés. Le 20 mars 1933, le commissaire nazi de la police de Munich, Heinrich Himmler, crée à Dachau le premier camp de concentration destiné aux prisonniers politiques. 40 autres suivront dans la même année.
Le nerf de la guerre
Hitler n’a donc pas été élu démocratiquement. En réalité, la décision de le nommer chancelier a été prise quelques semaines auparavant, le 3 janvier, dans la villa du banquier Kurt von Schröder.
À plusieurs reprises, entre 1918 et 1923, les cercles les plus à droite de la classe dirigeante avaient en effet essayé, notamment par des tentatives de coups d’Etat, de se débarrasser du système parlementaire et de supprimer les droits importants acquis par un mouvement ouvrier fort et uni.
Ces cercles s’appuyaient sur une partie de l’armée et des organisations réactionnaires. De nombreux industriels voyaient dans le NSDAP une organisation qui valait la peine d’être soutenue.
En 1923, le patron sidérurgiste Hugo Stinnes a déclaré à l’ambassadeur américain : « Il faut trouver un dictateur qui aurait le pouvoir de faire tout ce qui est nécessaire. Un tel homme doit parler la langue du peuple et être lui-même un civil. Nous avons un tel homme. »
Avec la crise économique de 1929, les cercles dirigeants ont décidé de vraiment miser sur le parti nazi, qui a reçu de leur part un soutien accru. Grâce à leurs millions, Hitler a pu gagner de l’influence sur les classes populaires, très touchées par la crise. Ils ont mis à sa disposition leurs hangars désaffectés qu’il a transformés en une version nazie de l’Armée du Salut. Des malheureux sans travail pouvaient y trouver une assiette de soupe et un lit pour la nuit. Avant qu’ils s’en rendent compte, on leur avait collé un uniforme et ils défilaient derrière le drapeau nazi.
Durant la campagne présidentielle de 1932, les nazis ont collé des millions d’affiches, imprimé 12 millions de numéros spéciaux de leur journal et organisé 3000 meetings. Pour la première fois, ils ont fait usage de films et de disques. Hitler utilisait un avion privé pour se rendre d’un meeting à l’autre. En 1932, le parti nazi comptait des milliers de permanents et l’entretien des SA, à lui seul, coûtait deux millions de marks par semaine. Qui payait tout cela ? Certainement pas les membres sans travail du parti nazi...
Le patronat tout puissant
Aux élections fédérales de septembre 1930, le NSDAP devient le deuxième parti, avec plus de 6 millions de voix. Des représentants de premier ordre de la classe dirigeante s’expriment en faveur de la formation d’un gouvernement avec lui. Hitler est invité à exposer ses idées devant des cercles de grands capitalistes et plusieurs d’entre eux adhèrent au parti.
Cela prendra pourtant encore une année avant que ces patrons confient la chancellerie à Hitler. Ils avaient peur de la réaction du mouvement ouvrier. De plus, ils se livraient entre eux de violentes luttes de pouvoir.
Mais, lors des élections fédérales du 6 novembre 1932, le Parti communiste allemand accroît fortement son influence parmi les travailleurs au détriment du Parti socialiste. Le capital craint un soulèvement révolutionnaire. Et le NSDAP perd deux millions de voix. Un déclin plus important du parti risque de ruiner tous les espoirs du grand patronat. Ils mettent leurs querelles internes au vestiaire et décident de confier plus rapidement le pouvoir à Hitler.
Ce sont les Thyssen, Krupp, Siemens et autres qui ont déterminé la politique économique de Hitler. Il suffit de voir la composition du Haut Comité économique du gouvernement nazi. On y retrouve Krupp von Bohlen, roi de l’industrie d’armement, Fritz Thyssen, baron de l’acier, Carl Friedrich von Siemens, roi de l’électricité, et Karl Bosch, de l’industrie des colorants. Grâce à Hitler, ils ont pu appliquer le programme de casse sociale dont ils rêvaient.
Le gouvernement Hitler bloque les salaires au niveau très bas de 1932. Les travailleurs sont privés de tous leurs droits et menacés d’emprisonnement dans un camp de concentration en cas de grève.
La liberté de changer d’employeur est limitée, et un « livret de travail » est introduit. Sans ce document, aucun travailleur ne peu être engagé. Tout comme chez nous au 19e siècle, un ouvrier qui désire travailler ailleurs peut en être empêché par son patron si celui-ci gèle son livret de travail.
Le fascisme a porté la logique du capitalisme jusqu’à sa pire extrémité. La recherche de la compétitivité mène à une spirale descendante des salaires et des acquis sociaux. Dans les camps de travail, le coût salarial et les charges sociales sont quasiment réduits à zéro. Afin d’épargner leurs frais de transport, plusieurs firmes construisent leurs usines près des camps.
Le problème du chômage est résolu en envoyant une partie des chômeurs dans l’armée, une autre dans les usines d’armement. Tous sont ainsi obligés de préparer leur propre mort et celle de dizaines de millions d’autres.
Le soutien des industriels à Hitler : quelques dates
27 octobre 1931. Le directeur de la firme Siemens, Carl Friedrich von Siemens, prononce un discours devant des membres importants de la finance américaine pour dissiper les craintes que suscite une éventuelle montée au gouvernement des nazis. Il insiste surtout sur la volonté des nazis d’éradiquer le socialisme en Allemagne.
26 janvier 1932. Fritz Thyssen, le magnat de la sidérurgie, organise une conférence d’Hitler devant plus de 100 grands patrons durant laquelle il assure que son mouvement voit dans la propriété privée le fondement de l’économie allemande et que son but principal est d’éradiquer le marxisme en Allemagne.
19 novembre 1932. Des banquiers, de grands industriels et de grands propriétaires terriens demandent au président Hindenburg de nommer Hitler à la chancellerie.
4 janvier 1933. Rencontre entre le Premier ministre en exercice Franz von Papen et Hitler dans la villa du banquier von Schröder, qui a scellé les arrangements qui ont conduit au 30 janvier 1933.
20 février 1933. Hitler reçoit le gratin du grand capital allemand pour rassurer les patrons à propos de sa base, chauffée par des discours démagogiques contre le grand capital.
20 mars 1933. Création du premier camp de concentration destiné aux prisonniers politiques à Dachau.
15 mai 1934. Une loi est votée qui limite la liberté de changer d’employeur.
30 juin 1934. Nuit des longs couteaux. Hitler fait assassiner 1000 cadres de ses propres sections d’assaut, essentiellement de l’aile « anticapitaliste » qui avait cru à la démagogie de Hitler et pensait que les nazis prendraient aussi des mesures contre le grand capital.
Février 1935. Introduction du « livret de travail », qui impose une soumission totale des ouvriers à leur patron.

Errwig Lerouge
Cet article est tiré d'un dossier basé, entre autres, sur les ouvrages de références suivants :

  • Kurt Gossweiler, Hitler, l’irrésistible ascension ? Essais sur le fascisme, 2006, Aden - Études marxistes, 15,30 €. Également disponible sur www.marx.be.
  • Jacques R. Pauwels, Big business avec les nazis, 2013, Aden, 20 €.

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