Un accident comme
un révélateur. Du meilleur d’une société : ses secouristes, ses pompiers,
ses cheminots. Mais cette catastrophe signale aussi les failles et les limites
de l’infrastructure à la française. La cause technique de
l’accident de Brétigny-sur-Orge est aujourd’hui connue - l’éclisse
déboulonnée d’un aiguillage -, mais cette défaillance montre
également une entreprise à deux vitesses. Analysée par nombre de rapports,
dénoncée par des syndicalistes farouchement attachés au rail, la
vétusté d’une partie du réseau ferroviaire français éclate au grand jour
après le drame de Brétigny. François Hollande a eu raison hier
de fustiger le tout TGV choisi il y a trente ans par un pays,
ses élus et ses élites technocratiques.
Personne ne disputera
la qualité de ce réseau rapide, sûr et pratique. Mais le TGV coûte plus
cher que les trains traditionnels et il dessert moins de gares.
Ce développement coûteux, centré sur quelques destinations nationales
et internationales, s’est fait au détriment des «petites
lignes» jugées peu rentables et abandonnées progressivement.
Combien de lignes
comme Paris-Limoges ont été délaissées par
l’Etat et la SNCF, qui ont trop tardé à les moderniser ?
L’accident de Brétigny doit servir de signal d’alarme.
FRANÇOIS SERGENT
Une sous-traitance dure à contrôler
«La sous-traitance, ce
n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau c’est la proportion avec laquelle la SNCF
y a recours.» Pour Christophe Dard, secrétaire national de la CDFT-Cheminot,
aucune étude ne prouverait le fait qu’il y ait plus d’accidents quand le
travail est fait par des entreprises privées. «Dans tous les cas, des
plans de prévention sont établis. Nous sommes très vigilants sur les conditions
de travail sur les chantiers. Elles doivent correspondre aux cahiers des
charges», affirme-t-il.
«Le problème reste que la
sous-traitance est maintenant utilisée pour des tâches qui sont au cœur du
métier de cheminot, et non plus dans des secteurs spécialisés.» Christophe Dard
admet qu’un des revers de la sous-traitance est que, quand un contrat de marché
est passé, difficile de savoir si l’entreprise en question ne sous-traite
pas elle-même cette tâche, à moindre prix. «La dernière fois, nous avons
découvert sur un chantier que les travaux étaient effectués par
des ouvriers roumains sous-payés et sans formation», raconte Bernard
Guidou, de la CGT-Cheminot.
La SNCF et RFF n’ont pas
souhaité répondre aux points particuliers évoqués par les représentants
syndicaux. Ils maintiennent que les règles sont les mêmes pour toutes les
entreprises avec qui ils nouent des contrats, et que des contrôles
veillant au respect du cahier des charges sont effectués régulièrement.
Le drame de Bretigny illustre l’urgence à rénover
le réseau ferroviaire
La défaillance matérielle
est aujourd’hui une certitude de l’avis même de la SNCF. Sans faire de lien
direct de cause à effet, force est de constater que l’on est sur un faisceau de
voies à Brétigny qui appartient à l’un des secteurs du réseau décrit comme « malade »
par Guillaume Pepy lui-même il y a quelques mois encore.
Les (élus) écologistes que
nous sommes ne peuvent que rappeler à quel point et depuis combien de temps ils
appellent à un changement de priorité radical dans le ferroviaire : du
pharaonique et du primat absolu de la grande vitesse vers les trains du
quotidien et l’urgence du réseau existant, vieillissant et en perte sévère de
robustesse.
Les investissements
engagés par la région IDF et le STIF depuis quelques années notamment sous
notre impulsion ont déjà permis un changement de perspective et l’on est en
train de regagner du terrain. Mais malgré les sommes colossales dégagées, qui
se comptent en milliards, et le consensus désormais autour de l’urgence du
quotidien, les travaux prennent et prendront du temps, notamment parce que tout
cela se fait en continuant à exploiter le réseau.
Hélas on ne rattrape pas
en quelques mois ni même années, des décennies de sous-investissement. Les
millions d’usagers franciliens doivent savoir que désormais non seulement le
diagnostic sur l’urgence de la situation mais encore les solutions et leurs
financements sont largement portés par la majorité régionale et au STIF.
Mais l’urgence s’est hélas
vérifié et dramatiquement rappelée hier.
Pierre Serne
Vice-président à la région Ile-de-France
chargé des transports et des mobilités
Vice-président à la région Ile-de-France
chargé des transports et des mobilités
Le choc passé, la question
taraudante du pourquoi s’insinue dans nos esprits. La réponse est indispensable
aux familles qui doivent se reconstruire et prendre les mesures pour éviter que
l’histoire se répète. Comment un accident de cet ampleur peut se produire en
2013 dans un pays qui se targue d’avoir un réseau ferroviaire des plus
modernes ?
L’enquête s’oriente à
l’heure où nous publions ces lignes sur la défaillance d’un aiguillage en gare
de Brétigny.
Nous ne pouvons oublier
les paroles prononcées il y a quelques mois par notre Conseiller régional
Jacques Picard : certains aiguillages des lignes C et D datent d’avant la
guerre.
Pierre Serne, Vice
Président EELV à la région IDF en charge des transports rappelait ce matin sur
France Info : "on ne rattrape pas en quelques années un
sous-investissement de plusieurs décennies".
Pendant trop longtemps,
c’est la politique du tout TGV et des lignes à grande vitesse qui a monopolisé
les moyens, délaissant un réseau emprunté quotidiennement par des millions de
voyageurs.
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