La famille d'Aurore Martin accuse Manuel Valls
d'avoir menti
Alors que Manuel Valls a
estimé lundi qu'il n'avait pas à s'excuser après l'extradiction de la militante
basque Aurore Martin vers l'Espagne, la famille de la jeune femme a assuré dans
un communiqué que les déclarations du ministre de l'intérieur selon lesquelles
la militante a été arrêtée à la suite d'un contrôle routier fortuit et qu'elle
vivait dans la clandestinité étaient "fausses".
"Nous affirmons que Manuel Valls est
un menteur", écrivent-ils dans un communiqué lundi 5 novembre.
Concernant le contrôle "fortuit", ils disent avoir
reçu plusieurs témoignages "attestant
qu'au moment de l'arrestation d'Aurore, d'autres contrôles de gendarmerie ont
eu lieu" sur des routes qu'elle était susceptible d'emprunter.
Ils ajoutent qu'ils seront en mesure de fournir d'ici à quelques jours des "éléments plus précis".
S'agissant de la "clandestinité",
les amis d'Aurore Martin assurent que depuis son retour à la vie publique le 18
juin 2011 lors d'un meeting politique à Biarritz, elle vivait "normalement au vu et au su de tout le
monde".
APPEL À
L'ARBITRAGE DE FRANÇOIS HOLLANDE
La police avait essayé de
l'interpeller trois jours plus tard à Bayonne, mais Aurore Martin, aidée de
nombreux amis, avait réussi à se réfugier dans un café où les policiers avaient
en définitive renoncé à l'arrêter. A l'appui du communiqué de lundi, les
soutiens produisent des photocopies de l'inscription d'Aurore Martin au Pôle
emploi de Biarritz en avril 2012, de la carte grise refaite à sa demande en
septembre et la lettre du conseil général attestant de son admission au RSA en
octobre 2012, courriers envoyés à son adresse du village de Saint-Michel.
Dans leur communiqué,
famille et amis d'Aurore Martin en appellent "à
l'arbitrage de François Hollande qui lors de sa campagne présidentielle avait
parlé de clémence pour Aurore". Ils demandent au président
français de faire "tout (son)
possible pour qu'Aurore revienne parmi nous et que la vérité sur les
circonstances de son arrestation soit faite".
PAS D'INTERVENTION
DE L'INTÉRIEUR DANS L'EXTRADITION
Dans un entretien à Aujourd'hui en France/Le Parisien, le
ministre de l'intérieur a déclaré :
"Je ne vais pas m'excuser qu'une décision de justice soit appliquée",
soulignant qu'"on ne peut avoir
aucune complaisance à l'égard d'une personne qui a soutenu ETA".
"D'une manière générale, nous ne
cesserons pas de coopérer avec l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne lorsqu'il
s'agit de terrorisme", a ajouté Manuel Valls.
Il a par ailleurs tenu à
rappeler qu'il n'était "jamais"
intervenu dans l'extradition de la militante basque, soulignant qu'il a "simplement été informé de son arrestation
après la prise en charge par la police judiciaire".
"MENSONGE
D'ÉTAT"
M. Valls a aussi affirmé
lundi sur Europe 1 qu'il ne "comprend
pas comment des parlementaires peuvent mettre en doute la justice"
après l'extradition de la militante basque. Interrogé sur les critiques d'élus
basques français qui ont affiché leur scepticisme dimanche après ses propos
démentant toute intervention dans l'extradition d'Aurore Martin, le ministre de
l'intérieur a dit que "ces mots
étaient bien excessifs". Ainsi Olivier Dartigolles,
porte-parole du PCF, avait fustigé un "mensonge
d'Etat", disant ne "pas
croire qu'il [Manuel Valls] n'est pour rien dans cette arrestation".
Le ministre de l'intérieur
réfute les accusations selon lesquelles il serait à l'origine de l'application
du mandat d'arrêt européen (MAE) qui a conduit les autorités françaises à
livrer jeudi Aurore Martin à la justice espagnole. Aurore Martin faisait
l'objet d'un MAE de la part des autorités espagnoles, accepté par la cour
d'appel de Pau, depuis la fin de 2010. Une tentative d'arrestation par la
police en plein Bayonne, en juin 2011, avait échoué, la jeune femme étant entraînée
dans un café par ses amis, et les policiers renonçant à donner l'assaut.
La militante basque, 33
ans, a été arrêtée jeudi à Mauléon (Pyrénées-Atlantiques) puis remise dans la
foulée aux autorités espagnoles. Incarcérée près de Madrid, elle encourt jusqu'à
douze ans de prison en Espagne pour des "faits
de participation à une organisation terroriste et terrorisme".
Aurore Martin est membre du parti Batasuna qui est illégal en Espagne, où il
est considéré comme le bras politique de l'organisation séparatiste basque ETA,
mais est légal en France.
Madrid lui reproche des
faits dans l’Hexagone
L’affaire Aurore Martin n’avait pas besoin de cela pour se transformer en polémique. Mais, l’information va sans doute renforcer l’indignation générale autour de l’application d’un mandat d’arrêt européen (MAE) à l’encontre de la jeune militante de Batasuna.
L’affaire Aurore Martin n’avait pas besoin de cela pour se transformer en polémique. Mais, l’information va sans doute renforcer l’indignation générale autour de l’application d’un mandat d’arrêt européen (MAE) à l’encontre de la jeune militante de Batasuna.
Le juge d’Instruction no5
de l’Audience nationale espagnole, Pablo Rafael Ruz Gutierrez, a, en effet,
dans son arrêt de mise en accusation d’Aurore Martin (“auto”), repris des
accusations pour lesquelles la justice française avait refusé l’application
d’un mandat d’arrêt européen.
Contradiction avec le
droit européen, jugement de faits commis dans un autre Etat : cette
importante décision pose plusieurs problèmes juridiques de poids.
Des activités dans l’Etat français
La participation à une
conférence de presse à Bayonne le 21 septembre 2006 et à un meeting à Ustaritz
le 27 janvier 2007 : lorsque la Cour d’appel de Pau s’était prononcée, le
23 novembre 2010, en faveur de la remise aux autorités espagnoles d’Aurore
Martin, elle avait refusé d’accepter le MAE pour ces deux faits ayant eu lieu
dans l’Etat français (cf édition du 24/11/2010). Pourtant, faisant fi de cette
décision, Pablo Rafael Ruz Gutierrez, a repris, le 2 novembre 2012, ces deux
accusations parmi les éléments d’inculpation de la militante de Batasuna.
L’audience nationale
espagnole s’apprête ainsi à juger une ressortissante de nationalité française
pour des activités politiques dans l’Etat français ; Etat dans lequel
elles ne sont, de surcroît, pas considérées comme répréhensibles.
De même, le juge
d’Instruction a également maintenu l’accusation portant sur un article
d’opinion publié le 11 janvier 2008 dans les colonnes du quotidien Gara (cf.
p.4) pour laquelle la cour de Pau avait, là aussi, refusé le MAE.
Enfin, selon le document
du 2 novembre, Aurore Martin est aussi inculpée par l’Audience nationale pour
avoir été salariée du parti EHAK alors que la cour d’appel avait, de nouveau,
rejeté la demande espagnole au motif que l’interdiction de ce parti dans l’Etat
espagnol est postérieure aux faits reprochés.
Une erreur de l’Audience
nationale ? Une volonté délibérée d’outrepasser la décision de la cour
d’appel de Pau ? Les questions portent maintenant sur les intentions du
magistrat espagnol.
Reste qu’en maintenant des
accusations pour lesquelles la justice française avait refusé la remise de la
militante de Batasuna aux autorités espagnoles, l’Audience nationale outrepasse
le “principe de spécialité”. Principe selon lequel, dans le cadre d’un MAE, une
personne remise par Etat à un autre Etat ne peut être poursuivie ou privée de
liberté pour une infraction commise avant sa remise qu’avec l’autorisation de
l’Etat d’exécution.
“C’est tout simplement
hallucinant !” s’insurge Jone Gorizelaia, avocate d’Aurore Martin qui
pointe les “contradictions” dans le dossier.
L’avocate de la jeune
militante abertzale du Pays Basque nord prévoit d’ailleurs d’intégrer cet
élément dans la demande de libération conditionnelle qu’elle va formuler dans
les prochains jours.
Antton ROUGET
Les questions que pose l'arrestation d'Aurore
Martin
"Provocation", "situation ubuesque"... Les
critiques se sont multipliées de la part des responsables politiques basques,
de gauche comme de droite, vendredi 2 novembre, après l'interpellation la
veille à Mauléon (Pyrénées-Atlantiques) de la militante basque française Aurore
Martin, membre de Batasuna, en exécution d'un mandat d'arrêt européen (MAE)
émis par l'Espagne. Après avoir été remise aux autorités espagnoles jeudi, la
jeune femme a été placée en détention provisoire à Madrid, en raison du "risque
évident et fondé de fuite et de soustraction à la justice".
Que reproche la justice
espagnole à Aurore Martin ?
Aurore
Martin était visée depuis le 13 octobre 2010 par un MAE émis par un magistrat
madrilène pour "faits de participation à une organisation terroriste et
terrorisme", en l'occurrence sa participation en 2006 et 2007 à des
réunions publiques et la rédaction dans le journal Gara en tant que
membre du parti indépendantiste basque Batasuna.
Comment fonctionne
un MAE ?
Le MAE concerne les
personnes recherchées par la justice au sein de l'Union européenne et
condamnées ou susceptibles d'être condamnées à une peine d'au moins un an de
prison. Il avait été mis en place au lendemain des attentats du 11-Septembre
pour faciliter et automatiser les procédures d'extradition entre Etats membres.
Est-il possible de ne
pas donner suite à un MAE ?
L'article 695-22 du Code
de procédure pénal prévoit plusieurs conditions dans lesquelles un Etat peut ne
pas donner suite à un MAE. Il peut ainsi être refusé "s'il est
établi que ledit mandat d'arrêt a été émis dans le but de poursuivre ou de
condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de
son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions
politiques ou de son orientation sexuelle".
Les partisans d'Aurore
Martin estiment ainsi qu'elle est poursuivie pour des raisons politiques. "C'est
un précédent en France, expliquait-elle dans un entretien à Médiapart en
juin 2011. Demain n'importe quel pays pourra réclamer un ressortissant
français pour x raisons. Au niveau politique, c'est grave."
Aurore Martin
avait-elle encore des recours avant d'être remise aux autorités espagnoles ?
La cour d'appel de Pau, la
Cour de cassation puis en mai la Cour européenne des droits de l'Homme ont
successivement validé ce MAE. "Toutes les voies de recours ont donc été
épuisées, souligne Henri Labayle, spécialiste du droit européen de
l'immigration et de la sécurité intérieure européenne et professeur à
l'Université de Pau et des pays de l'Adour. La Cour de cassation ne
pouvait pas répondre autre chose car l'apologie du terrorisme est prévue dans
le MAE. Pour l'Espagne, la lutte contre le terrorisme passe par la lutte contre
l'apologie du terrorisme."
"Comme c'est un
cas de figure qui ne s'est jamais produit, le juge aurait pu interroger la Cour
de justice de l'Union européenne dont le rôle est de veiller à l'application du
droit de l'Union et à l'uniformité de son interprétation sur le territoire de
l'Union, ajoute Henri Labayle.
Le véritable problème juridique, c'est qu'il y a un parti qui a deux statuts
différents de chaque côté de la frontière. Batasuna est un parti légal en
France."
Le ministre de
l'intérieur ou le premier ministre auraient-ils pu s'opposer à ce qu'Aurore Martin
soit remise aux autorités ?
"Non, à partir du
moment où elle est arrêtée et que les voies de recours ont été épuisées, la
remise aux autorités espagnoles est une procédure dépolitisée qui se fait de
juge à juge, explique Henri
Labayle. Depuis 2004, il n'y a donc plus besoin de décret d'extradition
signé par le premier ministre. Si un ministre s'y était opposé, il l'aurait
fait en contrariété des règles de l'Union européenne."
Pourquoi le mouvement
Batasuna attribue-t-il la responsabilité de cette arrestation et de ce
transférement à Manuel Valls ?
Le mouvement Batasuna a
estimé que le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, avait "cassé un
accord tacite". L'un des responsables du mouvement, Jean-François
Lefort, a noté que le MAE n'avait pas été appliqué par l'ancien ministre
de l'intérieur, Claude Guéant. "Il y avait un accord tacite que Valls a
cassé, une étape a été franchie", a-t-il dit, ajoutant : "Nous
réfutons la thèse d'un contrôle fortuit : au moment où Aurore Martin a été
arrêtée, il y avait un important peloton de gendarmerie à un autre endroit où
elle aurait pu passer."
"C'est une
décision politique de première importance, dit Henri Labayle. On ne peut pas imaginer qu'une décision de
cette importance ait pu être prise sans que Matignon ou l'Elysée ait été mis au
courant. Même si le contrôle de gendarmerie était fortuit, il fallait un feu
vert du gouvernement pour confirmer l'arrestation d'Aurore Martin."
Le juge espagnol aurait-il
pu choisir de ne pas lancer de MAE ?
"Il y a une
disproportion entre les moyens et les fins, constate Henri Labayle. Est-ce que
ce n'est pas utiliser un marteau pour écraser une mouche ? Le MAE devrait
être réservé à des infractions sérieuses et graves. Même si en droit, on ne
peut pas reprocher au juge espagnol de l'avoir utilisé."
Existe-t-il des
exemples récents où le mandat a été invalidé par la justice ?
Trois jours avant
l'arrestation d'Aurore Martin, mardi 30 octobre, la Cour d'appel de Pau a par
exemple refusé la remise à l'Espagne d'Arturo Villanueva Arteaga pour son
appartenance à un mouvement de jeunesse radical basque déclaré illégal en
Espagne le 19 janvier 2007, invalidant le MAE émis par Madrid contre lui.
En 2010, les juridictions britanniques avaient refusé d'appliquer le même MAE
que celui rejeté mardi par la cour d'appel de Pau.
Que risque Aurore
Martin en Espagne ?
Dans son entretien à
Médiapart, Aurore Martin expliquait qu'elle risque une peine maximale de douze
ans. "C'est ce qu'ils pourraient demander, dit-elle. Ce n'est pas
forcément ce qu'ils mettraient en application."
"Il faut faire
confiance à la justice espagnole et ne pas lui faire de procès d'intention,
ajoute Henri Labayle. Je ne vois pas ce qui pourrait aboutir à une condamnation
d'Aurore Martin. Il faudrait des milliers de places de prison à la justice
espagnole si elle veut enfermer tous ceux qui ont participé à des
manifestations. "
François Béguin
Madrid lui reproche des
faits dans l’Hexagone
L’affaire Aurore Martin n’avait pas besoin de cela pour se transformer en polémique. Mais, l’information va sans doute renforcer l’indignation générale autour de l’application d’un mandat d’arrêt européen (MAE) à l’encontre de la jeune militante de Batasuna.
L’affaire Aurore Martin n’avait pas besoin de cela pour se transformer en polémique. Mais, l’information va sans doute renforcer l’indignation générale autour de l’application d’un mandat d’arrêt européen (MAE) à l’encontre de la jeune militante de Batasuna.
Le juge d’Instruction no5
de l’Audience nationale espagnole, Pablo Rafael Ruz Gutierrez, a, en effet,
dans son arrêt de mise en accusation d’Aurore Martin (“auto”), repris des
accusations pour lesquelles la justice française avait refusé l’application
d’un mandat d’arrêt européen.
Contradiction avec le
droit européen, jugement de faits commis dans un autre Etat : cette
importante décision pose plusieurs problèmes juridiques de poids.
Des activités dans l’Etat français
La participation à une
conférence de presse à Bayonne le 21 septembre 2006 et à un meeting à Ustaritz
le 27 janvier 2007 : lorsque la Cour d’appel de Pau s’était prononcée, le
23 novembre 2010, en faveur de la remise aux autorités espagnoles d’Aurore
Martin, elle avait refusé d’accepter le MAE pour ces deux faits ayant eu lieu
dans l’Etat français (cf édition du 24/11/2010). Pourtant, faisant fi de cette
décision, Pablo Rafael Ruz Gutierrez, a repris, le 2 novembre 2012, ces deux
accusations parmi les éléments d’inculpation de la militante de Batasuna.
L’audience nationale
espagnole s’apprête ainsi à juger une ressortissante de nationalité française
pour des activités politiques dans l’Etat français ; Etat dans lequel
elles ne sont, de surcroît, pas considérées comme répréhensibles.
De même, le juge
d’Instruction a également maintenu l’accusation portant sur un article
d’opinion publié le 11 janvier 2008 dans les colonnes du quotidien Gara (cf.
p.4) pour laquelle la cour de Pau avait, là aussi, refusé le MAE.
Enfin, selon le document
du 2 novembre, Aurore Martin est aussi inculpée par l’Audience nationale pour
avoir été salariée du parti EHAK alors que la cour d’appel avait, de nouveau,
rejeté la demande espagnole au motif que l’interdiction de ce parti dans l’Etat
espagnol est postérieure aux faits reprochés.
Une erreur de l’Audience
nationale ? Une volonté délibérée d’outrepasser la décision de la cour
d’appel de Pau ? Les questions portent maintenant sur les intentions du
magistrat espagnol.
Reste qu’en maintenant des
accusations pour lesquelles la justice française avait refusé la remise de la
militante de Batasuna aux autorités espagnoles, l’Audience nationale outrepasse
le “principe de spécialité”. Principe selon lequel, dans le cadre d’un MAE, une
personne remise par Etat à un autre Etat ne peut être poursuivie ou privée de
liberté pour une infraction commise avant sa remise qu’avec l’autorisation de
l’Etat d’exécution.
“C’est tout simplement
hallucinant !” s’insurge Jone Gorizelaia, avocate d’Aurore Martin qui
pointe les “contradictions” dans le dossier.
L’avocate de la jeune
militante abertzale du Pays Basque nord prévoit d’ailleurs d’intégrer cet
élément dans la demande de libération conditionnelle qu’elle va formuler dans
les prochains jours.
Antton ROUGET
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