L’alimentation est au cœur de l’actualité ces
derniers jours. Hausse des prix des légumes en vue cet hiver, les dangers pour
la santé des cultures OGM, ou encore notre dossier « Social et alimentation
durable : régime équilibré ? » que nous vous invitons à découvrir.
Les infos tombent plus
sûrement que les fruits qui seront rares et chers cet hiver. A cela, il
convient d’ajouter l’annonce de la hausse du prix des pommes de terre
(+ 40 %) et des légumes (+ 12 %), conséquence d’un été
pourri. La semaine dernière, c’était la qualité des aliments agro-industriels
qui était mise en cause au travers de l’étude consacrée aux dangers des OGM.
Nous n’avons pas été en reste. Il y a quelques mois nous avions programmé un
dossier « Social et alimentation durable : régime équilibré ? »
Celui-ci est récemment sorti de presse. Il aborde de la question de l’accès des
plus défavorisés à une alimentation de qualité, plus durable, plus respectueuse
de leur santé, de l’environnement et des conditions de travail des producteurs.
Car, l’alimentation durable ne doit pas être réservée qu’aux plus riches. Et
oui, la question du prix est souvent pointée comme obstacle, mais est-ce
vraiment le cas ?
S’alimenter bien n’est pas plus coûteux
Dans l’article « Un
système alimentaire respectueux de tous », la réponse d’Olivier De
Schutter, rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation
fuse aussitôt : « Je crois que c’est largement faux de dire que le prix est
le principal obstacle à l’alimentation durable. Je l’ai longtemps cru moi-même…
Mais plus je travaille ces questions, plus je suis convaincu que s’alimenter
bien n’est pas plus coûteux (…) Les obstacles majeurs à l’alimentation durable,
ce sont la perte du savoir-faire culinaire, principalement pour les légumes, et
le temps nécessaire à une cuisine et une alimentation saines. Aujourd’hui, il
faut redévelopper une culture alimentaire. C’est par exemple ce que le
mouvement international Slow Food a bien compris : manger bien, ça concerne
aussi le mode de vie et pas seulement le prix et l’organisation des chaînes
d’approvisionnement. Bien sûr, je ne suis pas insensible à la question du prix
qui a son importance. A ce sujet, je recommande la taxation des produits les
moins sains et la subsidiation des produits les plus sains, par exemple pour
les cantines scolaires et les programmes d’aide alimentaire. »
Marchés publics et application de terrain
Sur le terrain, de telles
initiatives ont vu le jour. Dans « Les marchés publics : important levier
pour l’alimentation durable », Frédérique Hellin chargée de missions pour
la restauration collective à BioForum Wallonie s’y applique : « Elle
conseille notamment des collectivités (écoles, hôpitaux, etc.) sur
l’intégration de critères durables dans leurs achats alimentaires. Elle nous
montre en quoi les marchés publics permettent de soutenir le développement de
l’alimentation durable. » Et ça marche ! Comme on peut le voir au
«Restaurant durable» aux Tilleuls. La maison de repos du CPAS de Saint-Gilles,
Les Tilleuls, a participé au troisième cycle du projet « cantines durables » de
Bruxelles Environnement. Les résidents ont d’ailleurs rebaptisé le projet «
restaurant durable », car « ils étaient allergiques à la terminologie
« cantine » qui leur rappelait celle du service militaire, de la prison ou
de l’école ».
Taxer la malbouffe !
Mais, il faut bien
l’admettre : manger sain quand on est pauvre, ce n’est pas du gâteau.
L’Enquête Santé 2008 révèle que les personnes issues des milieux les plus
scolarisés consomment davantage de fruits et de poisson. Cela n’a pas changé au
cours des dix dernières années. Pour Nicole Darmon, nutritionniste, les
contraintes budgétaires des ménages pèsent très lourd. « Avec un petit budget,
explique-t-elle, il est logique de s’orienter vers les aliments qui donnent les
calories les moins chères, comme les matières grasses ajoutées, les féculents,
les produits gras sucrés et salés. Les aliments riches en énergie sont des
sources peu chères de calories. Malheureusement, ces aliments ont d’autres
atouts : ils sont pratiques d’emploi, faciles à transporter et à stocker et
quand les contraintes de budget sont fortes, il est malheureusement logique de
se tourner vers eux. »
Une solution serait donc de taxer les produits
préjudiciables à la santé, de réglementer les aliments riches en graisses
saturées, en sel et en sucre, de freiner la publicité pour la malbouffe, et de
revoir de fond en comble les subventions agricoles et le soutien à la
production alimentaire locale. « Encouragées
par l’OMS depuis 2003, des politiques taxatoires de la malbouffe ont été mises
en place dans différents Etats américains et européens (France, Danemark,
Finlande, Hongrie)», peut-on lire dans « Manger sain quand on est pauvre ?
Pas du gâteau !» En Belgique, la sénatrice Christine Defraigne (MR) plaide
pour une exonération de TVA sur les fruits et légumes afin d’encourager leur
consommation (proposition de résolution déposée en 2009 avec Jacques Brotchi).
Elle est également favorable à une hausse de la TVA (de 6 à 12 %) sur les
produits trop sucrés, trop gras ou salés. »
L’affaire serait donc aussi une question de courage
politique. En attendant, des solutions sont déjà d’application, telles les
potagers solidaires (“Les
potagers collectifs poussent comme de la bonne herbe”) ou la revalorisation
des invendus (“Déchétarien,
ah bon ?”).
Baudouin Massart
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