Je vous retransmets ci-dessous la Lettre ouverte
adressée à la médiathèque Diois-Vercors, au sujet d'une exposition sur la
police scientifique...
Découvrir cette Lettre
ouverte au hasard d'un tract laissé dans une échoppe de Die, était une excellente
surprise que je suis content de partager.
Son auteur, «Ouimaisencore ?», se présente ainsi
dans sa "feuille de chou" :«Ouimaisencore ?» est la réunion
sporadique d'individu.e.s animé.e.s par le désir de porter un regard critique
sur ce qui nous entoure, façonne notre quotidien et trop souvent nous échappe.
Nous rôdons dans les contrées dioises...
Pour tout contact : ouimaisencore@laposte.net
Cette feuille de chou est
la première, guettez la prochaine !
Je me permets de porter
également à votre attention une émission de radio, Feu de tout Bois sur RDWA, à
laquelle «Ouimaisencore ?» a participé, et dont voici le lien : http://www.rdwa.fr/Feu-de-tout-Bois-n-67_a2440.html
n°1 - 29 mai 2013
Lettre ouverte à la Médiathèque Diois-Vercors
Lettre ouverte à la Médiathèque Diois-Vercors
- Du 16 avril au 4 mai
2013 a eu lieu au sein de la Médiathèque Diois-Vercors une exposition
réalisée par Kasciopé, Centre de Culture Scientifique et Technique de la Drôme,
en partenariat avec la Sous-direction nationale de la police technique et
scientifique, intitulée « Zoom sur la police scientifique ».
- Sur son site, on peut
lire que l'action de Kascipoé s'inscrit dans le cadre suivant :
« Dans un monde où la science et la technologie nous engagent
profondément, modifient nos manières de vivre et de penser, il est
indispensable de mettre en place une approche critique de l'information. » (1)
- Nous sommes tout à fait
d'accord avec cette analyse. Malheureusement, selon nous, l'exposition
« Zoom sur la police scientifique » n'entre pas du tout dans ce
cadre : si les technologies scientifiques utilisées par la police
modifient bien nos manières de vivre et de penser, nous n'avons pas vu l'ombre
d'un regard critique sur cette information. Pire, via le jeu organisé à
l'intention des jeunes qui leur proposait de se mettre « dans la peau d'un
enquêteur de la police », c'est bien à une promotion des méthodes
scientifiques de la police, et par là de la police tout court, que nous avons
eu affaire.
- Mais si Kascipoé agit à l'encontre des intention qu'elle affiche, ce n'est pas vraiment notre problème aujourd'hui. Notre souci est plutôt que la Médiathèque Diois-Vercors, que nous fréquentons régulièrement et que nous apprécions pour la qualité de son accueil et de ses fonds, ait hébergé sans sourciller une telle exposition. Pour qu' « une approche critique de l'information » ait une chance de voir le jour, nous partageons donc ici avec vous quelques éléments de réflexion qui ont émergé lors de nos discussions. Le choix des informations données et la manière de les présenter contiennent forcément des pré-supposés. Quels sont les pré-supposés des informations données dans cette exposition, et au-delà, quels intérêts servent-ils ?
- Un premier présupposé qui transparaît dans cette exposition est que la technique est neutre. Selon le poncif habituel, c'est seulement son utilisation qui en fait une « bonne » ou une « mauvaise » chose. C'est oublier qu'une technique ne sort pas de nulle part, qu'elle naît d'un contexte et d'intentions précises. On nous présente dans cette exposition les techniques scientifiques utilisées par la police comme étant de simples outils au service de la justice. Outre qu'il y aurait à discuter sur cette « justice », mais nous y reviendrons, un certain nombre des techniques présentées sont indissociables de la mise en place, depuis plus d'un siècle, du contrôle et du fichage de l'ensemble de la population. Empreintes digitales, techniques biométriques, relevé de l'ADN, vidéosurveillance... autant d'outils au service de ce que Deleuze nomme « les sociétés de contrôle » (2), sociétés dans lesquelles chaque individu se doit d'être visible et repéré par le pouvoir en place. Donner une information partielle sur ces techniques, surtout en direction des jeunes, c'est participer à la mise en place de cette société de contrôle qui ne peut se maintenir que parce que ses outils n'ont de cesse d'être innocentés par ceux qui les fabriquent.
- Mais si Kascipoé agit à l'encontre des intention qu'elle affiche, ce n'est pas vraiment notre problème aujourd'hui. Notre souci est plutôt que la Médiathèque Diois-Vercors, que nous fréquentons régulièrement et que nous apprécions pour la qualité de son accueil et de ses fonds, ait hébergé sans sourciller une telle exposition. Pour qu' « une approche critique de l'information » ait une chance de voir le jour, nous partageons donc ici avec vous quelques éléments de réflexion qui ont émergé lors de nos discussions. Le choix des informations données et la manière de les présenter contiennent forcément des pré-supposés. Quels sont les pré-supposés des informations données dans cette exposition, et au-delà, quels intérêts servent-ils ?
- Un premier présupposé qui transparaît dans cette exposition est que la technique est neutre. Selon le poncif habituel, c'est seulement son utilisation qui en fait une « bonne » ou une « mauvaise » chose. C'est oublier qu'une technique ne sort pas de nulle part, qu'elle naît d'un contexte et d'intentions précises. On nous présente dans cette exposition les techniques scientifiques utilisées par la police comme étant de simples outils au service de la justice. Outre qu'il y aurait à discuter sur cette « justice », mais nous y reviendrons, un certain nombre des techniques présentées sont indissociables de la mise en place, depuis plus d'un siècle, du contrôle et du fichage de l'ensemble de la population. Empreintes digitales, techniques biométriques, relevé de l'ADN, vidéosurveillance... autant d'outils au service de ce que Deleuze nomme « les sociétés de contrôle » (2), sociétés dans lesquelles chaque individu se doit d'être visible et repéré par le pouvoir en place. Donner une information partielle sur ces techniques, surtout en direction des jeunes, c'est participer à la mise en place de cette société de contrôle qui ne peut se maintenir que parce que ses outils n'ont de cesse d'être innocentés par ceux qui les fabriquent.
- Un deuxième présupposé
est la vision du crime qui sous-tend l'exposition. Le jeu propose de se mettre
dans la peau d'un enquêteur de la police qui va retrouver le criminel
perturbateur. Nous sommes ici dans une société de bonnes gens, où tout va bien,
seulement perturbée par des criminels qu'il suffirait de mettre hors d'état de
nuire pour que tout rentre dans l'ordre. C'est occulter complètement les crimes
les plus largement nuisibles auxquels nous sommes confrontés : ceux de la
corruption, des guerres impérialistes, de l'industrie... Leurs auteurs sont
rarement inquiétés par la police. Ainsi, la vision du crime telle que la
présente cette exposition sert à nourrir la peur de l'insécurité et d'une
certaine criminalité ; en occultant de nombreuses autres violences que
nous subissons, elle empêche une réflexion politique sur ce qui nous arrive
réellement.
- Troisième présupposé de cette exposition : la police est du coté de la justice, le crime est ailleurs. Et quid de la violence de la police elle-même ? En France, la police nationale et la gendarmerie font l'objet de nombreuses critiques. Le groupe Amnesty International, pour ne citer que lui, condamne dans une publication récente (3) le manque de recours des citoyens contre les policiers et les méthodes peu efficaces de rectification des torts, notamment l'absence d'enquêtes indépendantes lors d'une plainte envers un policier. L'usage répressif de la force malgré l'absence d'infraction est également dénoncé par certaines victimes. Interpellations au faciès, violences verbales, harcèlement sexuel... sont malheureusement les interactions quotidiennes de certaines personnes avec la police. La garantie des droits humains et des libertés individuelles face aux violences policières fait aujourd'hui partie des débats de société, et ce n'est certes pas de cette exposition que nous l'apprendrons.
- Quatrième présupposé que nous avons relevé, l'action de la police est forcément juste puisqu'elle est au service de l'Etat. Le suréquipement technique de la police nous est exposé avec un véritable enthousiasme. Mais somme-nous vraiment si sûrs d'être dans un Etat servant des valeurs justes pour nous réjouir ainsi de voir la police toujours gagner en puissance ? Les possibilités d'existence d'une résistance comme d'une opposition sont les conditions nécessaires à la santé d'une démocratie. Ce sont ces possibilités qui s'amenuisent à chaque fois que le bras policier de l'Etat devient plus fort. Les personnes sans-papiers, celles réquisitionnant des logements vides, les faucheurs de champs d'OGM et tant d'autres en savent quelque chose. L'étalage sans vergogne de la recherche scientifique mise au service de la force policière peut faire froid dans le dos de tous ceux et celles qui n'ont pas abandonné la lutte pour un monde plus juste.
- Il y a sûrement encore d'autres éléments critiques qui seraient propres à nourrir une réflexion sur l'information donnée. Sûrement aussi serait-il possible de les agencer mieux, de façon plus pédagogique. Ça tombe bien, nous sommes tout à fait disponibles et en capacité de travailler à une exposition qui serait le nécessaire contre-poids à la précédente. « Comprendre la logique sécuritaire », « Se protéger des violences policières », « La notion de crime et ses présupposés »... Nous arriverons bien à remplir une douzaine de panneaux, et même à fabriquer un jeu rigolo : il s'agira de se mettre dans la peau d'une justicière luttant pour la redistribution des richesses, pour sauver la planète ou pour la non-expulsion des étrangers, et devant se protéger de la police suréquipée d'un Etat répressif.
Chiche ?
- Troisième présupposé de cette exposition : la police est du coté de la justice, le crime est ailleurs. Et quid de la violence de la police elle-même ? En France, la police nationale et la gendarmerie font l'objet de nombreuses critiques. Le groupe Amnesty International, pour ne citer que lui, condamne dans une publication récente (3) le manque de recours des citoyens contre les policiers et les méthodes peu efficaces de rectification des torts, notamment l'absence d'enquêtes indépendantes lors d'une plainte envers un policier. L'usage répressif de la force malgré l'absence d'infraction est également dénoncé par certaines victimes. Interpellations au faciès, violences verbales, harcèlement sexuel... sont malheureusement les interactions quotidiennes de certaines personnes avec la police. La garantie des droits humains et des libertés individuelles face aux violences policières fait aujourd'hui partie des débats de société, et ce n'est certes pas de cette exposition que nous l'apprendrons.
- Quatrième présupposé que nous avons relevé, l'action de la police est forcément juste puisqu'elle est au service de l'Etat. Le suréquipement technique de la police nous est exposé avec un véritable enthousiasme. Mais somme-nous vraiment si sûrs d'être dans un Etat servant des valeurs justes pour nous réjouir ainsi de voir la police toujours gagner en puissance ? Les possibilités d'existence d'une résistance comme d'une opposition sont les conditions nécessaires à la santé d'une démocratie. Ce sont ces possibilités qui s'amenuisent à chaque fois que le bras policier de l'Etat devient plus fort. Les personnes sans-papiers, celles réquisitionnant des logements vides, les faucheurs de champs d'OGM et tant d'autres en savent quelque chose. L'étalage sans vergogne de la recherche scientifique mise au service de la force policière peut faire froid dans le dos de tous ceux et celles qui n'ont pas abandonné la lutte pour un monde plus juste.
- Il y a sûrement encore d'autres éléments critiques qui seraient propres à nourrir une réflexion sur l'information donnée. Sûrement aussi serait-il possible de les agencer mieux, de façon plus pédagogique. Ça tombe bien, nous sommes tout à fait disponibles et en capacité de travailler à une exposition qui serait le nécessaire contre-poids à la précédente. « Comprendre la logique sécuritaire », « Se protéger des violences policières », « La notion de crime et ses présupposés »... Nous arriverons bien à remplir une douzaine de panneaux, et même à fabriquer un jeu rigolo : il s'agira de se mettre dans la peau d'une justicière luttant pour la redistribution des richesses, pour sauver la planète ou pour la non-expulsion des étrangers, et devant se protéger de la police suréquipée d'un Etat répressif.
Chiche ?
«Ouimaisencore ?» est la réunion sporadique
d'individu.e.s animé.e.s par le désir de porter un regard critique sur ce qui
nous entoure, façonne notre quotidien et trop souvent nous échappe. Nous rôdons
dans les contrées dioises...
Pour tout contact : ouimaisencore@laposte.net
Pour tout contact : ouimaisencore@laposte.net
Cette feuille de chou est la première, guettez la
prochaine !
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