Voici un cas de figure qui
ressemble beaucoup à Die, sauf que, le Parti de Gauche s’est trompé d’allier à
Die. Al.Id
A Grenoble, une alternative citoyenne au
PS : Autour d'Eric Piolle (EE-LV), tête de liste : La liste «Grenoble
pour tous», qui rassemble partis de gauche (sauf le PCF), associations et
réseaux d’habitants, pourrait prendre la ville, tenue par les socialistes.
Ce serait une première en
France. Et un coup de tonnerre dans le paysage politique national. Les
socialistes grenoblois peuvent-ils perdre la mairie au profit du rassemblement
citoyen de la gauche et des écologistes de la liste «Grenoble pour tous» ?
«Aujourd’hui, l’attention se porte plutôt sur la bascule des villes de gauche à
droite ou de droite à gauche. Mais, à Grenoble, on offre la possibilité d’une
autre forme d’alternance. Grenoble est la grande ville qui peut basculer vers
l’écologie politique», assure Eric Piolle, tête de liste Europe Ecologie-les
Verts (EE-LV) de ce rassemblement. Qui comprend également le Parti de gauche
(PG), l’Ades (Association écologiste historique locale), le Réseau citoyen, les
Alternatifs et des représentants de la société civile. «Le mouvement que nous
incarnons peut gagner», veut aussi croire Elisa Martin, porte-parole de la
liste Grenoble une ville pour tous, et membre de la direction nationale du PG.
Au-delà de l’optimisme obligé de tout candidat à une élection, la suprématie
socialiste sur la capitale des Alpes pourrait bien être chahutée pour la
première fois depuis que Michel Destot en est devenu maire, en 1995.
Politologue et enseignant à Sciences-Po Grenoble, Simon Labouret estime, lui
aussi, que les candidats de ce rassemblement «ont une fenêtre ouverte devant
eux»(lire page ci-contre).
Dans cette ville
universitaire très tournée vers les nouvelles technologies, la gauche bénéficie
d’un ancrage ancien et solide. Le socialiste Hubert Dubedout l’a dirigée
de 1965 à 1983. Michel Destot a effectué trois mandats… Mais il va
laisser la place à son dauphin, Jérôme Safar, pour le prochain scrutin.
Composantes. Ce n’est pourtant pas à cette gauche-là que se réfèrent les membres
du rassemblement. C’est à une gauche citoyenne, écologiste et alternative, qui
est aussi l’une des spécificités de Grenoble. Si les différentes composantes de
la liste Grenoble pour tous convoquent la figure d’Hubert Dubedout, référence
indépassable de la gauche grenobloise, c’est plutôt du Dubedout des débuts que
de celui qui géra la ville pendant près de vingt ans : «A l’époque, la SFIO et
le PC étaient déconsidérés et Hubert Dubedout avait monté, avec le PSU, le
premier Groupe d’action municipale [GAM, ndlr] de France», rappelle Vincent
Comparat, l’un des porte-parole de l’Ades.
Expérience de démocratie à
l’échelle locale, les GAM avaient été créés par des citoyens désireux de
prendre eux-mêmes en charge les problèmes de leur cité. «Même si l’équation est
différente, la situation actuelle se rapproche de celle de 1965»,
poursuit Vincent Comparat. En clair, le gouvernement et le chef de l’Etat
battent des records d’impopularité et, après trois mandats, Michel Destot et le
PS grenoblois «se croient les propriétaires de la ville», comme l’a déclaré
Eric Piolle dans son discours d’investiture.
Pour Comparat, au contraire, Grenoble est «une
ville qui déborde d’initiatives locales». «C’est une grande ville avec une incroyable richesse associative et
des citoyens qui se prennent en main», renchérit Marine Bouillon, membre du
Réseau citoyen. «A Grenoble, la société civile vient régénérer le pouvoir
politique par vagues successives», assure encore Eric Piolle.
Parmi les membres du
rassemblement, deux incarnent cette spécificité grenobloise. «L’Ades a été
créée en 1994, mais elle est issue de collectifs militants locaux datant
de 1983», rappelle Vincent Comparat. Après avoir aidé Michel Destot à remporter
la mairie en 1995 et avoir fait partie de sa majorité jusqu’aux
municipales de 2008, l’Ades est passée dans l’opposition. Sa spécialité,
incarnée par Raymond Avrillier, figure locale de l’intransigeance envers les
politiques de tout poil : décortiquer les décisions de l’équipe dirigeante
socialiste et les attaquer en justice lorsqu’elles violent la loi. «On a fait
tomber le Plan local d’urbanismede l’Esplanade [un terrain vague accueillant
une fête foraine et servant de parking gratuit, sur lequel la municipalité a un
projet immobilier, ndlr]», rappelle Vincent Comparat.
L’autre exemple de politique à la grenobloise est
le Réseau citoyen, qui rassemble
des militants ayant appartenu à divers collectifs de luttes : contre la
fermeture du lycée expérimental Emmanuel-Mounier, contre la construction de la
rocade Nord, pour l’aide aux sans-papiers. Pascal Clouaire, un de ses membres,
est par ailleurs un ancien de GO Citoyenneté, «mouvement politique local de
gauche des Grenoblois», qui revendique sa filiation avec les GAC de Dubedout.
Mais GO ayant choisi, comme le PCF, de rejoindre Jérôme Safar pour les
municipales, il ne fait pas partie du rassemblement.
Laboratoire. Pour EE-LV, comme pour le PG, cette alliance inédite en France fait
figure de laboratoire. «Nationalement, ce qui se passe à Grenoble est très
important pour nous, explique Elisa Martin. Notre rassemblement est une
tentative de recomposition de la gauche. Nous voulons faire la preuve qu’elle
peut avoir d’autres contours.» Les dirigeants d’EE-LV suivent également
l’expérience grenobloise de près. «Mais ils restent à distance car ils savent
que la clé du succès est l’ancrage local, rappelle Eric Piolle. Il n’y a pas de
volonté de leur part de mettre leur drapeau sur Grenoble.» L’alliance entre les
différentes composantes du rassemblement citoyen de la gauche et des
écologistes résistera-t-elle aux ambitions des états majors et des candidats
eux-mêmes ? Dans l’entourage de Michel Destot, on assure que la machine
militante du PG va bouffer les naïfs écolos. Les intéressés jurent le
contraire. «Le PG a été le premier à mettre ma photo sur son local», proteste
Eric Piolle. Maître-d’œuvre de ce rassemblement, l’Ades veille.
Catherine COROLLER envoyé spéciale à Grenoble
A Grenoble, les écolos, alliés au
Parti de gauche, défient la mairie socialiste
Le bruit des marteaux
piqueurs résonne dans la Villeneuve, quartier populaire de Grenoble. S'y ajoute
celui des gravats qui s'écoulent dans un tube qui serpente le long d'un
immeuble voué à la destruction. Mercredi 5 mars, Eric Piolle, candidat
écologiste à la mairie, écoute l'histoire de ce bâtiment, l'aile nord du 50,
galerie de l'Arlequin, racontée par un collectif d'habitants.
Accompagné de la
secrétaire nationale d'EELV, Emmanuelle Cosse, et entouré de plusieurs de ses
colistiers qui habitent ici, ce quadragénaire à l'allure sportive a prévu de
s'attarder dans le quartier. Au programme : une visite des jardins partagés,
une rencontre avec des associations et une réunion publique en fin de journée.
Qu'il semble loin, le
temps de l'expérimentation sociale imaginée au début des années 1970. Malgré le
soleil et les montagnes alentour, les bâtiments ont grise mine. La Villeneuve
peine à se débarrasser de l'image qui lui colle à la peau depuis le discours de
Grenoble prononcé par Nicolas Sarkozy en 2010, après des émeutes urbaines.
« UNE VÉRITABLE ASPIRATION AU
CHANGEMENT »
« Il y a des problèmes de
sécurité réels avec des trafics de drogue, mais aussi une vitalité associative
», assure M. Piolle, qui dit avoir frappé à toutes les portes de ce quartier de
12 000 habitants. Ses militants ont d'ailleurs bien travaillé : la plupart des
panneaux d'affichage public arborent son effigie. « Ici, le PS fait – enfin
faisait – 80 % des voix, affirme le candidat EELV. Mais il y a une véritable
aspiration au changement, même le clientélisme ne marche plus. »
A 41 ans, cet ingénieur
entend détrôner les socialistes qui ont repris en 1995 la mairie à la droite
après les ennuis judiciaires de l'ancien maire RPR Alain Carignon. Condamné en
1996 pour corruption et abus de biens sociaux, ce dernier se présente le 23
mars sur la liste de l'UMP Matthieu Chamussy. Sur sa route, M. Piolle trouvera
Jérôme Safar, premier adjoint PS du maire sortant, Michel Destot, qui a renoncé
à briguer un quatrième mandat. Pour y parvenir, l'écologiste s'est allié au
Parti de gauche – le PCF rejoignant les socialistes – et à un collectif de
citoyens. « Ce n'est pas une liste écologiste mais de radicaux écologistes, du
Parti de gauche, et un recyclage d'anciens de l'extrême gauche », critique M.
Safar.
Ancien cadre dirigeant
chez Hewlett-Packard, M. Piolle fait campagne sur le renouveau en politique. Il
promeut ainsi « la gauche par envie et non par habitude ». Son projet : renouer
avec les habitants. En cas de victoire, il s'engage à démissionner de son
mandat au conseil régional pour être « un maire à plein temps ». Il veut aussi
« protéger » les services publics locaux de cette ville universitaire avec une
tarification progressive de l'eau et du chauffage et la gratuité des transports
pour les 18-25 ans.
« ERIC PIOLLE NE S'OCCUPE PAS DE LA DROITE »
M. Piolle a eu une
carrière politique éclair. Militant associatif, il s'engage en 2009 à Europe
Ecologie avant d'être élu l'année suivante au conseil régional. « Il y a un
décalage entre l'image lisse et le discours, qui l'est beaucoup moins »,
attaque M. Safar. Cinq ans plus tard, M. Piolle maîtrise tous les codes de la
politique – petites phrases comprises. Le PS ? « Il ne fait que gérer
l'effondrement du système. » M. Safar ? « Un strausskahno-vallsiste » qui
n'attend que de « s'asseoir sur le strapontin ».
Et d'attaquer bille en
tête la précédente municipalité, « la boucherie » des rythmes scolaires, les
grands projets « inutiles » – la candidature en 2009 aux Jeux olympiques, le
projet de contournement routier au nord, le stade des Alpes… Et ce d'autant
plus facilement que depuis 2008 les écologistes sont dans l'opposition. Dans
cette ville de près de 160 000 habitants, où François Hollande a fait 64,29 % des voix au second tour de la
présidentielle, la bataille se joue à gauche. D'autant que la droite se
présente en ordre dispersé. « Eric Piolle ne s'occupe pas de la droite et
concentre les critiques sur ma liste, déplore M. Safar. Il y a un danger avec
un contexte national compliqué. Je ne sous-estime pas une droite qui certes
recycle mais fait campagne. »
A gauche, chacun refuse
pour le moment de se prononcer pour le second tour. Arrivés en troisième
position en 2008, les écologistes avaient fait le choix de se maintenir. « Si
nous sommes en tête, on leur proposera de nous rejoindre, il n'y a pas de
volonté de revanche », assure M. Piolle. M. Safar entend obtenir des «
clarifications » sur de « vraies divergences » : la sécurité, les finances ou
encore les transports. Un sondage réalisé par Ipsos et publié le 6 mars place
les deux candidats en tête. La liste de
M. Safar obtiendrait 34 % devant celles de M. Piolle (26 %) et de M.
Chamussy (22 %). Donné à 9 %, le FN pourrait être en mesure de se qualifier.
Sans doute pas ce qu'espérait le candidat EELV, mais de quoi le rendre
incontournable.
Raphaëlle Besse Desmoulières
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