HISTOIRE du Vercors : un planeur allemand restauré
pour "que nul n’oublie" : Le 21 et le 23 juillet 1944, 22
planeurs DFS 230 chargés de soldats allemands et tractés par des bombardiers
Dornier 17 depuis l’aéroport de Lyon-Bron, ont fondu sur le Vercors. Ils ont
ensuite été abandonnés sur place. Évacués pour la plupart après la guerre, il
n’est resté que quelques carcasses, dont celles visibles à Vassieux.
(Photo : Vercors : un
planeur allemand restauré pour "que nul n’oublie" :Le
21 et le 23 juillet 1944, 22 planeurs DFS 230 chargés de soldats allemands
et tractés par des bombardiers Dornier 17 depuis l’aéroport de Lyon-Bron, ont
fondu sur le Vercors. Ils ont ensuite été abandonnés sur place. Évacués pour la
plupart après la guerre, il n’est resté que quelques carcasses, dont celles visibles
à Vassieux.)
Sur
le plateau du Vercors, la silhouette des carcasses de planeurs allemands de la
Seconde guerre mondiale hante le paysage depuis 70 ans. L’une de ces machines de mort est en cours de
restauration.
De Saint-Nizier à Vassieux
ou La Chapelle, l’histoire de la Résistance et des sacrifices de la population
court le plateau du Vercors. S’il est un des témoins de cette époque devant
lequel le visiteur se fige toujours aujourd’hui, c’est devant les carcasses de
planeurs abandonnés par les troupes allemandes en juillet 1944.
Cet été-là, la mort a fondu du ciel. A Vassieux, la Résistance se mobilise, portée par
l’espoir que le débarquement en Normandie a redonné au pays. Elle attend du
matériel et des renforts des Alliés qui ne peuvent venir que des airs. Alors
elle balise un terrain d’atterrissage de fortune. Le 21 juillet puis le 23, ce
ne sont pas les troupes amies qui posent le pied sur le plateau. Mais 200
soldats ennemis à bord d’une quarantaine de planeurs d’assaut. L’opération «
nettoyage » lancée par l’occupant et les représailles contre les civils de tous
âges mettent les villages à feu et à sang.
Après le conflit, les
squelettes des aéronefs seront évacués, il faut bien que la vie aux champs
reprenne ses droits. Aujourd’hui, il ne reste que quelques exemplaires de ces
planeurs DFS 230, devant la Nécropole et près de l’église du village.
A l’initiative du
département de la Drôme, l’un d’entre eux est en cours de restauration à
Montélimar. Dans un hangar de l’aérodrome montilien, Pascal Conchon de
l’Association « La Belle Aviation Française » comprend que ce travail de
reconstitution puisse surprendre, peut-être choquer : « j’ai hésité avant
d’accepter cette rénovation, j’étais tourmenté. A Vassieux, j’ai tourné une
journée autour de cette carcasse, une partie de ma famille a été décimée
pendant la guerre. Et puis j’ai fait abstraction de mes sentiments. Je me dis
que je fais un travail d’archéologue ».
« Ne pas heurter les sensibilités »
Carine Marande, attachée
de conservatoire des patrimoines de la Drôme, ne dit pas autre chose : « Notre
volonté est de conserver une silhouette, un vestige. C’est une manière de
continuer à en parler. Il ne s’agit surtout pas de heurter des sensibilités
encore vivaces ». Le souci du département de la Drôme est d’abord de mener «
une restauration préventive pour arrêter la dégradation du planeur » soumis aux
intempéries depuis plus d’un demi-siècle.
C’est aussi la
préoccupation du maire de Vassieux, Michel Répellin : « Ce planeur est un
patrimoine qui retrace les événements passés, c’est un moyen de les faire
entrer dans la mémoire ». A Grenoble, le secrétaire général des Pionniers du
Vercors, Alain Carminati, ne « trouve rien à redire à cette initiative ».
A Montélimar, Pascal
Conchon secondé par l’ACAM (Association des Constructeurs Amateurs Montiliens)
s’est lancé dans un puzzle géant : « Il faut trouver des pièces et ce n’est pas
facile ». Même si parfois le hasard lui donne un coup de pouce : « Il se trouve
que deux planeurs n’étaient jamais arrivés à destination en juillet 44,
explique Pascal Conchon, l’un s’était posé tant bien que mal et l’autre s’était
écrasé près de Montjoux non loin de Dieulefit. Les habitants du coin avaient
récupéré ce qui pouvait l’être. Aujourd’hui ils nous font signe et nous donnent
des pièces ».
Un morceau de tissu de lin
qui recouvrait la carlingue était précieusement conservé au musée de Serres
dans les Hautes-Alpes : il servira de modèle pour reconstituer le camouflage
kaki et bleu ciel qui permettait au planeur de passer inaperçu.
« Une valeur symbolique »
Mais c’est dans la région
parisienne que les restaurateurs ont fait bonne pioche. Un collectionneur a
rassemblé et remis en état six planeurs du Vercors. Grâce à cette documentation
grandeur nature, des copies des éléments manquants seront fabriquées de toutes
pièces.
Pascal Conchon est au
début de sa quête mais l’inventaire est encourageant : la verrière au-dessus du
pilote, le tableau de bord du cockpit, les portes de la carlingue. A
l’intérieur, les neuf sièges des soldats plus celui du pilote sont
réutilisables après nettoyage. En revanche il ne reste rien de l’armement du
planeur souvent équipé de deux mitrailleuses, une sur le flanc et une autre sur
le toit « pour dégager le terrain au moment de l’atterrissage ».
Sur les 2200 planeurs de
ce type fabriqués avant et pendant le conflit, seulement quelques spécimens ont
traversé le temps. Un se trouve dans un musée de Berlin.
Pascal Conchon ambitionne
de reconstituer l’appareil entièrement sur un côté et d’aménager un « écorché »
sur l’autre. Mais le planeur ne retrouvera ni ses ailes ni son empennage. Il
regagnera ensuite Vassieux sans que son lieu d’exposition ne soit encore
tranché. Le hall du musée départemental de la Résistance a été pressenti mais
son directeur Pierre-Louis Fillet reconnaît « que la place des objets n’est pas
anodine, elle a une valeur symbolique ».
A Montélimar, Pascal
Conchon admet s’être lancé dans un travail de longue haleine pour lequel le
département de la Drôme a investi 24 000 euros. Le prix de la mémoire alors que
le plateau du Vercors se prépare à commémorer fin juillet le 70e anniversaire
des combats. Pour que « nul n’oublie ».
Georges BOURQUARD
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