L'épisode de pollution que
vit actuellement la région Ile-de-France, est géré comme d'habitude, par des
mesures insuffisantes. Personne n'ignore que la pollution atmosphérique ne se
combat pas uniquement à l'occasion des pics, mais par des changements majeurs
de nos modes de vie. Et ce type de décisions ne se prend pas dans l'urgence.
La question de la
pollution atmosphérique vient illustrer une nouvelle fois la faiblesse de la
politique de santé environnementale en France. Un épisode marquant de la
difficulté à se doter d'une politique en ce domaine a été l'exclusion du champ
santé environnement lors de la dernière conférence environnementale qui s'est
déroulée en septembre 2013. En conséquence, le Conseil national de la
transition écologique a été constitué sans les associations spécialisées.
Autre exemple
d'actualité : le 3e plan cancer. Quelque 1,4 milliard d'euros vont être
dépensés pour une stratégie qui a pourtant fait la preuve de son inefficacité. Qui
peut croire encore que la solution à l'épidémie de cancer soit de trouver de
nouveaux médicaments ? Le président américain Richard Nixon avait déclaré
en 1971 : « Dans vingt ans, nous aurons vaincu le cancer », en
prônant ce type de stratégie. On sait ce qu'il en est advenu.
LA NÉGATION DE LA CRISE SANITAIRE
Depuis plus de quarante
ans, le taux de cancer n'a cessé de progresser pas seulement dans les pays
développés, mais dans le monde entier. L'Organisation mondiale de la santé
(OMS) estimait le nombre de décès 8,2 millions en 2012 et ses projections dans
deux décennies sont de 22 millions. Les cancers hormono-dépendants progressent
au point que le cancer du sein est le premier cancer féminin pour 90 % de
la population mondiale.
La France est le seul pays
au monde à figurer dans les trois premiers pays au monde pour le cancer du sein
et le cancer de la prostate. L'explication plausible est celle des
perturbateurs endocriniens. Mais le plan cancer fait l'impasse sur cette
situation et continue de tout vouloir expliquer par le tabagisme.
Beaucoup de responsables
politiques continuent de nier l'urgence d'une politique ambitieuse en santé
environnementale en se raccrochant à l'idée que « l'état de santé des Français
n'a jamais été aussi bon au motif que l'espérance de vie
progresse » et que le tabagisme est le seul facteur de risque
majeur. Ce discours dominant repose sur la négation de la crise sanitaire.
Loin d'être à un niveau
d'excellence jamais atteint, l'état de santé des Français se caractérise au contraire
par un niveau jamais atteint de maladies chroniques. Aujourd'hui 9,5 millions
de personnes sont reconnues en affections de longue durée (ALD) par le régime
général d'assurance-maladie. En outre, 27 millions de personnes, soit
près d'un Français sur deux, sont confrontées à une maladie chronique au vu de
cette reconnaissance ou de leur consommation médicamenteuse.
Ces mêmes statistiques
montrent que sur la période 2003-2011 des maladies chroniques, la croissance
est beaucoup plus rapide que le seul vieillissement. Le nombre d'accident
vasculaire cérébral a progressé de 91 % en Alsace le nombre de diabète de 72 %
en Basse-Normandie et celui du cancer de 39 % en Languedoc-Roussillon. Dans le
même temps la proportion de la population âgée de plus de 60 ans progressait de
10 %.
IL Y A TROP DE MALADES
Le vieillissement souvent
avancé comme la seule raison n'explique que de façon partielle ces
progressions. Quand le cancer touche un homme sur deux et deux femmes sur cinq,
quand les maladies cardiovasculaires frappent deux personnes sur trois, quand
27 millions d'indicidus sont victimes d'une maladie chronique, dont 9,5
millions au titre des affections de longue durée, il n'est plus possible de
continuer à considérer la situation comme normale.
En plus du coût sanitaire,
le coût économique est également tout aussi anormal. Le surcoût pour la période
1994-2009 est de l'ordre de 400 milliards d'euros soit deux fois la dette
sociale. Malgré l'évidence des chiffres, la Stratégie nationale de santé reste
basée sur le paradigme ancien, c'est-à-dire sur le soin et la référence à la
prévention y est symbolique. Il est temps de comprendre que le problème du
système de santé n'est pas comme certains le prétendent qu'il y a trop de
médecins dans les hôpitaux, mais c'est qu'il y a trop de malades.
Il est temps de se
rappeler que ces maladies ne sont pas des fatalités et qu'elles ont des causes
sur lesquelles il est possible d'agir. C'est en ce sens que la Stratégie
nationale de santé devrait être orientée. La crise de ces derniers jours vient
de rappeler l'urgence de changer de stratégie.
André Cicolella (président du Réseau environnement santé)
Le Réseau environnement santé (RES) réunit
plusieurs associations écologistes autour de la question de la santé
environnementale.
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