Nous avons de l'or sous nos pieds et nous ne nous
baissons même pas pour le ramasser. Telle est, peu ou prou, la pensée des
partisans de l'exploitation des gaz de schiste. La plus grande partie de la
presse économique et des milieux d'affaires mène sur ce sujet, depuis de longs
mois, un lobbying forcené pour faire céder les résistances du pouvoir
politique.
A défaut de partager leur
sentiment, on peut comprendre la tentation qui les habite. Il suffit de
regarder ce qui se passe outre-atlantique pour se dire qu'une telle manne ne
nous ferait pas de mal en ces temps de désindustrialisation accélérée :
ces nouvelles ressources fossiles contribuent en effet de manière significative
au redressement du secteur manufacturier américain en faisant baisser les coûts
de production d'un certain nombre de filières industrielles. Mieux, elles sont
en passe de hisser les Etats-Unis au rang de premier producteur mondial
d'hydrocarbures. Inversement, quand on songe aux quelque 60 milliards d'euros
que l'Hexagone dépense chaque année en importations énergétiques, on se prend à
rêver de l'extraordinaire bouffée d'oxygène (si on ose dire) et de
compétitivité que cet or noir domestique pourrait apporter à notre économie. Le
Royaume-Uni de Margaret Thatcher avait connu son cadeau du ciel avec le Brent
de mer du Nord, l'Europe en crise des années 2010 tiendrait le sien avec les
gaz de schiste. Et nous nous entêterions à le refuser ?
Pourtant François Hollande l'a
redit : dans l'état actuel des technologies, pas question d'autoriser l'exploitation
de ces richesses qui attendent sagement dans notre sous-sol depuis quelques
millions d'années. En effet, la fracturation hydraulique pollue les nappes
phréatiques, consomme de gigantesques quantités d'eau et dégage d'importants
volumes de méthane dans l'atmosphère. Dans de telles conditions, l'exploitation
de cette ressource serait un crime contre l'environnement. Mais François
Hollande, qui s'entend à la nuance, l'a bien précisé : dans l'état actuel
des technologies… Du coup, l'espoir renaît dans le camp des lobbyistes :
laissons la porte ouverte et le progrès technologique aura bientôt raison de
ces quelques inconvénients passagers.
A supposer qu'il en soit
ainsi, faudrait-il pour autant autoriser l'extraction des gaz de schiste ?
Il y a lieu d'en douter. L'exploitation de ces ressources nous ferait retomber
dans la dépendance aux énergies fossiles et retarderait d'autant la mise au
point de modes de production et de consommation plus sobres, plus efficaces et
plus respectueux à la fois de notre écosystème et de notre intérêt de long
terme. Bref, elle différerait dangereusement notre rendez-vous avec la réalité.
Car, tandis que chacun a l'oeil rivé sur les compteurs d'une conjoncture
économique incontestablement préoccupante, le réchauffement climatique se
poursuit et s'aggrave. Décidément, les gaz de schiste ont tout du cadeau
empoisonné.
Thierry Pech
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