Grèce : un journaliste en procès après avoir dénoncé l'évasion fiscale
Le journaliste grec Costas
Vaxevanis est escorté par des policiers le 28 octobre 2012 à Athènes.
(Photo Georgia Panagopoulo. AFP)
Un journaliste grec comparaissait jeudi
devant la justice pour avoir publié une liste de détenteurs présumés de
comptes en Suisse, que plusieurs gouvernements successifs sont accusés
d’avoir ignorée alors que l'évasion fiscale reste un des maux non
soignés du pays.
Le président de la Fédération internationale des journalistes, Jim Boumelha, qui a témoigné en sa faveur s’est dit «surpris» de l’arrestation et a qualifié le procès de «farce absurde». Le président du syndicat des journalistes d’Athènes, Dimitris Trimis, a également témoigné devant la cour: «J’aurais fait la même chose, si j'étais à la place de Costas, a-t-il dit. Un compte bancaire n’est pas une donnée personnelle. On vit dans une époque de transparence». La députée de Gauche radicale Syriza et fille d’un des avocats de la défense, Zoé Constantopoulou, a estimé que les poursuites contre M. Vaxevanis sont «un camouflet à la démocratie».
La «liste de Lagarde»
Tout en reconnaissant que le simple fait de détenir un compte en Suisse n’est pas illégal, M. Vaxevanis invoque le droit de la presse à publier des documents cachés ou minimisés par les autorités pour dénoncer des scandales, dans un contexte où le nouveau gouvernement de coalition est confronté à la colère croissante de la rue face à une austérité accusée d'épargner les riches et les puissants. Le journaliste a été brièvement arrêté et relâché dimanche par la police.
Une polémique a éclaté ces derniers mois en Grèce sur une liste, transmise en 2010 au gouvernement grec par l’ancienne ministre française des Finances Christine Lagarde, aujourd’hui patronne du FMI, incluant des noms des détenteurs grecs de comptes sur la banque suisse HSBC et dont les autorités grecques n’ont rien fait depuis deux ans. «Au lieu de lutter contre les crimes des fraudeurs du fisc, la justice s’occupe de moi alors que j’ai fait mon devoir, mon devoir de transparence», avait déclaré à la presse M. Vaxevanis dimanche. Il accuse l’Etat grec d’hypocrisie et affirme que le système judiciaire est soumis à un système politique corrompu.
La liste publiée par M. Vaxevanis, qu’il affirme être ce que la presse a surnommé la «liste de Lagarde» comprend des entrepreneurs, avocats, armateurs, médecins, commerçants, joailliers, anciens hommes politiques ou leurs proches, mais aussi des «femmes au foyer», des étudiants et de nombreuses «sociétés domiciliées».
Pressions sur la presse
En France, une affaire similaire a eu lieu en 2009 lorsque la justice française avait reçu des fichiers équivalents issus de documents subtilisés par un employé de HSBC, sur la base desquels des fraudeurs français ont subi un redressement fiscal, mais dans la plus grande discrétion. A la suite d’une mini-crise entre Paris et Berne concernant cette liste, les fichiers initialement volés par un employé ont finalement été restitués à la Suisse, mais auparavant la France les avait transmis, courant 2010, à d’autres pays, dont la Grèce. M. Vaxevanis a affirmé l’avoir obtenue via une lettre anonyme dont l’expéditeur avait indiqué l’avoir reçue d’un homme politique.
La diligence affichée par la police dimanche lors de son arrestation, dans un pays où la lenteur de la justice est proverbiale, a troublé de nombreux commentateurs. «Le gouvernement grec ne peut pas divorcer des principes européens qu’il s’est engagé à soutenir, et les journalistes doivent avoir le droit de faire leur métier sans peur de représailles», a déclaré Nina Ognianova, coordinatrice du Comité de Protection des Journalistes (CPJ) pour l’Europe et l’Asie centrale dans un communiqué.
Récemment, le gouvernement grec de coalition dirigé par le conservateur Antonis Samaras, sous le feu des critiques pour les nouvelles mesures d’austérité qu’il s’apprête à prendre sous la pression des créanciers du pays, UE et FMI, a accru ses pressions sur la presse. Le ministre de l’Ordre public, Nikos Dendias, a ainsi publiquement envisagé en début de semaine de poursuivre le quotidien britannique The Guardian pour avoir publié «sans preuve», selon lui, des allégations de militants anti-racistes affirmant qu’ils avaient été victimes de sévices policiers. Et deux animateurs de talk shows ont été renvoyés la semaine dernière par la chaîne de télévision publique pour avoir publiquement critiqué M. Dendias dans cette affaire.
MCD-APL
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