Exploitation industrielle et agriculture paysanne:
difficile cohabitation
Paris : Vitrine d'une modernité triomphante,
le Salon international de l'agriculture de Paris promeut un secteur
industrialisé, porté par la technologie et la mécanisation. Mais 80% de la
production agricole mondiale reste assurée par les exploitations familiales.
Si les deux modèles
coexistent, ils risquent de cohabiter de plus en plus difficilement à l'avenir,
en concurrence l'un et l'autre pour la terre et l'eau, comme sur les coûts de
production.
Pour la première fois la
FAO, l'organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation, née
après-guerre sur un schéma productiviste motivé par l'urgence, a consacré 2014
l'année de l'agriculture familiale : une façon de la «remettre au centre des
politiques agricoles» et d'attirer l'attention sur sa «contribution
significative à l'éradication de la faim et de la pauvreté» annonce-t-elle.
Pour l'agronome Marc
Dufumier, professeur émérite à AgroParisTech, l'agriculture paysanne fixe
justement la main d’œuvre sur ses terres quand la mécanisation a tendance à
vider les campagnes - «quand le chômage rural s'installe, c'est direct le
bidonville» résume-t-il.
Or, «les Etats n'ont pas
assez investi dans l'agriculture ces dernières décennies et les paysans étaient
trop pauvres pour le faire», regrette-t-il. D'autant que «nos exportations leur
causent du tort: entre le riz de Madagascar et celui de Camargue ou de
Louisiane, il y a 200 fois plus de travail agricole» note-t-il. Comment lutter
?
- Des statuts qui évoluent
-
A la place, «les
dirigeants ont fait appel aux capitaux étrangers qui vont chercher avant tout
le retour sur investissement» fustige M. Dufumier.
«La FAO se réveille un peu
tard», confie aussi Ward Enseeuw, chercheur du Centre international de
recherche agronomique pour le développement (CIRAD) à Pretoria, qui évoque une
forme de neutralité bienveillante, à la FAO comme à la Banque mondiale, envers
les grands investisseurs.
«Même si, dans sa grande
majorité, l'agriculture en Afrique reste familiale, en Afrique du Sud et ses
voisins, comme le Mozambique, le Zimbabwe ou la Zambie, le modèle est en train
de changer», constate-t-il.
«Les plus petites
exploitations vont vers des marchés de niche, du bio, des productions fragiles comme
le raisin et certains fruits. Et les plus grandes contractualisent leur
production auprès de grands groupes». Ce qui signifie que le statut de
l'exploitant change: «l'agriculteur devient salarié sur sa propre terre, ou un
rentier qui ne travaille même plus sur l'exploitation».
Ce modèle, explique-t-il,
devenu fréquent en Afrique du Sud qui héberge de nombreux fonds
d'investissements, des instruments financiers sophistiqués, un marché à terme,
des assurances... se rencontre désormais ailleurs, en Afrique australe et de
l'est.
- Vers des «filières
fermées» -
M. Anseeuw étudie le
développement de ces «entreprises inclusives: comment des acteurs dominants
peuvent intégrer les petites productions», surtout dans les fruits et légumes,
ou la canne à sucre - des secteurs gourmands en main d'oeuvre que les grands
investisseurs préfèrent sous-traiter.
Ce nouveau paradigme
permettrait alors de soutenir les deux types d'agriculture, indique-t-il. Tout
en promouvant aussi des «filières fermées», de la production à la
transformation entièrement gérées par des investisseurs extérieurs.
Le chercheur en cite des
exemples dans le secteur des céréales et celui de la brasserie (le groupe
d'origine sud-africaine SABMiller est numéro 2 mondial). Ou encore Zambeef: le
géant zambien du bœuf qui gère tout, des pâtures aux plats préparés.
«La juxtaposition des
exploitations familiales et industrielles devient très compliquée. Le petit
agriculteur n'a pas beaucoup de place, ou alors subordonnée, avec des marges de
manœuvre étroites». Et cette forme-là d'agriculture emploie très peu de main
d’œuvre: sept personnes par exploitation, contre plusieurs centaines auparavant
sur une ferme moyenne de 2.000 hectares.
«Ce n'est pas encore le
modèle dominant, mais c'est en cours», prévient Ward Anseuuw.
Le Brésil a réussi sous la
présidence de Lula à développer l'agriculture familiale simultanément à
l'agrobusiness triomphant, avance en revanche Paolo Groppo, spécialiste du
développement rural à la FAO et du Brésil qu'il connaît bien. «L'énorme fossé
qui existait avant 2001 entre les deux a été réduit».
Le pays a pris conscience
de l'urgence à maintenir un emploi rural qui rend aussi d'autres services à la
société, de gestion des territoires et protection de l'environnement. «C'est un
long chemin, conclut-il. Mais les révolutions ne se font pas en un jour».
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Le Chastel 26150 DIE,
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Tel
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Courriel : ecologieauquotidien.die@gmail.com
- La petite agriculture
produit 70% de la nourriture avec 30% des terres.
Elle est plus productive car économe en énergie à l'hectare.
Elle est plus productive car économe en énergie à l'hectare.
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