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samedi 17 novembre 2012

Notre Dame des Landes : Jour de colère...

Notre-Dame-Des-Landes: 30.000 manifestants contre l'aéroport


AMENAGEMENT - Les manifestants protestaient contre le projet d'aéroport près de Nantes...

Succès pour les organisateurs. 30.000 manifestants sont venus samedi pour l'opération de «réoccupation» de la zone de construction du futur aéroport et ont investi les rues du petit village de Notre-Dame-des-Landes (Loire Atlantique), a-t-on constaté sur place.

«Une opération symbolique de résistance»

A 13h30, les organisateurs, qui avaient tablé sur 10.000 participants, ont avancé le chiffre de 30.000 en fin de journée.
Aucun accès au lieu de la manifestation n'a été bloqué et aucun gendarme mobile ne se trouve sur le site. «Un dispositif de gestion de la circulation a simplement été mis en place», selon la préfecture. Les organisateurs ont annoncé à la préfecture que la manifestation devait s'achever vers 17 heures. «C'est une opération symbolique de résistance sur le terrain», a déclaré à Sipa un des représentants de l'organisation de la manifestation. Les milliers de personnes vont converger vers la ZAD (zone d'aménagement différé) avec pour objectif d'y reconstruire des habitations.
Aura médiatique
Plusieurs tracteurs côtoient les manifestants dans une ambiance bon enfant, et tirent des bennes contenant des matériaux, palettes de bois, pneus, taule, censés être utilisés pour la réoccupation de la ZAD. "Reconstruire ensemble pour résister ensemble", précise un communiqué du groupe organisateur. «C'est une action positive de réappropriation, un tremplin pour la lutte contre l'aéroport», a déclaré Dominique Fresneau, un des porte-parole de l''Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport (ACIPA).
Une centaine de manifestants sont venus du Larzac pour soutenir l'initiative. «C'est un juste retour de solidarité», sourit Pierrot, 72 ans, arborant un autocollant Larzac sur son bonnet. Il faisait partie des «résistants» du Larzac dans les années 70 et est venu à Notre-Dame-des-Landes pour dénoncer l'accaparement «des terres paysannes pour une histoire de fric».
A 23 ans, Marie, étudiante à Rennes, est venue pour «montrer qu'il y a énormément de gens qui soutiennent les personnes qui se font expulser de chez eux», parlant de «sacrifices humains». Initié dans les années 70, le projet de nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, fait face à une opposition politique diverse, et pas seulement locale. Ses détracteurs dénoncent sont impact écologique, le coût économique trop élevé, et un projet d'aéroport inutile.

La bataille de "Notre-Dame-des-Colères



L'une des nombreuses manifestations contre le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, dont les travaux doivent commencer en 2013. Ici, à Paris, le 10 novembre 2012.

Le rendez-vous est crucial. Le point d'orgue de mois de mobilisation contre le projet du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, au nord de Nantes, qui va détruire une importante zone naturelle. Samedi 15 novembre, des milliers de personnes viendront manifester sur le site de "Notre-Dame-des-Colères". Ce rassemblement dépasse largement les enjeux locaux. Des cars convergeront de la France entière vers le doux bocage nantais, de la Bretagne voisine, de Provence, de l'Aveyron et du Larzac, fief de José Bové, très engagé dans la mobilisation.
Les Bretons viennent pester contre le dossier des algues vertes et de l'élevage intensif. Mais il y aura aussi nombre d'ONG, comme la Ligue de protection des oiseaux, Greenpeace, les anti-nucléaires, Droit au logement, Attac et les altermondialistes, sans oublier le "Partit occitan" : "Gardaretz NDDL !", proclame-t-il l en écho au "Gardarem lou Larzac" des années 1970.
En clair, Notre-Dame-des-Landes est devenu un symbole, le réceptacle de toutes les colères contre le gouvernement de François Hollande, dont les six premiers mois n'ont pas satisfait. Les politiques seront donc aussi de la partie, à l'instar de Jean-Luc Mélenchon, leader du Parti de gauche, Jean-Luc Bennahmias (Modem), le sénateur écologiste Jean-Vincent Placé, Pascal Durand, secrétaire national d'Europe-Ecologie-Les-Verts et beaucoup d'autres élus.
Quelques-uns d'entre eux devaient d'ailleurs être sur place dès vendredi. Mais ils ne seront pas forcément les bienvenus. En juillet 2011, Cécile Duflot, aujourd'hui ministre du logement du gouvernement Hollande, avait expliqué sur place qu'il n'y aurait pas d'accord avec le Parti socialiste si le projet n'était pas abandonné ! Sa promesse, qui a fait long feu, est restée dans toutes les mémoires.
BÂTIMENTS EN KIT
Les organisateurs le savent : ils doivent réussir une démonstration de force pacifique. Tous en ont parlé longuement. L'agression violente, mardi, d'un vigil employé par Vinci, gestionnaire du futur aéroport, pour surveiller l'une des maisons vouées à la destruction, a divisé. L'Acipa (Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes) a condamné cet acte. Sans exclure toutefois, comme les "zadistes" – les occupants de la ZAD (Zone d'aménagement différé, qui représente le périmètre du futur aéroport mais appelée depuis "zone à défendre" – qu'il puisse s'agir d'une provocation de Vinci ou de la police. Une enquête est en cours.
Après avoir protégé leurs cabanes, leurs maisons ou leurs caravanes disséminées dans le bocage nantais, détruites récemment par les forces de l'ordre, les opposants veulent, samedi, reconquérir le terrain. Et reconstruire.
Tout a été minutieusement préparé. Les bâtiments en kit sont prêts et n'attendent que d'être assemblés : un grand hangar pour accueillir les réunions, une cuisine, des toilettes, une salle d'informatique, etc. Un collectif de vie en somme.
Les "écoguerriers" sont prêts. On les surnomme les "Camille", car, qu'ils vivent dans une cabane perchée dans les arbres ou dans une maison abandonnée, qu'ils aient 20 ans à peine ou plus, garçon ou fille, tous se font appeler "Camille". Ils dissimulent souvent leur visage derrière une cagoule ou un foulard par méfiance vis-à-vis des médias, de la police. Mais derrière ces masques se cache aussi la volonté de se fondre dans un collectif soudé contre le "système".
Samedi, les tracteurs chargés du matériel ouvriront le cortège. Un choix destiné à montrer l'union entre les agriculteurs hostiles depuis de longues années au futur aéroport et des "anti", souvent militants bons enfants installés depuis deux ou trois ans dans le bocage. Sont venus récemment se joindre à eux des habitués des manifestations, moins hostiles à l'usage de la violence. Et qui viennent "faire bénéficier" de leur savoir-faire acquis lors des sommets des G20 ou des actions contre les convois de déchets nucléaires.
"ÉCOGUERRIERS ET ANARCHO-LIBERTAIRES"
Les affrontements des dernières semaines entre gendarmes mobiles, dont plusieurs centaines sont présents sur place, et opposants, ont inquiété les élus locaux. Beaucoup, adhérents du CeDpa – le Collectif d'élus doutant de la pertinence de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui réunit un millier de personnes –, ne seront pas présents samedi par crainte d'actions illégales.
Cette peur que la manifestation ne dégénère est partagée par les autorités. Qu'un incident grave survienne, que le scénario du pire arrive avec, comme lors de la manifestation de Creys-Malville contre la construction d'une centrale nucléaire en 1978, un mort chez les militants, et le gouvernement serait confronté à une crise.
La préfecture, qui a diligenté, depuis le 15 octobre, l'opération César visant à expulser les occupants illégaux des terrains où doivent commencer prochainement les premiers travaux de construction de l'aéroport, le sait. "Nous ne prévoyons pas de dispositif important aux abords mêmes de la manifestation", avance Patrick Lapouze , le directeur du cabinet du préfet. Et si des maisons devaient être reconstruites samedi, il est probable que la préfecture attendra quelques jours, que le gros des troupes soit reparti, pour les démonter.
La stratégie est claire : éviter les incidents graves et continuer de tenter de diviser le front des opposants entre ce que le préfet, Christian de Lavernée, appelle "les activistes écoguerriers et anarcho-libertaires" et "l'opposition institutionnelle".
Une brigade de "copwatchers" pour surveiller la police Inspirés du mouvement américain Copwatch, une trentaine de militants, proches des principes de la désobéissance civile, entendent surveiller pendant deux jours les forces de l'ordre chargées d'encadrer la manifestation de Notre-Dame-des-Landes et capter les images d'éventuels affrontements. La brigade se composera d'"une première équipe qui filmera les policiers et d'une deuxième qui filmera les militants filmant les policiers ". Ces militants d'un nouveau genre seront vêtus d'uniformes et équipés de caméras professionnelles. Les organisateurs, qui revendiquent un "combat politique et pacifiste pour réformer la police et mettre fin à son impunité", diffuseront leurs images sur un site créé pour l'occasion et baptisé Copwatch.

  A Notre-Dame-des-Landes, le coup de force des élus opposés à l'"Ayraultport"


Ouverture d'une habitation dont Vinci est le propriétaire par des représentants élus.

 En quelques attaques au pied de biche, les volets métalliques et le panneau en contreplaqué d'une maison condamnée du hameau de La Grande Haie, à quelques kilomètres de Notre-Dame-des-Landes, ont sauté.

Vendredi 16 novembre, à midi, le bonnet vissé sur la tête, José Bové, député européen Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et spécialiste es-démontage de Mac Do dans le Larzac, accompagné d'une bonne vingtaine de parlementaires, de députés européens, et de quelques élus locaux, principalement écologistes, a "libéré" une maison, propriété de Vinci, vide depuis deux ans et située dans la zone de délaissement, car exposée aux nuisances sonores du projet de futur aéroport au nord de Nantes.
Cette initiative, à la veille de la manifestation qui devrait réunir des milliers de personnes venues de la France entière, devait permettre aux écologistes de dire haut et fort leur opposition à un projet porté par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, gouvernement auquel ils participent.
"FORTE DIVERGENCE"
Un grand écart qui ne gêne pas les squatters d'un jour. "Notre-Dame-des-Landes était déjà une forte divergence avec les socialistes quand nous étions dans l'opposition, avance Jean-Vincent Placé, sénateur EELV, chaussé de bottes en caoutchouc flambant neuves, achetées la veille pour affronter les boues du bocage nantais. Le fait que nous soyons ensemble au gouvernement, aujourd'hui, montre que nous sommes capables de participer à la majorité et de continuer à combattre un projet que nous condamnons. "
Des solutions existent, dit-il. "L'intelligence, n'est pas de reculer ou de céder, ajoute M. Placé. Nous voulons sauver la face du premier ministre. Il faut donc nommer un médiateur." Sur le terrain, alors que les "manifestants" piquent-niquent dans la froideur de ce jour brumeux, les critiques contre le projet d'aéroport et l'entêtement du gouvernement fusent. "C'est une absurdité écologique, alors que le gouvernement dit qu'il faut lutter contre le réchauffement climatique et l'artificialisation des sols", proclame Martine Billard, ex-députée du Parti de gauche. "Ce projet est d'un autre siècle, incohérent économiquement et écologiquement ", professe aussi Jean-Luc Bennahmias, eurodéputé, vice-président du Modem, passé par les Verts.

José Bové et  Jean-Vincent Placé retirent un panneau en bois posé sur une maison abandonnée, dans la zone du projet d'aéroport.


Noël Mamère se montre, lui, plus inquiet. "Avec ce projet, les hésitations sur le gaz de schiste, le comité de pilotage sur la transition énergétique qui, par sa composition, clôt le débat, manifester ici, c'est plus qu'un signal d'alarme, explique le député EELV. Quand on était dans l'arrière-boutique, les divergences avec les autres partis de gauche ne se voyaient pas trop ; maintenant qu'on est en vitrine, cela peut devenir un problème politique, il faut un vrai débat, vite, avec nos partenaires et entre nous."
En début d'après-midi, les parlementaires ont regagné leur autocar pour rejoindre l'aéroport de Nantes Atlantique. Françoise Verchère, conseillère générale de Loire-Atlantique, Parti de gauche, ex-socialiste et ex-maire de Bouguenais, commune sur laquelle se trouve l'actuel aéroport, leur montrera comment on peut améliorer sa capacité d'accueil. Et ce, afin de signifier l'inutilité du projet de l' "Ayraultport", nom donné par les opposants au chantier de Notre-Dame-des-Landes.

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