Elles sont passées des
livres à la terre. En peu de temps, les religieuses de la Clarté Notre-Dame,
spécialisées jusqu’au milieu des années deux-mille dans les enluminures, sont
devenues de vraies cultivatrices. Raisonnées et respectueuses de
l’environnement. Elles diraient plutôt « respectueuses de la
Création ». Au demeurant, elles invitent quiconque à les rejoindre ce
samedi 29 septembre pour une journée spéciale de « prière et célébration
pour la sauvegarde de la création » (lire l’encadré grisé).
Depuis 2009, les quatorze
sœurs dominicaines du couvent situé à quelques kilomètres du village de Taulignan, se sont orientées
vers une activité qu’elles ne maîtrisaient guère au départ. « Aucune
d’entre nous n’avait de connaissance dans la culture de la terre », confie
l’une des responsables de l’activité, Sœur Dominique. « Mais notre
précédente activité n’était plus suffisante, il fallait rechercher un autre
travail. Nous avions des vignes en fermage sur des terres, qu’on a dû faire
arracher quand le vigneron est parti. Tout naturellement s’est posée la
question : que va-t-on faire de ces six hectares ? En en parlant
autour de nous, on nous a suggéré de cultiver des plantes aromatiques
biologiques et de fabriquer des tisanes à partir de nos récoltes ».
Le cadre de vie s’y prête.
Autour du couvent, un petit bois renferme bon nombre de plants de romarins qui
poussent naturellement. On est en Drôme provençale, terre propice au thym, à la
lavande et autre sarriette. Mais les Sœurs veulent aller plus loin que
simplement chercher de l’ouvrage et vendre leurs produits. Elles trouvent un
sens spirituel à leur démarche, encouragées d’emblée par l’évêque de Valence,
Mgr Lagleize. L’écologie commence à peine à devenir une préoccupation d’Église,
et les religieuses, elles-mêmes se documentent sur les ponts possibles entre
écologie et théologie. Sur le plan pratique, elles sont déjà déterminées.
« Agir face à la crise écologique »
« Face à la crise
écologique dont tout le monde parle et dont les habitants de la planète, en
certains lieux, commencent à souffrir, il fallait agir à notre petit niveau, en
proposant des plantes aromatiques aux vertus reconnues pour la santé et le
bien-être et qui étaient cultivées sans produits chimiques », explique
Sœur Dominique. « Nous avions déjà le modèle des Sœurs orthodoxes de
Solan, dans le Gard, qui s’étaient lancées il y a plus de dix ans déjà. En
2009, nous avions rencontré Pierre Rabbi, l’agriculteur philosophe de
l’écologie qui nous a encouragées dans notre démarche. Il nous a dit qu’il
fallait de l’eau, de la terre et du courage, et qu’il suffisait de travailler à
partir de ce que l’on a ».
Le label « Clarté Provence »
La friche résultant de
l’ancienne vigne passe alors en conversion bio. En 2010, les Sœurs plantent du
thym, du romarin, de la lavande. Des amis, des voisins viennent les aider. Des
agriculteurs prodiguent des conseils. C’est tout un élan de solidarité qui se
met en place. « Les plantes ont pris tout de suite, si bien qu’à chaque
nouvelle année, on en cultive une nouvelle variété », souligne Sœur
Dominique. Autour de la culture, le travail communautaire s’organise. Quand
l’une bêche la terre, l’autre arrose, la troisième récolte, la quatrième fait
sècher les plantes, la cinquième conditionne, la sixième étiquette, etc. Les
religieuses du couvent commençent depuis 2011 à vendre leur produit sous le
label « Clarté Provence ».
Respect de la terre, de l’homme, de Dieu
« Mais ce n’est pas
le tout de planter bio, on essaie de réfléchir sur le pourquoi on le fait, et
cela renforce notre foi », assure Sœur Dominique. « Une association
œcuménique est née sur le diocèse pour approfondir le sujet et s’appelle
Oeko-Logia ». Dès les premiers temps, Fabien Revol, de l’université
catholique de Lyon, a dispensé durant une année des cours aux Sœurs sur la
relation entre spiritualité et environnement ou encore sur la théologie de la
Création. « Nous sommes engagées dans une démarche de respect de la terre,
du respect de l’homme et donc du respect et de la louange à Dieu », résume
Sœur Dominique. « Cette terre, elle est pour nous, mais elle ne nous
appartient pas. Elle nous a été confiée par Dieu. Nous ne prétendons pas tout
résoudre de la crise écologique avec nos plantes aromatiques et notre potager
bio, mais nous participons, à notre mesure, à la sauvegarde la Création ».
Cyril Lehembre
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