Qu’est-ce donc que le
travail ? Le travail est un terme ambivalent avec ses deux faces : en
négatif, labeur, souffrance, tension, exploitation ; en positif, création,
épanouissement, accomplissement, œuvre dans le plaisir et la joie.
Cette ambivalence ne peut être comprise que si on
rapproche le terme de travail de celui d’activité. La personne active au sens économique du terme se
définit comme celle qui participe à la production sociale échangeable, c’est-à-dire
à l’économie dans sa matérialité mesurable des comptes nationaux. Le travail
est ici identifié à l’emploi au sens des économistes.
Au sens général du terme,
l’activité revêt deux formes : celle de l’activité immanente et celle de
l’activité transitive.
L’activité immanente est celle de l’exercice de l’intelligence, de la
mémoire et de la volonté. C’est le cœur de l’humanité de l’Homme, son
intériorité profonde qui constitue son humanité.
L’activité transitive est celle qui transforme les rapports avec la
nature et les rapports entre les personnes. Elle vise la production et
l’organisation, dans un sens plus large que l’activité au sens économique du
terme : il s’agit en effet de toute l’activité liée à la vie quotidienne
des familles et s’étend à une grande partie de l’activité éducative,
culturelle, scientifique, artistique, relationnelle et sociale.
L’activité humaine est
plus que le travail et le travail plus que l’emploi. Un vocabulaire équivoque,
ambivalent, imprécis, vague et confus peuple nos débats sur le travail.
La société inclusive repose sur trois piliers: les
capacités et les droits de l’Homme ; la reconnaissance par la société,
notre posture de base face aux autres.
Concernant cette dernière
question de l’identité, de l’altérité et du rapport aux autres, l’histoire
d’Ulysse nous dit ceci : de retour de la guerre de Troie, le fils de
Laërte se trouve engagé dans une Odyssée qui ne lui permettra de retrouver sa
femme, la fidèle Pénélope qu’après dix années d’aventures aussi périlleuses que
rocambolesques. Accueilli chez lui comme un hôte inconnu, Pénélope est alors
entourée de prétendants que l’absence d’Ulysse, qui semblait se prolonger sans
fin, ne fait qu’impatienter davantage. Pénélope dit à celui qu’elle considère
comme un étranger : « Ce que je veux d’abord te demander, mon hôte,
c’est ton nom et ton peuple et ta ville et ta race ». Ulysse refuse de
répondre tant lui est pénible l’histoire de son odyssée. Mais, pendant le bain
de pied que lui offre la vieille servante d’Ulysse, celle-ci « reconnut le
maître… à la blessure qu’Ulysse avait jadis reçue d’un sanglier à la blanche
défense » (Chant 19).
Notre identité est-elle révélée par nos cicatrices ou par notre carte d’identité ? La société
inclusive prend en compte les histoires singulières de chacun. Les dispositifs
administratifs peuvent être améliorés, mais ils ne seront jamais en eux-mêmes à
la hauteur des enchevêtrements de responsabilités qui sont les nôtres.
Celles-ci nous lient les uns aux autres et nous invitent à nous reconnaître
au-delà de l’identité sociale convenue.
Le travail pour tous ne se définit pas par un taux
de chômage inférieur à 8 % de la population active. Il implique la reconnaissance de l’autre dans son
activité au service de la société. Le travail pour tous est un travail à soi et
pour soi, un travail qui donne sens à la participation à la société, car il
sera reconnu non seulement pour son utilité sociale mais aussi comme
l’expression de personnes vivantes et fraternelles.
Hugues Puel
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