La finance solidaire prend son envol
Les troisièmes Grands Prix de la finance solidaire
se sont déroulés, lundi 12 novembre, au siège du Monde, à Paris.
Cette manifestation, organisée par "Le Monde Argent & patrimoine"
et Finansol, récompense des projets à forte utilité sociale ou environnementale,
qui ont bénéficié des subsides de la finance solidaire. Grâce au soutien de
France active, de la Fondation Crédit coopératif et de la mutuelle Carac,
chaque lauréat a reçu une dotation de 5 000 euros. Cet événement est l'un des
points d'orgue de la Semaine de la finance solidaire, qui se déroule jusqu'au
16 novembre. A cette occasion, des manifestations sont organisées partout en
France pour faire mieux connaître cette finance "éthique", dont les
flux progressent vite.
Fin 2011, l'encours des
produits financiers solidaires atteignait 3,5 milliards d'euros, en hausse de
15,1 % sur un an, douze fois plus qu'il y a dix ans. "Au premier semestre 2012, l'encours de
l'épargne salariale solidaire a bondi de 53 %, précise Sophie des
Mazery, directrice générale de Finansol. La
crise incite les épargnants à s'interroger sur le sens qu'ils peuvent donner à
leur argent. Certains sont prêts à gagner moins si on leur montre que leur
épargne peut être utile à la société."
En hausse de 17,9 %
sur un an, l'épargne salariale solidaire représente désormais la moitié des
encours de la finance solidaire. Près de 700 000 des 900 000 épargnants
solidaires ont franchi le pas avec leur entreprise. Un succès cependant
fragilisé par la hausse du forfait social, passé de 8 % à 20 % depuis le 1er
août.
FINANCEMENTS
VARIÉS
A fin 2011, les
financements solidaires représentaient 879 millions d'euros (+ 35 %). Cet
argent sert à financer des projets consacrés à l'environnement (43 %), au
logement très social (33 %), à l'emploi (19 %) et à l'aide aux pays du Sud (5
%). Isomir, Cellaouate, Môm'artre, Solidarités nouvelles pour le logement et la
fédération Nununa, nos cinq lauréats 2012, ont bénéficié de financements variés
: épargne de partage, commercialisation de fonds 90/10 (qui consacrent jusqu'à
10 % de leurs actifs à des projets solidaires) ou prises de participation au
capital d'entreprises solidaires.
Le succès de la finance
solidaire tombe à pic, car le gouvernement fait de l'essor de l'économie
sociale et solidaire (ESS) une priorité. Une loi-cadre sera adoptée en ce sens
au premier semestre 2013. La future Banque publique d'investissement (BPI)
consacrera 500 millions d'euros de crédits à l'ESS, ce qu'a confirmé au Monde Benoît Hamont, ministre délégué à
l'économie sociale et solidaire et à la consommation.
"Nous sommes à
une époque charnière, commente
Jean-Marc de Boni, président du directoire du financeur solidaire la Nouvelle
Economie fraternelle (la Nef). Les
citoyens ont compris que le libéralisme était incompatible avec une répartition
juste des richesses, mais on n'a pas encore changé de système."
Une vision partagée par Jean-Guy Henckel, fondateur du réseau Cocagne : "Nous avons devant nous quinze ans pour
inventer un nouveau modèle de société. C'est possible si les entreprises, les
pouvoirs publics et la société civile travaillent de concert."
Pour répondre aux besoins
de financement d'un tel chantier, la finance solidaire devra changer de
braquet. Une urgence, alors que la crise affaiblit les acteurs de l'ESS et que
beaucoup d'associations doivent faire face à une baisse des subventions
publiques. Le pourra-t-elle ? "C'est
possible, car beaucoup de produits financiers sont aujourd'hui peu ou pas du
tout solidaires, mais pourraient le devenir", répond Mme
des Mazery. L'assureur Predica s'apprête à lancer un contrat d'assurance-vie
investi à hauteur de 5 % à 10 % dans des projets solidaires. Si une part des 1
374 milliards d'euros que les Français détiennent sous cette forme était
réorientée vers l'ESS, l'effet pourrait être spectaculaire.
PLUS DE
TRANSPARENCE
Mais, pour convaincre les
épargnants, la finance solidaire devra devenir plus transparente, et les
persuader que leur argent sera utilisé de façon efficace. L'une des
possibilités serait de créer des produits "fléchés", qui
permettraient au souscripteur de choisir précisément le projet qu'il veut
financer, une possibilité qui existe déjà dans l'épargne salariale.
L'ESS est-elle prête à
absorber une manne de plusieurs milliards d'euros ? Le nombre de projets
crédibles à financer est-il suffisant pour garantir que cet argent serait bien
utilisé ? Et comment les repérer et les sélectionner ? Aujourd'hui, une poignée
de financeurs solidaires (France active, ADIE, Habitat et humanisme...) captent
l'essentiel de l'épargne solidaire et l'orientent vers des projets qu'ils
accompagnent dans la durée. Dès 2013, la future BPI encadrera leur activité et
tentera de donner une nouvelle impulsion au secteur. Pour élargir leur vivier,
une solution serait d'assouplir les critères définissant une entreprise
solidaire. Jean-Michel Lécuyer, directeur général de France active, y est
favorable "à condition que les
entreprises démontrent leur contribution à l'intérêt général et que leur
lucrativité reste limitée". Cette évolution serait perçue
comme une trahison par certains pionniers de l'économie sociale et solidaire,
mais il s'agit probablement d'une étape nécessaire pour accélérer son
décollage.
LES LAURÉATS DES GRANDS PRIX DE LA FINANCE SOLIDAIRE 2012
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Jérôme Porier
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