Christiane Taubira, un ministre
intelligent, efficace, engagée ... qui réconcilie avec la politique.
La droite tombe
régulièrement à bras raccourcis sur Christiane Taubira, ministre de la Justice.
Les ténors de l’UMP l’invectivent avec stupidité et obstination face à sa
politique qu’ils jugent comme une politique laxiste alors même que Christiane
Taubira agit avec humanisme, intelligence et en vertu du respect des lois
existantes.( photo Christiane Taubira avec la Maire de Sainte Croix)
Alors que les prisons
n’ont jamais été aussi bondées, il est intolérable d’entendre les Ciotti, Coppé
et autre Chatel vilipender la gauche « de la culture de l’excuse » quand il
s’agit, en fait, de trouver les sanctions les plus adaptées aux fautes ou
délits commis puisqu’il existe une panoplie d’actions destinées à éviter la récidive.
La droite ferait bien de
faire attention. Et d’éviter les polémiques. Le Canard enchaîné nous
apprend que la Cour de Cassation vient d’exiger la remise en liberté d’une
personne condamnée alors que les textes réprimant les faits commis n’étaient
pas légaux. Dominique Perben, ancien ministre de la Justice UMP en 2004, a
pris un décret règlementant les règles de la prescription alors qu’il fallait
absolument passer par la loi. La conséquence ? Il se pourrait que des
centaines de détenus se retrouvent en liberté par la faute d’une légèreté
réellement coupable de la part de ce ministre de droite. On peut compter sur
les avocats — c’est leur rôle et leur métier — pour attaquer certains
placements sous écrou alors même que la loi ne le permettait pas. Lorsque ces
détenus seront remis en liberté — s’ils le sont — devra-t-on entendre les
litanies des hommes de droite et leurs critiques du fonctionnement de la
justice qu’ils ont eux-mêmes caviarder. Le procès de la droite contre la gauche
en matière de sécurité n’est pas argumenté ni crédible. Christiane Taubira
défend une politique cohérente, efficace, au sein de laquelle la prévention
s’équilibre avec la répression. Le reste, comme dirait la ministre, n'est que
polémique de l'été.
Sainte Croix en Diois : Taubira
ou l’honneur de la Politique
Il y a eu Simone Veil et
la légalisation de l’IVG.
Il y a eu Robert Badinter
et l’abolition de la peine de mort.
Il y aura Christiane
Taubira et le mariage pour tous (et, au-delà de cette réforme qu’il faut voir
comme un aboutissement, la fin de l’homophobie légale).
Cette femme a forcé
l’admiration de tous – y compris de ses adversaires – et de tous les 80 jeunes
ce samedi 19 octobre, en ne cédant rien dans un combat dont elle a vite pris la
mesure. Elle fut, pendant ces 2 longues heures, l’honneur de la Politique.
Comme on connaissait les
qualités humaines et politiques de Christiane Taubira, on a mis un moment après
son intervention à se remettre et continuer les réflexions entre jeunes…C.V.
Taubira, la République
Petite ; 3 pommes à la fois acides et sucrées
grimpées l’une sur l’autre ; définitivement ferme et solide, ne vacillant,
ni ne pliant sous aucun orage, comme on rêve que soit la République. Capable
d’incroyables colères, mâtinées du plus savant – et maîtrisé – outil de
séduction qui soit… voilà Taubira, la République incarnée. Celle qui porte nos exigences de citoyens. Celle
dont on est fiers ! Qu’on aime, il faut bien le dire…( photo 2 : Mme Taubira avec le préfet de la Drôme et le Sous préfet de Die, toutes les photos sont de Claude Veyret)
Heureux de l’avoir dans
notre bateau, dès Mai 2012 ; ça oui ! La députée de Guyane, remuante
sur tous les fronts, portant haut sa tête de femme libre, assumant son passé –
années 70 – d’indépendantiste, ralliée au faisable (elle sait mieux que
personne regarder le réel sans quitter le sac à dos de l’idéal). Du boulot,
elle en a fait là-bas, à Cayenne, où à chaque élection, on lui renouvelle son
bail, à Christiane-la rouspéteuse, celle qui, jamais, n’a eu froid aux yeux… On
aime à l’imaginer ainsi, gamine, dans sa classe, brillante, évidemment, dans la
cour, batailleuse et rieuse à la fois, même avec les garçons, surtout les
grands, regardés depuis sa petite taille, avec un petit quelque chose de l’œil
de Danny face à son CRS…
La république est déjà
passée par ses compétences et ses convictions – les deux C de Taubira – lors de
« sa » loi, en 2001 : « seront considérés comme crimes
contre l’humanité, la Traite Négrière et son train d’Esclavages », et –
souvenons-nous alors – des batailles drues à l’Assemblée, et déjà, de la haute
teneur intellectuelle de son sac argumentaire, de son sérieux émaillé d’une
gouaille de belle tenue. Déjà, « du Taubira », se levant, empoignant
le micro – cette force qui en impose –, femme debout s’il en est, face à
l’Hémicycle, les yeux dans les yeux, en remontrant à l’Opposition :
« messieurs les députés… » tellement mieux que l’autre… comme une
revanche.
C’est qu’il sonne, et,
juste – Révolution Française –, le ton-Taubira. Lisez donc ses interventions
parlementaires, celles du Mariage, ou d’autres. Des causes flamboyantes, à
brandir, à défendre pied à pied, à ne jamais lâcher… lisez. On y trouve une
Olympe de Gouges qui aurait été élue, plus tard, une Georges Sand, côtoyant les
plus grands de la Gauche. Un lyrisme politique, un discours qui se souvient des
meilleurs du genre ; des effets de manche à l’ancienne qui tiendraient
sous le coude des dossiers impeccablement maîtrisés et travaillés. Voilà
l’effet Taubira, dont me parlait récemment un… notaire revenu d’un congrès
national des tabellions. « On avait très peur de Madame Taubira »,
confiait-il, « or, elle a emballé le congrès ; elle connaît à fond
ses dossiers ».
Et puis cet air de
liberté… ficelée par personne, la dame ! Leader, un temps, du Parti des
Radicaux De Gauche, engagée actuellement aux côtés du PS, avec la loyauté qu’on
devine, elle a dans le passé, croisé des lois portées par Balladur, et rédigé
pour N. Sarkozy un rapport contesté, en son temps, par l’Élysée. A Gauche,
bruyante, pour le moins : se souvient-on de son opposition à la loi sur
les signes religieux à l’école, au motif que « faire simple œuvre
législative plutôt que mission pédagogique, c’est perdre foi en la
république ! ». Hollande l’a voulue, imposée au poste
« masculin » de Garde des Sceaux, soutenue avec sa ténacité
tranquille, au début du quinquennat, face aux ronchons de toutes tendances. Bon
choix, qu’on ne sautait regretter à gauche, en ces heures où se pose enfin un
des socles du travail du président.
On se rappellera
longtemps, dans nos mémoires républicaines, de ces débats de l’hiver, avant, ou
pendant les foules « barjotisées » où nageait un peuple souterrain
mi-16ème endimanché, mi-porte de sacristie… Pages entières, calibrées au
centimètre près, répondant point par point – long et précis match de ping-pong,
et parfois de boxe – aux cent amendements d’une opposition farouche, qu’excitaient
au fur et à mesure les « aboiements » de la rue… Fatiguée, la
ministre ? Probablement, dans ces nuits de paroles échangées comme autant
de balles, mais avançant, encore, digne, courageuse, faisant « le
boulot », simplement. L’a-t-on vue, parfois, éclatant de sa voix si
particulière, lorsque là, « c’en était trop » ! le doigt pointé,
vers celui qui… un homme souvent, la harangue à la Danton, en
bandoulière ; philippique toujours argumentée, refusant – on le sentait –
les sentiers faciles des coups bas : respectueuse de ses opposants, mais
tellement tenace dans ses convictions républicaines. Chapeau bas, disions-nous
tous. Et j’en connais, à Droite, qui le pensaient à bouche fermée.
Alors, quand, enfin, au
bout du marathon d’une loi qui a donné aux assemblées les débats les plus vifs
et passionnés de la Vème République, on la vit, il y a peu – on avait
l’impression qu’elle avait grandi ! – ovationnée au Parlement, trouvant –
qui de nous ne l’a alors apprécié – les mots qu’il fallait pour remercier ses contradicteurs.
Rassembleuse, cette furie-électron libre, comme le veut une démocratie vivante
et avançante.
Et nous, tout soudain,
d’être fiers de ce beau visage sombre de la République, qui, en cet automne
frileux, nous a tous réchauffés de sa lumière…
M.L.P.
Questions des Jeunes de Sainte
Croix :
Christiane Taubira et la création
d'une peine de probation hors prison.
Le projet doit faire
partie de la prochaine réforme pénale. La ministre de la Justice
Christiane Taubira a annoncé la création d’une «peine de probation»,
hors prison dans le cadre de la prochaine réforme pénale.
«Nous créons une peine de probation, qui est
une peine en milieu ouvert, restrictive de liberté que nous appelons la
contrainte pénale», a déclaré la ministre, précisant que cette peine ne
concernerait que les délits punis de 5 ans de prison ou moins et que les juges
pourraient «bien entendu» prononcer à la place des peines de prison. Jugeant
que «la prison ne peut remplir son rôle» actuellement et que «les sorties sans
encadrement sont des facteurs aggravants pour la récidive et donc un danger
pour la société», la ministre a souligné son intention de «réduire de façon
drastique les sorties sèches», c’est-à-dire «sans contrôle et sans contrainte
alors que nous savons qu’il faut un retour progressif à la liberté». «C’est
pour ça que nous avons mis en place un dispositif libération sous contrôle et
sous contrainte, qui n’est absolument pas automatique, mais qui rend
obligatoire l’examen aux deux-tiers de l’exécution de la peine du dossier du
détenu», a-t-elle poursuivi. (Photo : Rencontre Christiane Taubira et Lela Bencharif , Vice Pte de la Région Rhône-Alpes).
«L’automatisme dirait: le
jour des deux-tiers de la peine voilà on regarde votre situation, vous sortez,
vous ne sortez pas. Ce n’est absolument pas ça. Le fait de mettre un examen
obligatoire ça veut dire qu’en amont des conseillers d’insertion et de
probation travaillent avec le détenu de façon à ce qu’ils préparent ensemble la
disposition que le juge d’application des peines pourrait être amené à prendre
sur la base des éléments qui lui seront présentés». Cette mesure «peut être une
libération conditionnelle, un placement sous bracelet électronique, un
placement extérieur» ou une autre des dispositions existantes. «Les
récidivistes, plus encore que les autres, doivent sortir progressivement avec
un contrôle et des contraintes», a souligné la ministre, rappelant qu’il y
avait actuellement 81% de «sorties sèches» et «98% de sorties sèches des
maisons d’arrêt, c’est-à-dire des courtes peines». Soulignant que les
conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation seraient «les piliers de
cette réforme pénale», Mme Taubira a rappelé son engagement à en embaucher
quelque 1000. La ministre a, par ailleurs, annoncé qu’elle allait «installer le
mois prochain l’observatoire de la récidive», afin de disposer des «outils
fins» pour mesurer le phénomène. Le projet de réforme pénale, doit notamment
matérialiser l’engagement de campagne de François Hollande à supprimer les
peines plancher. C.V.
Dans la salle : Christiane TAUBIRA, le
discours soutenu, l'élévation de la pensée, la richesse du débat, la parole
claire, l'intelligence et la conviction... que ça fait du bien!
Le bon sens Taubira.
En hommage à Christianne
Taubira qui intervenait lors du débat parlementaire sur le mariage pour tous.
Ne cherchez plus: La Gauche c'est elle! Ce qu’a fait Christiane Taubira
pendant ces journées de débat sur le mariage pour tous, dépasse l’enjeu de la
loi qu’elle a défendue avec courage, engagement, en y mettant de la passion, de
l’amour et parfois de la colère…Elle n’a pas seulement recontextualisé cette
loi, en en faisant une étape du combat pour l’égalité des droits et
l’émancipation humaine ; elle a sorti la loi du ghetto dans lequel la
droite voulait l’enfermer, en démontrant cette vérité historique que les
minorités sont l’avant garde des droits pour tous, en rappelant ces
« devenirs minoritaires » qui tracent l’horizon des nouveaux droits
pour tous…
C’est un changement de
paradigme politique qui a été rendu possible par un triple déplacement.
Primo, déplacement de la scène politique majeure : des chaînes du tout info (téléréalité politique)
à l’assemblée nationale (scène du débat démocratique). Le temps de ce débat
elle a redonné à la scène parlementaire, sa primauté : on ne l’a pas vu
dans les médias mais à son pupitre de l’Assemblée. Pour une fois c’était la
télé (24/7) qui regardait l’Assemblée et non l’inverse. En remettant le débat
parlementaire au centre de l’attention, elle a restauré la dignité du débat
démocratique…
Secundo, elle s’est battue non seulement pour
changer la loi, mais elle a opéré
un changement de perception. Taubira a démasqué la droite, et mis fin, le temps
d’un débat, à cette imposture qui veut que la droite se prétende depuis trente
ans, moderne, révolutionnaire quand il s’agit de s’attaquer au droit du travail
ou de déréguler la finance… Pour une fois une partie de la droite était
renvoyée d’un coup à son archaïsme, à ses fantômes biologistes, à ses fantasmes
d’exclusion, homophobes, Triangle rose. Biologisme. Petits pois de Lamarck.
« Vous avez la fascination du biologique de la génétique, leur a lancé
Taubira, vous en êtes encore aux lois de Mendel qui travaillait sur les petits
pois. »
Tertio, elle a su rendre contagieux un certain état d’esprit que M. Bakhtine a
qualifié dans son grand livre sur Rabelais de « carnavalesque »,
cet esprit du carnavalesque qui annonce et prépare les grands
« revirements » : le renversement ironique du haut et du bas, le
mélange du sérieux et du comique, du sacré et du profane. C’est ce qu’a fait
Ch. Taubira, citant le poète Léon-Gontran Damas : « Nous les gueux/
nous les rien/ nous les peu/ nous les chiens/ nous les maigres/nous les Nègres/
Qu’attendons-nous/ Qu’attendons-nous pour faire les fous/ pisser un coup/ tout
à l’envi/ contre la vie/ stupide et bête/ qui nous est faite ? »
Rien d’autre qu’une
invitation à changer d’imaginaire, ce que la gauche, le nez dans ses dossiers,
a bien du mal à faire. Loin des « élements de langage » qui
sclérosent le langage politique, Taubira a convoqué dans le débat démocratique
une langue poétique et politique, la syntaxe du droit et le langage des
symboles, plusieurs registres de langues… Un plurilinguisme qui est l’alchimie
de la démocratie et qui fait qu’un ensemble de causes irrationnelles trouvent à
un moment donné, une expression politique adéquate, c’est-à-dire une syntaxe et
un récit dans lesquels une majorité se reconnaît.
C’est à l’émergence d’une
langue nouvelle qu’on repère un changement possible. Le droit de nommer les
choses autrement, d’abattre les murs rhétoriques, de changer d'imaginaire:
l’acte que nous allons accomplir est “fort comme le cri aigu d’un accent dans
la nuit longue”» “grand comme un besoin de changer d’air”. Il était temps, on
étouffe ! C.S.
Dans la salle : Mme Taubira ne passe pas son
temps à blablater pour son seul prestige du présent et sa carrière future. Elle
fait. Et quand elle a pris la parole pour l'égalité des droits au mariage et à
l'adoption, c'est avec dignité, une véritable culture et une certaine grandeur.
Elle a donné en effet une belle image du politique.
C'est une des rares qui nous sort d'un sentiment de
dégoût général. Est-ce que ce sera suffisant pour empêcher que la crise de
confiance envers les politiques ne nous ramène vers des temps sombres ?
Christiane Taubira la combattante
Être au coeur d'une
polémique incessante depuis 2012 ne lui fait ni chaud ni froid. Et, à tout
prendre, elle préfère susciter l'irritation que l'indifférence. Elle est comme
cela, Christiane Taubira, devenue, en un an - après qu'on l'a vue se battre en
faveur du mariage gay devant un hémicycle électrisé -, une superstar de la
politique. Elle n'est pas née d'hier, certes, et marque son territoire depuis
des années. Ce n'est qu'aujourd'hui pourtant qu'elle est devenue l'ennemie n° 1
de la droite, dans le même temps où, à l'université d'été du PS à la Rochelle,
elle est tombée spectaculairement dans les bras de Martine Aubry tandis qu'à
l'applaudimètre, elle devançait largement le ministre de l'Intérieur, Manuel
Valls. C'est dire que Christiane Taubira entre désormais dans le cercle
restreint des invités de premier plan…
Elle est tout sauf une figure consensuelle
Rassembler : le mot n'est
sans doute pas bien choisi pour évoquer Christiane Taubira. Elle est tout sauf
une figure consensuelle. On peut la considérer, même, comme particulièrement
clivante. Elle a des convictions bien établies sur beaucoup de choses, et
depuis longtemps. Elle a été, dans une vie précédente, avant 1981, militante
indépendantiste de la Guyane, ce qui n'était pas une attitude majoritaire dans
ce pays français d'outre-mer. Depuis, elle a été candidate aux élections
européennes en 1994. Pour le compte du PS, déjà ? Non, c'est sur la liste des
radicaux de gauche, alors conduite par Bernard Tapie pour tailler des
croupières au candidat socialiste Michel Rocard. Elle a même été candidate à
l'élection présidentielle de 2002, ou Lionel Jospin, le Premier ministre
socialiste ne sera pas présent au second.
Pourquoi, alors, est-ce
elle que François Hollande a appelée, pendant sa campagne présidentielle, pour
le représenter outre-mer ; pourquoi l'avoir choisie, après son élection à
l'Élysée, pour la Place Vendôme, où la nomination de tant d'autres ministres -
Martine Aubry, Bertrand Delanoë - avait été annoncée ? D'abord parce qu'elle
partageait sur la justice une partie, sinon la totalité, des convictions du
candidat socialiste telles qu'il les avait exprimées dans son discours devant
le fameux club Droit, justice et sécurité en février 2012. Elle avait même,
a-t-elle raconté, passé des mois à le faire lire et relire outre-mer. Sa
nomination, inattendue, a été la surprise du gouvernement Ayrault de juin 2012.
Elle s'est révélée une combattante née
Savait-on qu'elle avait
dompté, comme elle l'a laissé entendre dans le livre-récit de ses batailles
politiques paru en 2012, Mes météorites, les mauvais esprits de la forêt
guyanaise ? Connaissait-on alors son éloquence torrentueuse, sa combativité
farouche, son maniement raffiné de la langue française et son incoercible
lyrisme, tout ce dont elle a fait preuve hier ? Quelques-uns, sans doute, parmi
lesquels Bernard Tapie, le premier à l'avoir choisie pour figurer sur sa liste
européenne, ou Jean-Marc Ayrault qui l'aida, alors qu'elle était députée de
Guyane, et lui seulement député-maire de Nantes, à porter la loi de 2001 qui a
fait de la traite et de l'esclavage un crime contre l'humanité. Pour l'ensemble
de la classe politique, elle était jusqu'à l'année dernière une députée parmi
d'autres, femme et noire de surcroît.
Elle s'est révélée une
combattante née, on l'a vu tout au long du débat sur le mariage gay, une
"tueuse" selon ses ennemis, et aussi certains de ses amis. Elle a été
fidèle à son personnage, ne laissant rien passer, luttant pied à pied contre
ceux qui lui faisaient le reproche de penser plus aux délinquants qu'à leurs
victimes, ou de vouloir davantage vider les prisons que les remplir. Donc, elle
était là samedi après midi à Sainte
Croix en Diois, et bien là. Attachée à défendre ce qui lui tient à coeur depuis
longtemps, même si elle sait, elle n'est pas sourde, que l'opposition l'accuse
de laxisme, et plus encore d'angélisme. À l'origine de la politique qu'elle a
choisi d'incarner, sa conviction, partagée par une partie de la gauche, et
vilipendée par toute l'opposition, que le système carcéral français, avec ses
prisons surpeuplées, n'interdit pas la récidive, et, dans certains cas, va
jusqu'à la provoquer. Que les peines planchers, instituées par Nicolas Sarkozy
pendant son quinquennat, sont à la fois contraires à la personnalisation des
peines, nocives pour le surpeuplement des prisons et sans effet sur la
récidive.
Elle ne cherche pas le consensus
Bref, il a suffi de
quelques mois et d'une réforme pénale pour que Christiane Taubira incarne à
elle seule l'utopie de la gauche au sujet de la possible rédemption des
délinquants, Pour l'imposer dans la réforme qu'elle porte, elle a été
insensible aux arguments de Manuel Valls, et sans doute, derrière les sourires,
s'est-elle battue contre lui farouchement - on reproche à son cabinet d'être à
la source des fuites sur l'immigration et le regroupement familial lors du
séminaire gouvernemental de rentrée. Le résultat est que, même si le texte tel
qu'il est sorti du conseil des ministres insiste, conformément à la volonté du
ministre de l'Intérieur, sur la fermeté vis-à-vis des éventuels récidivistes,
il reprend essentiellement la "contrainte pénale" défendue par la
garde des Sceaux. Une peine effectuée à l'extérieur du monde carcéral pour
certaines catégories de délinquants. Même si cette peine est prévue, et
exécutée dans d'autres pays, comme l'Allemagne, les pays scandinaves ou le
Canada, elle déchaîne, ici, les passions. Surtout à un moment où une violence
nouvelle, kalachnikov aidant, terrorise Marseille ou les banlieues parisiennes.
Rien n'ébranle la foi de Christiane Taubira, qui hier, a répété son
argumentation : dans la France d'aujourd'hui, plus de 80 000 peines ne sont pas
exécutées dans l'année qui suit la condamnation prononcée par les juges. Loin
d'être, dans son esprit, une façon d'élargir les délinquants plus vite que
prévu, la contrainte pénale a le mérite d'être immédiate, et d'imposer
immédiatement des contraintes et des obligations aux condamnés.
Reste que la garde des Sceaux n'a pas cherché une
seconde le consensus : elle a été
ce qu'elle est, séductrice par moments, pleine de gaîté à d'autres, mais
surtout considérablement sûre d'elle-même et de ses convictions. Combattante,
certes, mais scindant les Français en deux camps plus antagonistes que jamais :
ceux qui croient possibles la réinsertion et la rédemption, et ceux qui, au
contraire, doutent de la possibilité de changer un délinquant en un futur
honnête homme.
M.C.
Dans la salle : Christiane Taubira fait
honneur à toutes les femmes, à tous les hommes. Son humanité, sa passion, son
humour formidable, la joie de vivre qu'elle dégage en fait une "lumière"
pour ce gouvernement.
"Madame Taubira va dans le
bon sens"
La politique pénale
dessinée par Madame Taubira va indiscutablement dans le bon sens. Il est
essentiel que les peines planchers soient abrogées. La personnalisation de la
peine est une règle intangible pour toutes justice démocratique. Victor Hugo,
dans "Les Misérables", l'a démontré beaucoup mieux que je ne
pourrai jamais le faire.
Il est nécessaire que les
mesures de liberté conditionnelle maintiennent un semblant d'ordre dans les
prisons, et que les personnes qui en ressortent puissent être suivies et contrôlées
le temps nécessaire ce que ne permet pas la remise en liberté après exécution
totale de la peine, n'en déplaise aux plus démagogues de nos politiciens.
Il est enfin souhaitable
de chercher une forme de sanction qui, tout en punissant, n'implique pas
l'incarcération, aujourd'hui facteur important de récidive.
Mais il faudra aller plus loin dans les réformes.
Tout d'abord, il est
choquant que les victimes d'infractions violentes ou assorties de menaces ne
soient pas consultées par le Juge de l'Application des Peines au même titre que
la Défense. Il appartient certes au Juge et à lui seul de décider. Il est
nécessaire qu'il entende tous les intéressés.
Par ailleurs il faut bien
comprendre que nombre de délinquants, et notamment parmi les plus jeunes ne parlent
plus aujourd'hui la même langue que la police ou que la justice, quel que soit
le lieu de leur naissance ou leurs origines proches ou lointaines. Il s'agit
d'une rupture culturelle et en aucun cas ethnique. Parler utilement aux jeunes
de ce qu'on appelle les quartiers suppose que des personnes formées et
qualifiées prennent en charge cette fonction, nous pourrions dire ce sacerdoce
que ce soit pendant une éventuelle détention dans des lieux spécialement
affectés et à l'abri du grand banditisme ou dans la rue, quand des
comportements apparaissent aux limites sans être réellement délinquants et que
les parents baissent les bras.
La prévention peut être
aujourd'hui une contrainte, la répression peut être aussi utilisée pour une
formation civique.
Certes, une telle
politique coûtera de l'argent au contribuable, mais de l'argent seulement et
beaucoup moins après un premier temps qu'une répression mécanique. E.T.
Dans la salle : J’ai pu constater que cette
femme politique humaniste et chaleureuse provoque toujours autant
d'enthousiasme et d'engouement qu'il y 10 ans. N'en déplaise à la droite
qui se répand en calomnies et fausses rumeurs espérant faire de sa nomination
un repoussoir en flattant les pires instincts de certains électeurs à la
manière du FN...
Vie privée : Christiane Taubira
veut des décisions communes en Europe
Le gouvernement français a
réclamé, lundi 7 octobre, un mécanisme de codécision au niveau européen pour
protégerla vie privée des citoyens contre les abus des plateformes en ligne,
mais cette demande est peu soutenue par ses partenaires. La ministre de la
justice, Christiane Taubira, a dû revenir à la charge à l'issue d'un débat avec
ses homologues à Luxembourg pour obtenir l'assurance que la demande de la
France n'était pas enterrée. La discussion portait sur la création d'un guichet
unique compétent pour veiller à l'application des règles pour les transferts
transfrontaliers de données personnelles collectées dans plusieurs pays de
l'Union européenne par des entreprises ou des plateformes comme Amazon, Google
ou Facebook. Les ministres dans leur grande majorité ont annoncé leur soutien
au principe de ce guichet unique, qui donnerait compétence à l'autorité de
protection de la vie privée de l'Etat dans lequel l'entreprise à son siège principal.
UN RÈGLEMENT EUROPÉEN SOUS
PRESSION
"Mais il n'y a pas
encore de convergence sur les instruments" pour faire fonctionner ce
guichet unique, a souligné Mme Taubira. Plusieurs questions sont restées sans
réponse, notamment celle des sanctions à infliger en cas de violation de la vie
privée. "Les données personnelles sont devenue une devise en ligne. Il
faut trouver un équilibre entre les opportunité données aux entreprises et le
besoin de protection des citoyens", a déclaré le ministre polonais de l'administration
et de la numérisation, Michal Boni. Cette discussion s'intègre à la réforme du
règlement européen sur la protection des données personnelles, qui mobilise
l'Union européenne et les responsables du lobbying des grands groupes du
numérique, principalement américains. La réforme vise à une meilleure
information des utilisateurs, tout en contrôlant mieux les capacités de
traitement des données de ces géants, au grand dam notamment des GAFA (Google,
Amazon, Facebook, Apple) et de l'Etat américain. Dans ce cadre, la question de
la sanction est cruciale.
"Un mécanisme de codécision qui associerait à
la prise de décision l'ensemble des autorités nationales chargées de la
protection des données serait la solution optimale", a plaidé Mme Taubira.
"Nous ne souhaitons
pas que l'autorité chargée du guichet unique ait seule le pouvoir de
décision", a-t-elle insisté. Cette demande a reçu peu de soutien et a été
farouchement combattue par l'Irlande, où la plupart des plateformes et des
sociétés de vente en ligne américaines ont leur siège européen. "Nous
sommes contre la codécision, car elle risque d'ajouter de la complexité et de
paralyser le processus de décision", a soutenu le ministre irlandais de la
justice, de l'égalité et de la défense, Alan Shatter. "Le débat montre
qu'il y a encore beaucoup, beaucoup de travail à faire", a commenté le
ministre britannique de la justice, Chris Grayling. "Le débat a montré
qu'il y a un réel soutien au principe d'un guichet unique, mais une majorité
dit qu'il y a du travail à faire pour arriver à une décision", a conclu le
ministre lituanien de la justice, Juozas Bernatonis, dont le pays assure la
présidence semestrielle de l'Union européenne.
UN MÉCANISME FLEXIBLE POUR LA CNIL
Le principe d'un guichet
unique européen "à compétence exclusive" n'a pas l'aval de la
Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) française, qui
estime que les violations de la vie privée doivent être traitées par le pays de
l'utilisateur du service. "Il ne faut pas que le lieu de sanction soit
décorrélé du lieu de traitement des données ou de la résidence de
l'utilisateur, même si l'idée d'un guichet unique pour l'entreprise est
légitime. Dans un système de codécision, les CNIL compétentes sur un traitement
votent ensemble pour l'approuver, procéder à des contrôles conjoints et
l'interdire s'il y a lieu. Pour cela, on peut mettre en place une plateforme
informatique mutualisée. Les décisions pourraient se prendre par un vote formel
où, on peut imaginer, le silence vaut acceptation", affirme Edouard
Geffray, secrétaire général de la CNIL. La proposition est de décider des
sanctions entre les autorités nationales concernées, qui ne soient pas
l'affaire d'une CNIL seule, pour un montant pouvant aller jusqu'à 2 % du
chiffre d'affaires mondial.
La commissaire européenne chargée de la justice,
Viviane Reding, a elle dit espérer
un compromis "pour décembre". Le principe du guichet unique est un
des éléments-clés de son projet de cadre réglementaire européen pour la
protection des données personnelles.
Le féminisme a-t-il une couleur
spécifique lorsqu’on est une femme de « couleur » engagée en
politique et dans le féminisme ?
Je m’interdis d’appartenir
à une catégorie ‘femme de couleur’. D’abord parce que je ne me laisse pas
définir par d’autres. Il n’y a pas une norme, une référence, le blanc, par
exemple, et le reste, la couleur. Ensuite parce que cela contribuerait à
enfermer les petites filles, mais les petits garçons aussi, dans des
compartiments limitant leur horizon, leurs possibilités, leurs ambitions, leurs
audaces. Je raisonne comme Frantz Fanon : ‘Il y a ma vie prise au lasso de
l’existence. Il y a ma liberté qui me renvoie à moi-même’.
Le mot “féminisme” est-il encore d’actualité ? Le restera-t-il encore longtemps ? Le sexisme est-il la seule résistance au féminisme ?
Le mot “féminisme” est-il encore d’actualité ? Le restera-t-il encore longtemps ? Le sexisme est-il la seule résistance au féminisme ?
Pour moi, le féminisme est
un humanisme. Je veux dire qu’il se charge de tout l’héritage des luttes pour
les libertés et pour l’égalité, et qu’il pose clairement le rejet de
discriminations fondées sur le genre. Nous portons de plus, nous des Outremers
et des pays du sud en général, la mémoire de l’exclusion et de l’oppression. Et
je pense comme Louis Delgrès que ‘La résistance à l’oppression est un droit
naturel’. Le sexisme est une vision essentialiste qui croit que la destinée
d’une personne est déterminée par son genre. Ce n’est pas une résistance au
féminisme, c’est juste une imbécillité.
Quels ont été vos guides vers le féminisme ?
Quelles sont les femmes qui vous ont inspirée, lesquelles vous font encore
croire à ce combat ?
Je parlerais davantage de
guides vers ma conscience de femme que vers le féminisme. La plus grande et la
plus belle figure fut ma Maman par son courage et son art de détourner la
pauvreté. Après, le féminisme est un choix de lutte, où l’on dépasse le souci
de son propre sort.
La lutte pour les droits des femmes doit-elle changer de formes ?
Quelles sont les actions qui restent à mener ? La parité et l’égalité
sont elles vraiment accessibles dans ce monde ? Avec l’évolution de la société, y a-t-il de nouveaux droits à conquérir ?
La lutte pour les droits des femmes doit-elle changer de formes ?
Quelles sont les actions qui restent à mener ? La parité et l’égalité
sont elles vraiment accessibles dans ce monde ? Avec l’évolution de la société, y a-t-il de nouveaux droits à conquérir ?
La question de l’égalité
est majeure. La parité est plus facile à atteindre, elle se traduit par un plus
une. L’égalité, c’est une égale un. Elle ramène chacun d’entre nous à la fois à
sa singularité et à son intégrité. Le défi de l’égalité c’est l’altérité, qui
conduit à accepter l’autre différent comme étant à la fois soi et un autre.
Les agressions contres les femmes
voilées sont aussi des atteintes aux droits humains … Christiane Taubira a envoyé
un mail à Sainte Croix pour préciser sa pensée après une réponse trop rapide à
son grés…Dés que nous serons en possession de ce mail intégral, lu aux Jeunes,
nous le publieront sur MCD. C.V.
Nota : Christiane Taubira
Garde des Sceaux, ministre de la Justice
Christiane Taubira est Garde des Sceaux, ministre de la Justice au sein du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, nommée à ce poste le 16 mai 2012 suite à l'élection de François Hollande à la Présidence de la République. Candidate PRG à l'élection présidentielle de 2002, elle a été députée de la 1ère circonscription de Guyane de 1993 à 2012, et députée européenne de 1994 à 1999. Très engagée au sein de l'Hémicycle puis du gouvernement actuel, elle a donné son nom à deux lois, celle du 21 mai 2001 "tendant à la reconnaissance des traites et des esclavages comme crime contre l'humanité" (dont elle était rapporteur) et celle du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (qu’elle a déposé puis défendu devant le Parlement). Attention nos textes ont été écrits avant, pendant et après ces trois journées : MCD
Christiane Taubira est également l'auteur de plusieurs essais
Garde des Sceaux, ministre de la Justice
Christiane Taubira est Garde des Sceaux, ministre de la Justice au sein du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, nommée à ce poste le 16 mai 2012 suite à l'élection de François Hollande à la Présidence de la République. Candidate PRG à l'élection présidentielle de 2002, elle a été députée de la 1ère circonscription de Guyane de 1993 à 2012, et députée européenne de 1994 à 1999. Très engagée au sein de l'Hémicycle puis du gouvernement actuel, elle a donné son nom à deux lois, celle du 21 mai 2001 "tendant à la reconnaissance des traites et des esclavages comme crime contre l'humanité" (dont elle était rapporteur) et celle du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (qu’elle a déposé puis défendu devant le Parlement). Attention nos textes ont été écrits avant, pendant et après ces trois journées : MCD
Christiane Taubira est également l'auteur de plusieurs essais
- "L'esclavage
raconté à ma fille" (Bibliophane, 2001)
- "Rendez-vous avec
la République" (La Découverte, 2006).
- "Mes météores :
combats politiques au long cours" (Flammarion, 2012), un ouvrage retraçant
son parcours politique comme militante. C.V.
pour MCD
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire