Notre-Dame-Des-Landes: 30.000 manifestants contre l'aéroport
AMENAGEMENT - Les manifestants protestaient contre le projet d'aéroport près de Nantes...
Succès pour les organisateurs. 30.000 manifestants sont venus samedi pour l'opération de «réoccupation» de la zone de construction du futur aéroport et ont investi les rues du petit village de Notre-Dame-des-Landes (Loire Atlantique), a-t-on constaté sur place.«Une opération symbolique de résistance»
A 13h30, les organisateurs, qui avaient tablé sur 10.000 participants, ont avancé le chiffre de 30.000 en fin de journée.Aucun accès au lieu de la manifestation n'a été bloqué et aucun gendarme mobile ne se trouve sur le site. «Un dispositif de gestion de la circulation a simplement été mis en place», selon la préfecture. Les organisateurs ont annoncé à la préfecture que la manifestation devait s'achever vers 17 heures. «C'est une opération symbolique de résistance sur le terrain», a déclaré à Sipa un des représentants de l'organisation de la manifestation. Les milliers de personnes vont converger vers la ZAD (zone d'aménagement différé) avec pour objectif d'y reconstruire des habitations.
Aura médiatique
Plusieurs tracteurs côtoient les manifestants dans une ambiance bon enfant, et tirent des bennes contenant des matériaux, palettes de bois, pneus, taule, censés être utilisés pour la réoccupation de la ZAD. "Reconstruire ensemble pour résister ensemble", précise un communiqué du groupe organisateur. «C'est une action positive de réappropriation, un tremplin pour la lutte contre l'aéroport», a déclaré Dominique Fresneau, un des porte-parole de l''Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d'aéroport (ACIPA).
Une centaine de manifestants sont venus du Larzac pour soutenir l'initiative. «C'est un juste retour de solidarité», sourit Pierrot, 72 ans, arborant un autocollant Larzac sur son bonnet. Il faisait partie des «résistants» du Larzac dans les années 70 et est venu à Notre-Dame-des-Landes pour dénoncer l'accaparement «des terres paysannes pour une histoire de fric».
A 23 ans, Marie, étudiante à Rennes, est venue pour «montrer qu'il y a énormément de gens qui soutiennent les personnes qui se font expulser de chez eux», parlant de «sacrifices humains». Initié dans les années 70, le projet de nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, fait face à une opposition politique diverse, et pas seulement locale. Ses détracteurs dénoncent sont impact écologique, le coût économique trop élevé, et un projet d'aéroport inutile.
La bataille de "Notre-Dame-des-Colères
Le rendez-vous est
crucial. Le point d'orgue de mois de mobilisation contre le projet du futur
aéroport de Notre-Dame-des-Landes, au nord de Nantes, qui va détruire une
importante zone naturelle. Samedi 15 novembre, des milliers de personnes
viendront manifester sur le site de "Notre-Dame-des-Colères".
Ce rassemblement dépasse largement les enjeux locaux. Des cars convergeront de
la France entière vers le doux bocage nantais, de la Bretagne voisine, de
Provence, de l'Aveyron et du Larzac, fief de José Bové, très engagé dans la
mobilisation.
Les Bretons viennent
pester contre le dossier des algues vertes et de l'élevage intensif. Mais il y
aura aussi nombre d'ONG, comme la Ligue de protection des oiseaux, Greenpeace,
les anti-nucléaires, Droit au logement, Attac et les altermondialistes, sans
oublier le "Partit occitan" : "Gardaretz
NDDL !", proclame-t-il l en écho au "Gardarem lou Larzac" des
années 1970.
En clair,
Notre-Dame-des-Landes est devenu un symbole, le réceptacle de toutes les
colères contre le gouvernement de François Hollande, dont les six premiers mois
n'ont pas satisfait. Les politiques seront donc aussi de la partie, à l'instar
de Jean-Luc Mélenchon, leader du Parti de gauche, Jean-Luc Bennahmias (Modem),
le sénateur écologiste Jean-Vincent Placé, Pascal Durand, secrétaire national
d'Europe-Ecologie-Les-Verts et beaucoup d'autres élus.
Quelques-uns d'entre eux
devaient d'ailleurs être sur place dès vendredi. Mais ils ne seront pas
forcément les bienvenus. En juillet 2011, Cécile Duflot, aujourd'hui ministre
du logement du gouvernement Hollande, avait expliqué sur place qu'il n'y aurait
pas d'accord avec le Parti socialiste si le projet n'était pas abandonné ! Sa
promesse, qui a fait long feu, est restée dans toutes les mémoires.
BÂTIMENTS EN KIT
Les organisateurs le
savent : ils doivent réussir une démonstration de force pacifique. Tous en ont
parlé longuement. L'agression violente, mardi, d'un vigil employé par Vinci,
gestionnaire du futur aéroport, pour surveiller l'une des maisons vouées à la destruction,
a divisé. L'Acipa (Association citoyenne intercommunale des populations
concernées par le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes) a condamné cet
acte. Sans exclure toutefois, comme les "zadistes" – les occupants de
la ZAD (Zone d'aménagement différé, qui représente le périmètre du futur
aéroport mais appelée depuis "zone à défendre" – qu'il puisse s'agir
d'une provocation de Vinci ou de la police. Une enquête est en cours.
Après avoir protégé leurs
cabanes, leurs maisons ou leurs caravanes disséminées dans le bocage nantais,
détruites récemment par les forces de l'ordre, les opposants veulent, samedi,
reconquérir le terrain. Et reconstruire.
Tout a été minutieusement
préparé. Les bâtiments en kit sont prêts et n'attendent que d'être assemblés :
un grand hangar pour accueillir les réunions, une cuisine, des toilettes, une
salle d'informatique, etc. Un collectif de vie en somme.
Les
"écoguerriers" sont prêts. On les surnomme les "Camille",
car, qu'ils vivent dans une cabane perchée dans les arbres ou dans une maison
abandonnée, qu'ils aient 20 ans à peine ou plus, garçon ou fille, tous se font
appeler "Camille". Ils dissimulent souvent leur visage derrière une
cagoule ou un foulard par méfiance vis-à-vis des médias, de la police. Mais
derrière ces masques se cache aussi la volonté de se fondre dans un collectif
soudé contre le "système".
Samedi, les tracteurs
chargés du matériel ouvriront le cortège. Un choix destiné à montrer l'union
entre les agriculteurs hostiles depuis de longues années au futur aéroport et
des "anti", souvent militants bons enfants installés depuis deux ou
trois ans dans le bocage. Sont venus récemment se joindre à eux des habitués
des manifestations, moins hostiles à l'usage de la violence. Et qui viennent "faire bénéficier" de leur
savoir-faire acquis lors des sommets des G20 ou des actions contre les convois
de déchets nucléaires.
"ÉCOGUERRIERS
ET ANARCHO-LIBERTAIRES"
Les affrontements des
dernières semaines entre gendarmes mobiles, dont plusieurs centaines sont
présents sur place, et opposants, ont inquiété les élus locaux. Beaucoup,
adhérents du CeDpa – le Collectif d'élus doutant de la pertinence de l'aéroport
de Notre-Dame-des-Landes qui réunit un millier de personnes –, ne seront pas
présents samedi par crainte d'actions illégales.
Cette peur que la
manifestation ne dégénère est partagée par les autorités. Qu'un incident grave
survienne, que le scénario du pire arrive avec, comme lors de la manifestation
de Creys-Malville contre la construction d'une centrale nucléaire en 1978, un
mort chez les militants, et le gouvernement serait confronté à une crise.
La préfecture, qui a
diligenté, depuis le 15 octobre, l'opération César visant à expulser les
occupants illégaux des terrains où doivent commencer prochainement les premiers
travaux de construction de l'aéroport, le sait. "Nous ne prévoyons pas de dispositif important aux abords mêmes
de la manifestation", avance Patrick Lapouze , le directeur du cabinet du préfet. Et si des maisons
devaient être reconstruites samedi, il est probable que la préfecture attendra
quelques jours, que le gros des troupes soit reparti, pour les démonter.
La stratégie est claire :
éviter les incidents graves et continuer de tenter de diviser le front des
opposants entre ce que le préfet, Christian de Lavernée, appelle "les activistes écoguerriers et
anarcho-libertaires" et "l'opposition
institutionnelle".
Rémi Barroux
A Notre-Dame-des-Landes, le coup de force des élus opposés à l'"Ayraultport"
En quelques attaques au pied de biche, les volets métalliques et le panneau en contreplaqué d'une maison condamnée du hameau de La Grande Haie, à quelques kilomètres de Notre-Dame-des-Landes, ont sauté.
Vendredi 16 novembre, à
midi, le bonnet vissé sur la tête, José Bové, député européen Europe
Ecologie-Les Verts (EELV) et spécialiste es-démontage de Mac Do dans le Larzac,
accompagné d'une bonne vingtaine de parlementaires, de députés européens, et de
quelques élus locaux, principalement écologistes, a "libéré" une maison, propriété de Vinci, vide
depuis deux ans et située dans la zone de délaissement, car exposée aux
nuisances sonores du projet de futur aéroport au nord de Nantes.
Cette initiative, à la
veille de la manifestation qui devrait réunir des milliers de personnes venues
de la France entière, devait permettre aux écologistes de dire haut et fort
leur opposition à un projet porté par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault,
gouvernement auquel ils participent.
"FORTE
DIVERGENCE"
Un grand écart qui ne gêne
pas les squatters d'un jour. "Notre-Dame-des-Landes
était déjà une forte divergence avec les socialistes quand nous étions dans
l'opposition, avance Jean-Vincent Placé, sénateur EELV, chaussé de
bottes en caoutchouc flambant neuves, achetées la veille pour affronter les
boues du bocage nantais. Le fait que nous
soyons ensemble au gouvernement, aujourd'hui, montre que nous sommes capables
de participer à la majorité et de continuer à combattre un projet que nous
condamnons. "
Des solutions existent,
dit-il. "L'intelligence, n'est pas
de reculer ou de céder, ajoute M. Placé. Nous voulons sauver la face du premier ministre.
Il faut donc nommer un médiateur." Sur le terrain, alors que
les "manifestants"
piquent-niquent dans la froideur de ce jour brumeux, les critiques contre le
projet d'aéroport et l'entêtement du gouvernement fusent. "C'est une absurdité écologique, alors que le
gouvernement dit qu'il faut lutter contre le réchauffement climatique et
l'artificialisation des sols", proclame Martine Billard,
ex-députée du Parti de gauche. "Ce
projet est d'un autre siècle, incohérent économiquement et
écologiquement ", professe aussi Jean-Luc Bennahmias,
eurodéputé, vice-président du Modem, passé par les Verts.
Noël Mamère se montre,
lui, plus inquiet. "Avec ce projet,
les hésitations sur le gaz de schiste, le comité de pilotage sur la transition
énergétique qui, par sa composition, clôt le débat, manifester ici, c'est plus
qu'un signal d'alarme, explique le député EELV. Quand on était dans l'arrière-boutique, les
divergences avec les autres partis de gauche ne se voyaient pas trop ;
maintenant qu'on est en vitrine, cela peut devenir un problème politique, il
faut un vrai débat, vite, avec nos partenaires et entre nous."
En début d'après-midi, les
parlementaires ont regagné leur autocar pour rejoindre l'aéroport de Nantes
Atlantique. Françoise Verchère, conseillère générale de Loire-Atlantique, Parti
de gauche, ex-socialiste et ex-maire de Bouguenais, commune sur laquelle se
trouve l'actuel aéroport, leur montrera comment on peut améliorer sa capacité
d'accueil. Et ce, afin de signifier l'inutilité du projet de l' "Ayraultport", nom donné par
les opposants au chantier de Notre-Dame-des-Landes.
Rémi
Barroux - Notre-Dame-des-Landes
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