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jeudi 18 juillet 2013

La prochaine catastrophe nucléaire aura elle lieu à Tricastin dans la Drôme ?



Tricastin : une centrale sans failles ?
Après les deux intrusions dans les centrales du Bugey et de Civaux, qui étaient venues titiller la campagne présidentielle en mai 2012, c'est maintenant au tour de la centrale du Tricastin, dans la Drôme, d'être visée par des militants anti-nucléaire. Vingt-neuf membres de Greenpeace y ont pénétré, lundi 15 juillet, en une vingtaine de minutes – sans atteindre toutefois les zones les plus sensibles. L'action, qualifiée de purement médiatique par le gouvernement, visait à pointer les failles de sécurité de cette centrale – classée "parmi les cinq plus dangereuses de France" par l'ONG environnementale – et demander sa fermeture. 
"Comme Fessenheim, la centrale du Tricastin est une de celles qui connaît le plus de risques de sûreté et d'agressions externes naturelles ou humaines", assure Greenpeace sur son site. L'association attaque sa vétusté – ouverte en 1980, la centrale a dépassé, grâce à un avis favorable de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), sa durée de vie prévue initialement à trente ans.
Mais pas seulement : la centrale du Tricastin, énumère Greenpeace, présente "une vingtaine de fissures sur la cuve du réacteur numéro 1, dont une de 11 mm", une exposition aux risques d'inondation et de séisme, ou encore un "important risque industriel". Elle serait en effet localisée à moins de 10 km de six sites classés "Seveso". La centrale, qui répond, selon EDF, à 45 % des besoins énergétiques de la région Rhône-Alpes, est aussi située à moins de 80 km de 1,6 million de personnes. Et à proximité de trois aéroports.
Ci-dessous, la centrale du Tricastin localisée par Greenpeace sur la carte officielle des risques sismiques en France.
"EN RETRAIT"
Derrière le discours militant de Greenpeace, la centrale du Tricastin présente-t-elle de sérieux risques pour la sécurité et l'environnement ? L'appréciation de l'ASN pour l'année 2012 glisse en tout cas quelques bémols : le gendarme du nucléaire critique autant ses performances en matière d'"essai périodique" que sa "rigueur" dans la mise en œuvre des opérations de radioprotection, ou encore ses "progrès fragiles" en ce qui concerne la sécurité au travail.
Surtout, l'Autorité relève que, en matière "de protection de l'environnement, [...] les performances du site du Tricastin sont en retrait par rapport à l'appréciation générale que l'ASN porte sur EDF". Autre point d'inquiétude : une demande d'amélioration de sa protection face au risque d'inondation datant de 2011, qu'EDF n'a toujours pas pu résoudre. 
La centrale du Tricastin figurait aussi en bonne place dans les conclusions du rapport de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), commandé à la suite des "stress tests" demandés aux exploitants par l'Europe et par le gouvernement français après l'accident de Fukushima. Le document évoque à son sujet des normes de sécurité jugées obsolètes face au risque d'inondation, mais aussi son exposition particulière aux risques industriels. Des risques face auquel le degré de robustesse des centrales, et notamment des équipements cruciaux comme les salles de contrôle, n'est pas garanti, selon l'IRSN.
FUITE D'URANIUM ET FISSURES
Outre ces risques potentiels, la centrale du Tricastin connaît régulièrement des anomalies plus ou moins sévères – comme en février 2012,  lorsque le réacteur numéro 2 de la centrale a été arrêté après la découverte d'un dysfonctionnement sur une vanne.
En août dernier, c'est par la Belgique que l'on a pris connaissance de fissures sur des cuves de réacteurs. Bruxelles expliquait alors que c'est une note de l'ASN, en novembre 2010, sur les "défauts sous revêtement" (des fissures situées sous le revêtement interne en acier inoxydable) sur les cuves de dix réacteurs français qui l'avait poussé à enquêter sur ses propres centrales. La Belgique avait alors découvert, avec une certaine stupeur, 8 000 microfissures sur la cuve de la centrale de Doel, près d'Anvers. Cette note de l'ASN, passée relativement inaperçue à l'époque, recensait 33 fissures, dont plus de la moitié affectaient le réacteur numéro 1 de Tricastin.
Plus tôt, en septembre 2011, la Socatri, une filiale d'Areva, a été reconnue coupable de "déversement de substances toxiques dans les eaux souterraines". Une nuit de juillet 2008, en effet, 74 kg d'uranium ont été rejetés dans l'environnement à la suite du débordement d'une cuve de l'usine de traitement des déchets du Tricastin, contaminant les rivières alentour. Des restrictions de consommation d'eau avaient touché plusieurs communes, des familles restant privées d'eau potable et des maraîchers déplorant la perte d'une partie de leurs récoltes.
En février 2011, un autre dysfonctionnement, classé au niveau 2 de gravité sur une échelle de 7, touche directement la centrale : EDF détecte une anomalie rendant potentiellement défectueux tous les groupes électrogènes de secours qui, en cas de perte d'alimentation électrique par le réseau national, permettent de faire fonctionner les systèmes de sûreté des réacteurs.
Autre incident : en 2009, une barre de combustible s'accroche à une structure lors de l'ouverture du cœur du réacteur numéro 2 et reste suspendue au-dessus de celui-ci. Un an plus tôt, ce sont deux crayons de combustible qui étaient eux-aussi restés accrochés aux structures supérieures de la cuve du réacteur, nécessitant une évacuation du bâtiment.
Dernier exemple : en juillet 2008, une centaine d'employés de la centrale sont légèrement contaminés par des éléments radioactifs lors d'une opération de maintenance dans l'enceinte d'un des quatre réacteurs. L'événement sera classé au niveau 0 de l'échelle des incidents nucléaires.


Rappel : Pollution à l'uranium au Tricastin : soupçon et inquiétude s'insinuent chez les riverains : 17.07.2008
"Une année de travail fichue !" Luc Eymard est découragé. Sur des dizaines de mètres, ses plants de basilic, alignés sur une terre sèche comme du cuir tanné, ont grillé sur pied. Brûlés par le soleil et la soif. Les jeunes pousses ont rôti avant d'arriver à maturité. Celles qui attendaient d'être cueillies se sont flétries prématurément. "Le basilic, on le pousse à la chaleur et à l'eau. Il faut l'arroser tous les jours, tous les deux jours au maximum. L'irrigation a été interdite et voilà le résultat!" se désole le maraîcher.
A 2 kilomètres à vol d'oiseau de son champ se découpent les tours évasées, coiffées d'un panache de vapeur d'eau, de la centrale nucléaire du Tricastin. Derrière un rideau de cyprès, on devine le parallélépipède gris de la Socatri, l'usine de traitement des effluents radioactifs par qui le mal est arrivé, dans la nuit du 7 au 8 juillet : le déversement accidentel, dans les eaux des rivières la Gaffière et le Lauzon, puis dans la nappe phréatique, de 74 kg d'uranium.
C'est dans cette nappe que Luc Eymard, comme les autres cultivateurs du quartier de la Plaine, à l'ouest de Bollène, puise l'eau nécessaire à son exploitation de plantes aromatiques (thym, aneth, coriandre) et de légumes. L'interdiction d'arrosage a été levée – à l'exception d'une bande de 100 mètres de part et d'autre des cours d'eau – mais il a perdu "entre 80 et 100 tonnes" de basilic et il ne pourra pas "sortir" les 120 tonnes qu'il doit livrer, par contrat, à une entreprise de conditionnement.
"Pour les pommes de terre, il a fallu commencer la récolte sans le dernier arrosage qui permet de gagner en calibre, dit-il. Pareil pour les oignons, qui ne répondront pas au cahier des charges." A un jet d'eau de la parcelle déshydratée, Sylvie Eymard, son épouse, vit au rythme des prélèvements quotidiens effectués par la Socatri dans le puits qui alimente leur maison. "Dans les jours qui ont suivi l'accident, on était à 15 microgrammes d'uranium par litre, relate-t-elle. Au début de cette semaine, on était descendu autour de 12. Je me suis dit que c'était bon, puisque la limite de potabilité est de 15. Mais mercredi, on est remonté à 16,5 !"
La municipalité de Bollène a mis à la disposition du foyer, comme à celle d'une dizaine d'autres familles, une citerne de 1 000 litres d'eau à usage domestique et, tous les deux jours, le ravitaille en bouteilles d'eau potable. Mais Sylvie Eymard n'est pas tranquille. "Voilà vingt ans que nous buvons l'eau de la nappe. Nous avons fait des analyses chimiques, mais jamais nous n'avons pensé à un risque radiologique, explique-t-elle. Ce qui me préoccupe, ce sont nos deux enfants en bas âge", ajoute-t-elle.
"LA POPULATION NE CROIT PLUS AUX CHIFFRES OFFICIELS"
La mairie de Bollène s'efforce de relativiser la crise. Seuls les quartiers situés à l'ouest du canal Donzère-Mondragon – soit 800 des 14 000 habitants de la commune – sont concernés par "l'incident de pollution", précise un avis affiché à l'hôtel de ville. André-Yves Becq, adjoint aux finances et à la communication, reconnaît pourtant ne pas savoir exactement combien de foyers utilisent des captages d'eau privés, certains n'étant pas déclarés. Surtout, il met en cause le déficit d'information des autorités.
La municipalité envisage d'engager des poursuites judiciaires pour obtenir "réparation de l'énorme préjudice subi", et de faire appel à un laboratoire d'analyses indépendant. "La population est inquiète et ne croit plus aux chiffres officiels", assure l'adjoint au maire. D'autant, rapporte un autre élu, que "l'attitude de la Socatri, qui a fait des prélèvements de nuit et a tenté d'expliquer une teneur en uranium de 64 microgrammes d'uranium par litre d'eau, chez un particulier, par une souillure des instruments de mesure, nous a paru suspecte".
A Bollène comme à Lapalud, Lamotte-du-Rhône et Mondragon – les quatre communes touchées par les restrictions d'usage de l'eau –, les ventes d'eau minérale ont grimpé en flèche. "Au lendemain de l'accident, c'était la ruée, raconte la gérante d'un supermarché. Nous avons écoulé en trois heures huit palettes de 500 bouteilles, alors qu'une palette nous fait habituellement deux jours. Nous continuons à en passer trois par jour." A la pharmacie, certains clients ont même réclamé des pastilles d'iode, prescrites en cas de pollution radioactive de l'air.
Aujourd'hui, la vie a repris son cours. Mais le soupçon persiste, alimenté par l'hypothèse d'une pollution ancienne de la nappe, due peut-être aux déchets d'une usine militaire d'enrichissement d'uranium. Vendredi 18 juillet se réunira, à Valence, la Commission d'information des grands équipements énergétiques du Tricastin (Cigeet). La séance s'annonce houleuse.
Pierre Le Hir - Bollène (Vaucluse), envoyé spécial

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