Politiques : Communistes et UMP ne font plus
Chambre à part
Le Sénat rejette la tarification progressive de
l'énergie. Le principe de tarification progressive : plus on consomme, plus
l’énergie est chère…est de bon sens et promis par le candidat François Hollande.
Le texte retoqué au Sénat
prévoyait une facturation des
consommations de gaz et d'électricité selon un système de «bonus-malus». Une
motion d'irrecevabilité présentée par les communistes a été votée.
Le Sénat a torpillé dans
la nuit de mardi à mercredi le texte PS sur la tarification progressive de
l'énergie à la suite d’une fronde des élus communistes, un nouveau coup de
semonce pour le gouvernement après la censure du texte Duflot sur le logement.
Une motion
d’irrecevabilité présentée par les sénateurs communistes du CRC et déjà votée
jeudi en commission des Affaires économiques, a été ratifiée en séance avec
l’apport des voix des sénateurs UMP et centristes.
Au Sénat, début octobre.
La majorité de gauche tient à six voix au palais du Luxembourg.
Désunion : Deux textes soutenus par le
gouvernement ont été rejetés hier et avant-hier par des sénateurs du CRC alliés
à la droite.
Ils en pousseraient
presque un ouf de soulagement : puisque c’est une proposition de loi (PPL, un
texte d’origine parlementaire) et que la friture ne vient pas (cette fois) des
rangs de l’équipe Ayrault, le rejet mardi au Sénat du texte sur la tarification
progressive de l’énergie ne peut être rangé dans la liste des «couacs» gouvernementaux. Mais, pour
les chefs de la majorité, cette affaire est un sérieux signal d’alarme : c’est
le premier texte soutenu par le gouvernement à se faire retoquer par le
Parlement depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir, au printemps.
«Collusion». Circonstance aggravante, la PPL, rédigée par le
député de l’Isère François Brottes et instaurant un système de bonus-malus sur
la consommation, a été repoussée grâce à une alliance de circonstance entre les
sénateurs communistes (CRC) et ceux de l’UMP. Qui ont remis ça moins de douze
heures plus tard au sein de la commission des Finances de la Chambre haute pour
rejeter la loi de programmation budgétaire.
Face à ces coups de canif
dans le pacte majoritaire, l’exécutif faisait mine de relativiser, hier. «Le Sénat est à gauche, mais il n’y a pas de majorité
de gouvernement au Sénat : nous ne le découvrons pas aujourd’hui»,
explique un conseiller de l’Elysée. De fait, depuis septembre 2011, la
majorité de gauche tient à six petites voix, et elle est composée de quatre
familles : les socialistes, les radicaux, les communistes et les écologistes.
Un Rubik’s Cube parlementaire délicat à manier, comme l’a prouvé le projet de
loi sur le logement. Les sénateurs radicaux ont menacé de ne pas le voter il
y a quinze jours, avant que le texte ne reparte à la case départ, annulé
pour vice de procédure par le Conseil constitutionnel.
La vraie (mauvaise)
surprise, c’est donc la combinaison des voix communistes et UMP. Une «collusion contre nature», selon le
groupe PS du Sénat. Qui fait flotter un «petit
parfum de IVe République» sur le palais du
Luxembourg, appuie le ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies.
«Lobby des pro-nucléaire
au aboi». Les communistes qui
votent avec la droite pour bloquer un texte préparant la transition énergétique
? «On assiste à la résurgence de
l’alliance productiviste entre gaullistes et communistes. C’est comme ça que la
France s’est engouffrée dans le nucléaire dans les années 70»,
s’époumone un sénateur socialiste, dénonçant la main du «lobby électricien» dans le coup de théâtre
parlementaire. Les sénateurs socialistes estiment que certains ont voulu faire
payer à François Hollande sa volonté de réduire la part du nucléaire dans le
mix énergétique français. Au final, les communistes ont «basculé dans l’opposition. Ils font de
l’obstruction au Sénat pour se faire entendre», déplore un
ministre. «On est loin de la révolution»,
soupire-t-il.
Etre entendus, c’est
exactement ce que veulent les sénateurs communistes, qui, dans la droite ligne
de leur candidat à l’Elysée, Jean-Luc Mélenchon, posent en «ayants droit» de la victoire de
Hollande. Mais, face au mastodonte socialiste à l’Assemblée, il leur est
quasiment impossible d’exister. Le Sénat est donc devenu leur unique caisse de
résonance parlementaire. L’arrivée de Pierre Laurent, numéro 1 du PCF, sur
les bancs du palais du Luxembourg fin septembre «radicalise aussi un peu les choses», glisse un conseiller
ministériel, qui prédit d’autres votes négatifs, sur le projet de loi de
finances ou le budget de la sécu. «Les
sénateurs n’acceptent pas qu’on les chatouille sur le cumul des mandats : ils
prendront tous les prétextes pour nous le rappeler», pronostique
une ministre.
Pour la PPL Brottes, la
balle est revenue dans le camp de l’Assemblée, mais les présidents des groupes
PS des deux Chambres, Bruno Le Roux et François Rebsamen, ont annoncé une
réunion afin de «prendre en compte le
travail des sénateurs pour simplifier le texte», qualifiée «d’usine à gaz» par certains. Les
communistes devraient figurer tout en haut de la guest list.
Productivistes
contre progressistes
Le gouvernement est
déterminé à faire aboutir ce texte»
a déclaré après le vote la ministre de l’Ecologie Delphine Batho. «Je regrette que des élus de gauche, du groupe
communiste, aient pu être instrumentalisés par la droite pour bloquer un texte
de justice sociale et d’efficacité écologique», a-t-elle lancé
provoquant les protestations des rangs communistes.
Elle avait ouvert le débat
en fin d’après-midi en souhaitant un
«débat constructif et fructueux». Elle avait détaillé le texte qui
prévoit l’instauration d’un tarif progressif consistant à facturer la
consommation de gaz, d'électricité et de chaleur (quels que soient le
fournisseur et le type d’offre souscrite) selon un système de «bonus/malus» ainsi que son volet étendant
les tarifs sociaux de l'énergie.
«Ceux qui dénoncent
une usine à gaz oublient la complexité des réformes dont ils sont à l’origine», a-t-elle souligné visant la droite qui a mis en
minorité la majorité gouvernementale en se ralliant à la motion d’irrecevabilité
communiste.
Une motion d'irrecevabilité présentée par les
communistes a été votée.
Le Sénat a torpillé dans
la nuit de mardi à mercredi le texte PS sur la tarification progressive de
l'énergie à la suite d’une fronde des élus communistes, un nouveau coup de
semonce pour le gouvernement après la censure du texte Duflot sur le logement.
Une motion
d’irrecevabilité présentée par les sénateurs communistes du CRC et déjà votée
jeudi en commission des Affaires économiques, a été ratifiée en séance avec
l’apport des voix des sénateurs UMP et centristes.
La gauche n'étant
majoritaire que de six voix au Sénat, la motion a été mathématiquement adoptée.
C’est le premier texte
soutenu par le gouvernement à être retoqué par une chambre du Parlement depuis
l’arrivée de la gauche au pouvoir. Ce rejet de la proposition de loi (PPL) du
député PS, François Brottes, le monsieur énergie de la campagne de François
Hollande, sonne comme un désaveu du gouvernement.
«Le gouvernement est
déterminé à faire aboutir ce texte»
a déclaré après le vote la ministre de l’Ecologie Delphine Batho. «Je regrette que des élus de gauche, du groupe
communiste, aient pu être instrumentalisés par la droite pour bloquer un texte
de justice sociale et d’efficacité écologique», a-t-elle lancé
provoquant les protestations des rangs communistes.
Elle avait ouvert le débat
en fin d’après-midi en souhaitant un
«débat constructif et fructueux». Elle avait détaillé le texte qui
prévoit l’instauration d’un tarif progressif consistant à facturer la consommation
de gaz, d'électricité et de chaleur (quels que soient le fournisseur et le type
d’offre souscrite) selon un système de «bonus/malus»
ainsi que son volet étendant les tarifs sociaux de l'énergie.
M. Courteau avait remanié
de fond en comble le système de bonus/malus le rendant «plus lisible», a vivement combattu la
motion s'élevant contre une «majorité de
circonstance» PCF-UMP-Centriste. «Cette
motion retarde l’adoption de cette PPL et donc des dispositions sociales pour
les personnes les plus en difficulté» a-t-il aussi déploré.
«C’est un vote contre
l’ouverture des débats sur la transition énergétique» au nom «d’un
accord sur le tout nucléaire», a fustigé l'écologiste Ronan Dantec,
faisant allusion à la position pro-nucléaire du PCF.
Des tarifs pour aider les plus pauvres…
Le rapporteur de la
proposition de loi sur les tarifs de l'énergie, Roland Courteau (PS), a annoncé
jeudi qu’il démissionnait de cette fonction, après que les sénateurs
communistes, centristes et UMP ont regroupé leurs forces pour déclarer le
projet irrecevable, mardi.
Ce camouflet «stoppe brutalement les travaux de la commission»,
En projet en ce qui
concerne l'énergie, un volume de consommation déterminé chaque année en
fonction de trois critères (la localisation de l’habitation, la composition de
la famille et le mode de chauffage) sera «facturé
à un tarif de base soit sensiblement en-dessous du tarif actuel».
«Si vous passez
au-dessus (...), vous aurez un premier puis un deuxième palier d’augmentation
de tarif», a relevé François
Brottes, soulignant que le tarif social dont bénéficient 600 000 à
650 000 ménages serait maintenu.
Le périmètre du tarif
social, fixé «très en-dessous»
du tarif de base, sera élargi à «à peu
près 4 millions de ménages» considérés en précarité énergétique,
a-t-il indiqué. Et «nous allons mettre en
oeuvre un système de trêve hivernale généralisée pour qu’il n’y ait pas de
coupure d'électricité l’hiver».
Initialement : Portée par le député PS
François Brottes, la proposition de loi instaurant une tarification progressive
de l'énergie répond à une promesse de campagne de François Hollande. Elle
instaure trois niveaux de consommation, à un tarif notablement inférieur à
l'actuel en-deçà du premier seuil, supérieur au-delà du dernier. Coup d’envoi ce matin d’une des
60 propositions du candidat Hollande : le tarif progressif des biens de
première nécessité que sont l’eau ou l’énergie. A rebours des lois du commerce
qui multiplient les rabais pour que le consommateur achète en plus gros
volumes, la révolution du tarif progressif fait exactement l’inverse. Discount
sur les premiers mètres cubes d’eau ou kilowattheures (kWh) consommés, et
surtaxation au-delà d’un certain seuil pour inciter à la sobriété.
François Brottes, député
PS et président de la commission des affaires économiques, doit ainsi dévoiler
sa proposition de loi (PPL) ce matin, avant de la déposer sur le bureau de
l’Assemblée nationale. La première lecture est fixée au 26 septembre, avec
la perspective d’une adoption avant la mi-novembre. Mais son effet sur les
factures n’est pas attendu avant un an, le temps du réglage pour cette mesure
complexe.
Paramètres. L’objectif est de faire baisser la facture en
incitant à consommer moins et mieux, alors que l’énergie va coûter de plus en
plus cher. Si le principe est simple, sa mise en œuvre est pavée de
chausse-trappes. Jusqu’au bout, le texte a été remanié, et ses ambitions un peu
rabotées. Selon la dernière version que Libération
s’est procurée, l’eau, absente du dispositif, l’intégrera dans un second temps,
à cause de la spécificité de sa gestion au niveau local. Seuls le gaz et
l’électricité en réseau sont pour l’heure concernés. Le fuel et le GPL
attendront aussi. Quelques rares pays pratiquent déjà des tarifs différenciés,
mais aucun avec le niveau de modulation de la PPL. Qui doit éviter également de
pénaliser les populations énergivores par nécessité. Trois paramètres sont
retenus : la localisation géographique, la taille de la famille et le mode de
chauffage. Car se chauffer à Mouthes (Franche-Comté), ville réputée la plus
froide de France, coûte plus cher qu’à Nice.
Le croisement de ces trois
paramètres donnera, pour chaque logement, un nombre de kWh pour le gaz et
l’électricité. Sous ce plafond, le prix de l’énergie sera réduit. Au-delà, il
sera majoré. Il n’y aura que deux tarifs, un bonus et un malus, mais une
multiplicité de seuils puisqu’ils seront personnalisés. Leur établissement,
forcément délicat, est renvoyé à des décrets.
Feuille d’impôt. Il avait aussi été imaginé de prendre en compte le
DPE (diagnostic de performance énergétique), obligatoire lors de l’achat ou de
la location d’un logement, afin de ne pas pénaliser les ménages modestes vivant
dans des habitats énergivores, parce que mal isolés. Ce critère, difficile à
mettre en œuvre, est abandonné. Par contre, le fisc monte en première ligne. La
feuille d’impôt servira de support au recensement des ménages et au recueil
d’informations. Seule la résidence principale sera concernée. L’habitat
collectif, avec l’absence de compteurs individuels pour le chauffage, soulève
une autre difficulté. Il sera néanmoins intégré. Inquisiteur, le dispositif
sera suivi par la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des
libertés), dont un membre rejoindra le collège de la CRE (Commission de régulation
de l’énergie).
Une autre difficulté sera
de conjuguer ce dispositif avec celui en vigueur concernant les tarifs sociaux.
Le champ des bénéficiaires sera élargi à tous ceux qui vivent sous le seuil de
pauvreté, portant leur nombre de 650 000 aux 4 millions de foyers
précaires. Les ménages modestes habitant «dans
des passoires énergétiques» se verront appliquer une progressivité
spéciale. La gageure sera ensuite d’identifier les logements énergivores et
leur proposer des solutions. Par ces temps de disette budgétaire et face à des
poids lourds, comme EDF ou GDF Suez, prompts à défendre leurs intérêts, le
dispositif est conçu sur le papier pour être équilibré financièrement. Les
bonus-malus seront gérés sur un compte de la Caisse des dépôts et consignations.
Mais cette révolution se
heurte à de puissants intérêts. Jusqu’à présent, les producteurs se sont
focalisés sur le risque de pénurie. «Les
opérateurs se cristallisent sur les pointes de consommation, de façon à
justifier des investissements supplémentaires et des prix toujours tirés vers
le haut, analyse François Brottes. Il va maintenant falloir se mobiliser autour de systèmes qui inciteront les entreprises à
moins tirer sur le réseau lors des pics de consommation.»
Delphine Batho, la
ministre de l’Ecologie et de l’Energie, salue ce projet, dont le coup d’envoi
coïncide avec le lancement du débat sur la transition énergétique. «C’est à l’Etat et au citoyen d’infléchir la politique énergétique en direction
d’une plus grande sobriété, ce qui n’a pas été jusqu’à présent la pente
naturelle du système», déclarait-elle à Libération. Hier, EDF disait avoir été consulté au début
de l’été, mais tout ignorer du projet. Et mettait en garde : «Il va falloir éviter les effets d’aubaine.»
LAURE
BRETTON, CATHERINE MAUSSION et DOMINIQUE ALBERTINI
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