Pelleteuses et bombes lacrymo à Notre-Dame-des-Landes
Les forces de l'ordre le 23 novembre 2012 à Notre-Dames-des-Landes (Photo Frank Perry. AFP)
Une vaste opération d'expulsion a eu lieu ce vendredi matin. Des
violences ont ensuite éclaté entre les forces de l'ordre et les
détracteurs du futur aéroport, faisant trois blessés légers.
Dans la zone noyée dans un épais brouillard de lacrymogènes, au milieu des cris, des opposants ont aussi lancé de gros pétards tandis que les forces de l’ordre faisaient des sommations. Les opposants ont surgi de tous côtés, entraînant beaucoup de confusion et une situation très tendue durant laquelle un gendarme a été légèrement blessé à la main et deux journalistes TV à la tête. Les heurts se poursuivaient aussi dans un champ de maïs jouxtant La Châtaigneraie où les pelleteuses ont dû arrêter leurs travaux en raison des affrontements.
Quelque 500 gendarmes ont mené vendredi matin une opération d’expulsion des squatteurs réinstallés sur le site du futur aéroport contesté de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, moins d’une semaine après une manifestation géante de «réoccupation» de la zone.
«Ca attaque de partout !», a indiqué un opposant joint au téléphone tôt dans la matinée. Un correspondant de l’AFP a constaté la présence d’importantes forces de l’ordre arrivées à l’aube.
«Une importante opération est actuellement menée en plusieurs points sur la zone d’implantation de l’aéroport du grand-ouest à Notre-dame des Landes en Loire-Atlantique», a déclaré le porte-parole du ministère de l’Intérieur Pierre-Henry Brandet présent sur place. A 8h30, il n’y avait pas eu de heurts, selon lui, mais «on reste extrêmement prudents car chacun peut vérifier à quel point l’opposition radicale à l’aéroport a appelé à la violence».
«Cette opération vise à évacuer trois sites occupés illégalement : Le Rosier», La Lande de Rohanne et la Châtaigneraie», a-t-il détaillé. «Plus de 500 gendarmes sont ainsi mobilisés afin de permettre à Aéroport du Grand-Ouest de prendre ou reprendre possession des lieux et d’engager immédiatement des travaux de «déconstruction»» des squats, «partout où cela sera légalement possible», a indiqué Pierre-Henry Brandet. Il a également expliqué que serait menée «la saisie et l'évacuation des matériaux, outils et matériels de chantier».
Le porte-parole a insisté sur «la détermination du ministère de
l’Intérieur de faire respecter la loi et les décisions de justice, de
prévenir les troubles à l’ordre public, et d’empêcher l’installation
d’un camp pouvant servir de base de soutien aux opposants les plus
radicaux, pour mener des actes de sabotage et des actions violentes sur
le chantier de l’aéroport».
La Châtaignerie et la Lande de Rohanne sont les lieux où les
opposants avaient construit de nouvelles habitations samedi lors d’une
manifestation qui a réuni entre 13 500 et 40 000 personnes. Pour le
préfet de Loire-Atlantique, Christian de Lavernée, il s’agit d’empêcher
la constitution d’un «camp retranché». «La ferme du Rosier va être expulsée et déconstruite», a-t-il ajouté.Face à cette intervention des forces de l’ordre, l’eurodéputé écologiste José Bové appelle vendredi à «la mobilisation»et réclame à François Hollande une mission de médiation. «J’appelle à la mobilisation et je relance un appel solennel au président de la République, Monsieur François Hollande, pour qu’on mette en place une médiation pour remettre l’ensemble du dossier à plat», a déclaré José Bové, joint au téléphone par l’AFP quelques heures après le début de l’opération de la gendarmerie sur le site du futur aéroport nantais.
«On appelle les gens à se mobiliser à la fois à Notre-Dame-des-Landes et aussi partout en France où c’est possible», a ajouté le militant écologiste depuis le plateau du Larzac.
L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes doit remplacer celui de
Nantes en 2017 et les premiers défrichements doivent débuter en janvier
2013.
MCD-APLPrésent sur le site aux côtés des occupants évacués par les forces de l'ordre vendredi matin, le sénateur d'EE-LV Ronan Dantec appelle le gouvernement à stopper la surenchère. Et reprendre la concertation sur le projet d'aéroport.
La nouvelle évacuation ce matin par les forces de
l'ordre, plus d'un mois après la première intervention musclée, vous
surprend-elle ?
Ce genre de surenchère ne mène qu'à l'impasse. Je ne comprends pas qu'on fragilise la gauche avec un projet si secondaire et autant bloqué... Et puis, pourquoi créer un clivage entre la gauche socialiste et la gauche environnementaliste?
Que préconisez-vous ?
De reposer les vrais bases d'une réelle concertation. Avec la nomination d'un médiateur, comme l'Allemagne l'a fait l'an passé pour son projet 21: la gare sous-terraine de Stuttgart. Pourquoi avoir peur du débat public? Les promoteurs de la gare de Stuttgart ont finalement obtenu gain de cause en novembre 2011. Il faut remettre le projet à plat: même des parlementaires socialistes s'interrogent désormais en privé sur l'utilité d'une telle infrastructure...
Le gouvernement assure que la concertation a été large, et que la phase du débat public est terminée.
Le débat public de 2003 est daté car les arguments alors opposés ne tiennent plus. Un seul exemple: on prédisait alors une saturation majeure de l'aéroport actuel de Nantes. Or, on a, crise aidant, le même trafic en vol qu'en 2000...
N'y-a-t-il aucun argument en faveur de l'aéroport de NDDL qui trouve grâce à vos yeux ?
Non, plus aujourd'hui. On est face à un simple projet de transfert d'aéroport entre l'aéroport actuel de Nantes et celui de Notre-Dame-des-Landes. Le bruit? En 2003, lorsque la concertation a eu lieu, Ayrault avait un argument rationnel. Le plan d'exposition au bruit avait été calculé sur la base de 110 000 rotations d'avions. Or, on en est à 45 000, avec, qui plus est, des avions désormais moins bruyants. Le fait d'avoir besoin d'une piste de plus pour éviter «la saturation»? Mais l'aéroport actuel plafonne à 3,5 millions de passagers alors que beaucoup d'aéroports avec une seule piste accueillent jusqu'à 9 millions de passagers. Quant à l'argument du dégel de territoire autour de Nantes pour permettre le développement de la ville, cela ne tient pas non plus. On est en fin de cycle de ces politiques d'urbanisme qui ne mise que sur les infrastructures au nom de l'attractivité des grandes métropoles...Votre action de réoccupation et de désobéissance vendredi 16 novembre a été perçue comme un point de non-retour par certains cadres du PS. Et de plus en plus de parlementaires écologistes s'interrogent sur la rationnalité, pour EE-LV, de rester au gouvernement...
En politique, il n'y a jamais de point de non-retour. Le problème de la démocratie française actuelle, c'est qu'elle pense que faire un pas de côté, accepter de rouvrir un débat majeur n'apporte aucun gain politique. Or, c'est être moderne que de l'accepter. Jean-Marc Ayrault doit le comprendre. Il doit aussi comprendre que s'il est capable de reculer sur des dossiers sur la pression de la droite et qu'il n'entend pas des manifestations de gauche, un gros problème se pose.
CHRISTIAN LOSSON
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