Alice Médigue, auteure
drômoise fait une analyse fort intéressante de l’entreprise de
dépossession-soumission en œuvre dans notre quotidien. [17]
Lucide et agréable..A lire d'urgence (Claude Veyret pour MCD)
Psychopouvoir, dépression et tension sociales
Publié par amedigue le 25 Juin 2013 par MCD avec
son autorisation.
- Bonjour à tous, je
relaie ici un article que j'ai publié dernièrement sur le média citoyen
Agoravox. Heureuse de rejoindre le réseau stimulant d'AI!
- Le psychopouvoir qui nous divise
- Depuis plus d’un
demi-siècle, le consumérisme et la logique de la rentabilité nous ont habitués
à entretenir un rapport instrumental aux choses ; s’il a lieu d’abord avec
les objets matériels et dans les espaces-temps du travail et de la
consommation, il a tendance aujourd’hui à s’immiscer dans d’autres champs plus
personnels de notre existence, comme dans notre rapport au savoir, à notre
temps libre ou aux autres en général.
- Le rapport instrumental
consiste à utiliser les choses en suivant des modes d’emploi ou des techniques
qui nous permettent d’atteindre rapidement le but qu’on s’est fixé avec
elles ; elles restent ainsi des instruments extérieurs à nous-mêmes. On touche
ici à la différence entre pratiquer et utiliser quelque chose : quand on
pratique quelque chose, une langue par exemple, cette chose nous constitue et
nous transforme à mesure qu’on la pratique ; de même quand on pratique un
instrument de musique, nous finissons par intérioriser (retenir en nous) les
gestes pour pouvoir en jouer, nous n’avons pas besoin d’un mode d’emploi à
chaque fois que nous reprenons notre instrument. La pratique régulière devient
un savoir faire qui nous est propre, intégré à notre mémoire - notre mémoire de
la musique, des gestes… -, notre guitare n’est pas un simple objet
utilitaire, utiliser seulement pour produire des sons, elle fait partie de
notre expression personnelle, comme les mots que l’on emploie. Quand on utilise
quelque chose (par exemple, une machine dont on se sert occasionnellement),
l’objet n’est pas intégré à notre expression, il reste extérieur à nous-mêmes,
et nous devons nous appuyer sur un mode d’emploi pour en faire quelque
chose ; c’est cette mise à distance qui caractérise le rapport
instrumental.
- Or, avec la société de
consommation qui prétend répondre à tous nos besoins, nous sommes de plus en
plus souvent dans ce rapport instrumental, et ce, dans tous les champs de notre
existence : des plats préparés sous cellophane cuisinés pour nous, aux
émissions télé qui s’occupent de nos enfants à notre place, en passant par les
sociétés de services qui viennent animer nos soirées ou les mass médias qui
nous « résument l’info du jour », nous sous-traitons nos besoins en perdant
nos savoir-faire (cuisiner, chanter, jouer avec nos enfants, penser et
s’informer pour comprendre le monde…). Dans nos métiers aussi, où le nouveau
management exige, pour que nous soyons efficaces, de ne pas investir ce que
l’on fait au-delà de ce rapport instrumental : ce sont par exemple les
cheminots qui doivent, pour faciliter le processus de dérégulation de la SNCF,
renoncer à la solidarité entre pairs et au sentiment du travail bien fait,
inscrits dans l’héritage collectif de leur métier[1]. On leur
demande de plus en plus de gestes à la chaîne et sans conscience, délestés des
significations des savoir-faire propres au métier et à son histoire collective,
considérées aujourd’hui comme des freins à la libéralisation. De même, pour les
éleveurs, obligés de mettre des boucles électroniques à leurs bêtes, et pour
les professionnels du soin, coupés du sens de leur métier par la rationalisation
de leurs gestes - certains se sont réunis dans le collectif « l’Appel des
appels » pour dénoncer ce processus. Comme le montre bien le philosophe
Bernard Stiegler, ce processus de prolétarisation[2], né dans
l’industrie au 19e siècle, est devenue aujourd’hui une perte généralisée de
savoirs (savoir-être, savoir-vivre, savoir-faire, savoir-penser) qui touche à
la fois les producteurs et les consommateurs, et qui nous concerne tous.
- Or, pour devenir une
personne singulière, nous avons besoin de pratiquer et non pas seulement
d’utiliser les choses ; nous avons besoin de pratiques qui nous
transforment. La singularisation implique de sortir du rapport instrumental.
Par exemple, face à une recette de cuisine, au lieu de se contenter d’appliquer
les consignes – pour obtenir rapidement le plat fini - sans rien retenir pour
la prochaine fois, on les lira attentivement, en se remémorant les étapes
successives. Puis, à force de refaire cette recette, on se rendra mieux compte
de la saveur singulière que l’on cherche à obtenir, et comment on peut
l’obtenir (en rajoutant un peu de tel ingrédient, en battant ou non les œufs en
neige…). On part ainsi d’une recette, qui est un savoir hérité, « déjà
là » - car on ne peut pas faire quelque chose de singulier tout seul, à
partir de rien d’autre que de nous-mêmes : on puise forcément dans la
matière de la culture collective, que tant d’autres singularités avant nous ont
contribué à créer, à l’image d’une langue. Puis, à force de mettre en pratique
ce savoir hérité, on le recompose un peu différemment, « à notre
sauce », grâce à notre ressenti personnel. C’est par ce processus de
« recréation » que nous exprimons notre singularité. Au bout du
compte, nous avons intégré en nous-mêmes quelque chose de la culture commune,
en l’enrichissant d’une nouvelle singularité. Ce « processus de
co-transformation », d’échange réciproque entre la culture collective et
les individualités, a été mis en évidence par Gilbert Simondon
[3] sous le nom de
transindividuation, concept repris aujourd’hui dans les analyses éclairantes du
philosophe Bernard Stiegler.
- Le rapport instrumental,
qui envahit nombre de nos rapports aujourd’hui, court-circuite ce processus,
amenant à une panne de la singularisation qui génère beaucoup de souffrance.
- Panne de la singularisation et souffrances
psychiques
- Se singulariser, c’est à
la fois accéder à la joie du sens, ressenti à travers notre participation au
monde commun en partage, et celle de devenir une personne unique, qui par cette
qualité est irremplaçable et apporte quelque chose de nouveau au grand tout de
la culture collective. Devenir soi-même passe donc par le fait d’échanger un
monde commun entre nous: une vérité fondamentale complètement occultée par
le discours de l’individualisme selon lequel nous nous affirmons contre les
autres, dans la grande compétition du tous contre tous. Si nous sommes des
individus physiquement séparés, nous formons aussi par l’esprit un être
collectif, ce que la vision matérialiste du monde ne sait voir. Le rapport
instrumental auquel la logique de la rentabilité réduit notre rapport au monde
produit tout le contraire de la singularisation : il nous isole les uns des
autres en nous empêchant de devenir nous-mêmes. Le marketing nous fait croire
que nous nous singularisons (« démarques-toi ! en portant telles baskets,
en consommant tel loisir…) là où le marché ne fait que nous standardiser :
nous devenons, comme ces objets produits à la chaîne, interchangeables et
jetables, tandis que le lien social se réduit à l’agrégation tribale en groupes
de consommateurs cibles — agrégation qui donne l’illusion de protéger d’une
solitude que le système consumériste lui-même génère en détruisant les
processus de transindividuation. Dans ce système, pour avoir l’illusion de ne
pas être seul, il faut renoncer à sa singularité.
- Cette panne de la
singularisation, indissociable de celle de la transindividuation, provoque des
souffrances de plus en plus nombreuses et visibles dans notre société :
solitude subie et sentiment d’inutilité, perte de sens, addictions ou recherche
de sensations extrêmes pour se sentir exister (comme dans les cas « états
limite » ou « border line » qui explosent depuis quelques
années), hyperactivisme et burn out, ou au contraire décrochage total,
aboulie et dépression… Toutes ces tendances sont symptomatiques des troubles
qui saisissent l’individu contemporain face à cette panne, quand il n’arrive
plus à se lier aux autres tout en se singularisant. De plus en plus de gens
vont consulter leurs psychologues en se plaignant de ne pas parvenir à
s’habiter ; qu’ils s’agissent d’hyperactifs qui ne tiennent plus en place,
ou de dépressifs qui se sentent englués dans un temps interminable dépourvu de
sens, tous souffrent du vide qui est en eux.
- Quand les choses ne
passent plus en nous, parce que nous les maintenons à distance pour pouvoir les
utiliser (et non les pratiquer), nous restons vides à l’intérieur. Nous sommes
seulement traversés par quelques plaisirs éphémères, quand nous consommons
quelque chose qui nous fait envie ou quand nous obtenons les profits
attendus (une économie, une place ou une opportunité éphémères…) de ce que nous
avons utilisé. Mais nous restons insatisfaits, parce qu’aussitôt consommées,
ces choses s’évaporent et il ne nous reste rien : elles ne laissent rien
en nous, et nous ne laissons rien en elles. Si nous reprenons l’exemple de la
langue, de la guitare ou de la cuisine, on voit bien que, dans le rapport
instrumental, il n’y a pas d’échange réciproque, cette co-transformation qui
laisse en nous quelque chose et qui laisse une trace de nous à l’extérieur.
Nous souffrons alors de ne plus nous sentir exister, comme des fantômes de
passage, inutiles au monde qui les entoure. En réaction à cette angoisse, nous
pouvons compenser la perte de saveur de notre existence (le sentiment
qualitatif d’exister), par l’accumulation frénétique de sensations,
d’expériences, si possibles intenses, que s’empresse de venir satisfaire la
« consommation expérientielle [4]», devenue un
nouveau filon marketing sur le dos du désespoir que génère le système
consumériste lui-même. Mais, quand nous ne sommes plus dupes de ce système
consumériste, de sa séduction aliénante à coups de marketing ou d’émissions
paillette, l’isolement et le vide de sens sont tels que le passage à l’acte
violent, contre soi ou les autres, peut devenir l’ultime recours pour sortir de
ce terrible sentiment d’inexistence. Richard Durn, qui ouvrit le feu sur le conseil
municipal de Nanterre en 2002, écrit dans son journal : « J’ai plus de 33 ans
et je ne sais rien faire dans la vie et de ma vie. (…) Je n’ai pas vécu, je
n’ai rien vécu. J’en ai marre de rester des heures à écouter la radio pour ne
pas me sentir coupé du monde et de rester certains soirs scotchés devant la
télévision alors que je sais que c’est une machine à décérébrer et à abrutir
les gens et les esprits. J’en ai marre d’attendre désespérément une lettre ou
un coup de téléphone alors que je n’existe plus pour personne, que je suis
oublié de tous... (…) J’ai besoin de briser des vies, de faire du mal pour au
moins une fois dans sa vie avoir le sentiment d’exister [5]». Si ce
mal-être s’exprime rarement de manière aussi extrême, il est partagé par un
nombre croissant de personnes, dans la solitude de leurs intimités. En 2011,
année où la lutte contre la solitude a été déclarée « grande cause nationale »,
le collectif « Pas de solitude dans une France fraternelle » a
organisé une flash mob [6]
saisissante ; la phrase brandie (« Je reparlerai dans 122
jours ») faisait écho à l’étude récente de la fondation de France qui
révélait que 4 millions de Français n’avaient en moyenne que trois
conversations personnelles par an. En 2012, ce nombre a encore augmenté, et 13%
des Français éprouvent désormais un sentiment d’abandon, d’exclusion ou
d’inutilité. « Dans les témoignages des personnes que nous avons
rencontrées, il y a bien entendu l’absence de ceux avec lesquels on peut
échanger, parler, et sur qui l’on sait pouvoir trouver un appui. «La solitude
c’est quand tu es entouré mais qu’il n’y a plus rien qui se passe avec les
personnes, plus de conversation, plus de liens sincères, plus de chaleur, plus
de disponibilité, plus rien !... » Mais ce n’est que le premier degré. Le plus
douloureux arrive après : «Je n’ai plus rien à dire aux gens parce que ce que
je pense n’intéresse plus personne. J’ai compris que ce que je pouvais penser
ou même ce que je pouvais faire, personne n’en a rien à faire...» ou bien
encore « Que l’on soit là ou pas ne change rien pour personne.»[7]. L’ultra
moderne solitude ne touche pas seulement les personnes âgées isolées, mais
devient une tendance lourde qui touche toutes les catégories sociales, y
compris les jeunes (selon une récente enquête [8], la solitude
« subie » touche 4 jeunes sur 10 en France).
- Le désir surexploité
- Le mot
« désirer » vient du latin desiderare qui signifie « constater,
regretter l’absence de l’astre ». Comme le disait le poète Lamartine
« Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, l’Homme est un dieu tombé
qui se souvient des cieux». Désirer, c’est comprendre que nous ne pourrons pas
tout être (à l’image de la puissance de l’astre qui domine le monde), mais que
nous pourrons avoir la joie d’être une partie singulière du grand tout, en nous
singularisant. Le désir, c’est donc ce qui nous motive à participer à la
culture commune, à l’expérience de la transindividuation.
- Or, la société de
consommation épuise notre désir, en détournant l’énergie du désir (notre libido
selon Freud) vers les objets de consommation. Le capitalisme libidinal actuel
l’organise en développant un véritable psycho-pouvoir [9] qui capte
notre libido, via un marketing proprement envahissant. Comme le pétrole pour
faire tourner les machines, notre désir est un filon à exploiter depuis la
naissance du marketing - théorisé dans les années 1930, non par hasard, par le
neveu de Freud, Edward Bernays. Tout le sale boulot du capitalisme libidinal
est de court-circuiter l’élan de notre désir vers les processus de
transindividuation, pour le rabattre sur les objets marchands. La société de
consommation actuelle s’écroulerait si nous étions suffisamment nombreux à
réenclencher ces processus, notre désir réapproprié, ne croyant plus à cette
mystification qui prolifère sur notre souffrance. Mais, après cinquante ans de
société de consommation débridée, le filon du désir commence à être épuisé – à
l’image des énergies fossiles d’ailleurs- : notre désir a été tant et tant
surexploité sans satisfaction durable en retour, qu’il s’est tari ; comme
quelqu’un qui aurait été tant et tant bafoué, trompé qu’il préfère ne plus rien
désirer. La dépression généralisée actuelle de notre société est cette crise du
désir ; ne plus désirer, c’est se sentir déjà un peu mort ; si bien
qu’aujourd’hui, comme le fait remarquer justement le poète paysan Pierre Rabhi,
avant de nous demander s’il y a une vie après la mort, nous ferions bien de
nous demander « s’il y a une vie avant la mort ».
- Ce système fondé sur
l’exploitation du désir est coupable et responsable du mal-être collectif qui
est en train de défaire notre société. En raptant notre désir, il détruit notre
monde commun, qui ne peut plus se créer et tombe de fait en lambeaux. On parle
de patrimoine culturel immatériel pour protéger les traditions en voie de
disparition de peuples autochtones, mais qu’en est-il de nos cultures dans le
monde occidental, laminées par le capitalisme libidinal qui standardise nos
modes et milieux de vie ?
- Montée de la violence sociale et capitalisme
pulsionnel
- La destruction du lien
social par le capitalisme pulsionnel actuel et le marketing associé est une
question encore bien trop peu pensée dans les médias et par les politiques ;
la critique de ce psychopouvoir aux conséquences énormes est très peu entendue
et expliquée. A l’heure où la violence sociale monte dans la société, nous ne
pouvons plus l’occulter. Car ce serait ne rien comprendre à la frustration qui
pousse certains à se jeter à corps perdu dans la défense d’idéologies de rejet
de l’autre, comme ce jeune néo-fasciste qui a tué Clément Méric. Dans les
médias, on analyse la radicalisation des mouvances d’extrême droite, en
réaction à la montée du Front de Gauche et à la faveur du mouvement contre le
mariage homosexuel ; on se contente de décrire les antagonismes entre
blocs idéologiques, sans en comprendre les enjeux psychologiques profonds et
transversaux, enjeux qui concernent notre société entière. Si l’on reste à ce niveau
d’analyse, dans l’état actuel de division de la société, on ne fera rien pour
empêcher l’affrontement de ces antagonismes, tandis que la cause profonde des
frustrations à l’origine même de ses mouvances passera inaperçue. A quand,
comme le préconisent les chercheurs d’Ars Industrialis, une véritable
sociothérapie qui permette de prendre soin du désir et des processus de
transindividuation ? Le politique doit soutenir cette sociothérapie car,
comme le dit Bernard Stiegler, « la chose publique est le lieu de
formation de l’attention et du soin –c’est-à-dire du désir comme
investissement, ce que la financiarisation mise en œuvre par les néo-conservateurs
a liquidé. Cela donne de nos jours le Front national, l’effondrement du désir,
et la domination de la pulsion – dans les banlieues comme à Carrefour, chez
Sarkozy et chez Strauss-Kahn » [10].Les
responsables de la Res publica ne semblent pas aujourd’hui capables d’assumer
cette critique du capitalisme pulsionnel, tant ils ont souscrit à la logique et
au langage marketings… Accompagnant la transformation des médias en mass médias [11],
de plus en plus d’hommes politiques s’y sont mis ; bardés de conseillers
en communication, ils s’en remettent désormais aux sondages pour cerner leurs
potentiels électeurs comme des « segments de consommateurs », en
adoptant des stratégies d’adaptation pour les séduire. La figure actuelle du
politique semble tellement phagocytée par la logique marketing que nous nous
demandons avec Christian Salmon [12]
si l’homme politique n’est pas en train de disparaître…
- Sans une véritable
critique de ce que le capitalisme pulsionnel fait au lien social, on pourra
continuer encore longtemps à déplorer que ce dernier se défait, que les
souffrances psychiques explosent, et que certains « déséquilibrés »
passent à l’acte — sans jamais rien apprendre des frustrations qui les y ont
poussés. Cette critique nous rassemble tous, qu’on soit de gauche ou de droite,des
Indignés qui dénoncent les désastres sociaux de la spéculation, jusqu’aux
manifestants anti-mariage gay qui s’accrochent à ce qui constitue à leurs yeux
les derniers repères « qui font encore société » quand tout le reste
se délite. Le refus de cette critique se fera au risque de souffrances plus
grandes encore, et d’une montée inéluctable de la violence sociale.
- Il est urgent que la
société se mobilise pour que ce psychopouvoir cesse de mettre en pièces notre
monde commun. Cela passerait, par exemple, par remettre la publicité à sa place
(en limitant son invasion dans l’espace public, sur les ondes, à la télé, sur Internet…) ;
par dénoncer, partout et massivement, ce langage marketing qui colonise
notre vie politique et nos médias –ne désespérons pas, des émissions comme Cash
Investigationmontre qu’il est possible de décoloniser même les supports les
plus pervertis ! ; par boycotter ce qui nous enferme (rôles, statuts,
façons de faire…) dans un rapport purement instrumental aux choses ; par soutenir
les processus d’échanges réciproques réinventés par « le génie créateur de
la société civile » [13]
(AMAP, réseaux d’échanges de savoirs, jardins partagés, monnaies locales,
entreprises coopératives – comme Terre de liens, Enercoop ou la NEF -, médias
participatifs, Internet libre, Wikipedia, …). Alors que les pratiques
collaboratives se développent à vive allure dans le monde virtuel, elles prennent
de l’ampleur dans le monde physique par des alternatives locales, reliées
globalement, et valorisées par des mouvements citoyens comme Colibris [14]
ou les territoires en Transition [15].
La résurgence d’un grand besoin de beauté et de poésie [16]
(l’envers du rapport instrumental) montre fort heureusement que, si le désir
est fatigué, il continue à chercher des issues.
Alice Médigue
[4]Cf Gille Lipovetsky, Le bonheur paradoxal. Essai
sur la société d’hyperconsommation. Gallimard, 2006.
[5]Voir des extraits éloquents de son journal intime http://www.inculte.fr/IMG/pdf/la_logique_du_massacre_extraits.pdf
[6]http://www.petitsfreres.asso.fr/nos-actions/temoigner---alerter/-je-reparlerai-dans-122-jours--:-26-associations-se-mobilisent-contre-la-solitude.html
[10]Interview de Bernard Stiegler http://www.philomag.com/les-idees/entretiens/bernard-stiegler-la-prison-...
[11]Je développe ce point dans mon article « Les
mass médias contre la démocratie », mai 2013. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-mass-medias-contre-la-1...
[12]http://www.lesinrocks.com/2013/04/28/actualite/christian-salmon-lhomme-politique-est-peut-etre-en-train-de-disparaitre-11388596/
[16]Voir à ce propos l’engouement pour les Commandos
poétiques d’Aubervilliers qui soufflent des poèmes aux passants. Ils ont lancé
récemment une initiative citoyenne de cueillette de poésies dormantes parmi les
habitants, en créant le premier Trésor poétique municipal mondial de France. http://lafolletentative.blogspot.fr/2013/02/le-tresor-poetique-municipal...
Temps de vivre, lien social et vie
locale
Des alternatives pour une société à
taille humaine
Auteur : Alice Médigue,
Éditeur : Yves Michel, mai 2012
Après un cursus en histoire et en sciences de
l’éducation, Alice Médigue est
devenue chercheuse autodidacte pour explorer le champ des possibles vers une
nouvelle sensibilité. Investie dans l’éducation populaire à travers une
bibliothèque de rue, elle s’intéresse aux formes de résistance individuelle et
collective déployées par la créativité, sujet qu’elle a traité dans son mémoire
de Master à l’IHEAL (Institut des Hautes Études sur l’Amérique latine) « La
résistance à travers l’art engagé dans l’exil latino-américain en France »
et dans son premier ouvrage Mémoires latino-américaines contre l’oppression.
Témoignages d’exilés du Cône sud (1960-2000).
Naturaliste passionnée, elle vit actuellement dans la Drôme, à Crest.
Naturaliste passionnée, elle vit actuellement dans la Drôme, à Crest.
Nous vivons dans une société de la démesure qui a consacré le temps de l’urgence, de la course
perpétuelle comme temps dominant notre espace social. La logique de la gestion
efficace et de la rationalisation de toute chose a cloisonné et formaté nos
espaces sociaux. Il s’agit d’un véritable processus de désappropriation. Nous
ne sommes plus maîtres de nos vies, mais dépendants de la télévision, de la
publicité, de l’urbanisation galopante, Un état des lieux de cette
désappropriation sur plusieurs domaines : sociologie, écologie,
anthropologie, urbanisme ; les malaises qui en découlent et le manque d’échange
culturel commun (ce que Winnicott appelle l’espace potentiel) ; Des pistes
et des solutions pratiques pour se ré approprier son espace : AMAP,
écovillages, finances solidaires, jardins partagés pour ne plus être de simples
consommateurs et spectateurs passifs du monde.
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