« Repenser le modèle de développement »
Jean-Louis Galzin, responsable du dossier développement durable à la Ligue des droits de l'Homme, envisage les actions possibles face aux urgences actuelles, environnementales, mais aussi économiques, sociales, politiques, et qui nécessitent d'être débattues avec la société grâce à une démocratie représentative renforcée.
"Au plan agricole comme dans le domaine de la production industrielle, la tendance actuelle n'est pas durable", affirme Jean-Louis Galzin |
Jean-Louis Galzin : La "révolution verte" a sans nul doute permis - mais à quel prix ! - de nourrir la planète jusqu'à ce jour. Il est possible aujourd'hui de revenir sur certains excès tels que la consommation excessive d'intrants ou la pratique de la monoculture, sans altérer notablement les rendements.
La perspective de 9 milliards d'êtres humains en 2050 demandera probablement à la fois la remise en culture de terres non cultivées aujourd'hui et un changement important des habitudes alimentaires, notamment des pays développés. On retrouve là, au niveau du domaine agricole, l'équation impossible d'un "développement" à l'occidentale généralisé à l'ensemble de la planète. La production agricole, essentielle pour les pays pauvres, doit être orientée dans le sens de la durabilité et donc vers la recherche d'une certaine indépendance alimentaire grâce aux cultures vivrières, aux dépens de l'idée répendue de l'avantage comparatif des monocultures d'exportation.
Pour un développement durable, comment prendre en compte le respect des êtres humains et de l'environnement ?
J-L G : Au plan agricole comme dans le domaine de la production industrielle, la tendance actuelle n'est pas durable : ni au plan des ressources consommées, ni au plan des dégâts environnementaux produits (pollution, gaz à effet de serre, biodiversité…). Le droit à un environnement sain doit être couplé avec le respect, partout dans le monde, des principes du droit du travail et des droits de l'homme dans les entreprises avec notamment le non-travail des enfants, la non-discrimination hommes/femmes, les conditions de travail…
Il est indispensable d'agir pour une application sans faille des normes de travail couplée avec une transparence des entreprises tant sur leur responsabilité sociétale, que sur les informations sur leurs produits (pesticides notamment). Le « reporting RSE »(1) est un des domaines où, volontairement (Global Reporting Initiative, ou GRI) ou réglementairement (loi Grenelle 2 en France), la transparence peut progresser sur l'activité de l'entreprise, ses impacts sur les ressources et les milieux naturels, et le type de relations qu'elle entretient avec ses parties prenantes majeures (ses salariés et les habitants des territoires où elle est implantée).
Pourquoi le progrès ne fait-il plus rêver ?
J-L G : Si le progrès ne fait plus rêver aujourd'hui, c'est parce qu'il n'a plus, pour beaucoup, un contenu émancipateur, mais le sens d'une dépendance de plus en plus grande envers les biens et la technologie. Redonner un sens au progrès, cela veut dire permettre à la société tout entière de le repenser dans les contraintes et la finitude de notre planète ; et dans ce cadre, qui mieux que le monde agricole peut nous donner le sens de la mesure et de la durabilité ? Pour le respect de la biodiversité, pour l'utilisation raisonnée des terres par exemple. Encore faudrait-il que le système économique ne le pousse pas sur la pente d'un productivisme fou !
La société civile doit disposer des moyens de comprendre et de participer aux débats. Et l'application du principe de précaution peut permettre, lorsque des dangers ou des incertitudes existent pour l'environnement ou la santé, de donner à la société le temps nécessaire du débat et de la controverse avant d'accepter tel produit OGM ou tel pesticide, tel procédé de forage ou telle application des nanomatériaux. Par ailleurs, il serait intéressant que les citoyens disposent de l'équivalent de l'OPECST, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques, ce qui permettrait une meilleure diffusion des savoirs, ainsi qu'une discussion démocratique des risques scientifiques et technologiques, et ce qui contribuerait, sinon à les diminuer, du moins à les objectiver. L'HAEA (Haute autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement), proposée récemment par la sénatrice Marie-Christine Blandin, pourrait être cette structure de support à la société civile et aux lanceurs d'alerte.
Ligue des Droit de l'Homme Section du Diois
Chastel 26150; Die
(1) Reporting RSE : manière dont une entreprise prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité. Une consultation du publique sur ce thème a été lancée le 12 novembre.
Pour aller plus loin :
« Face à l'urgence écologique, changer d'ère » de Jean-Louis Galzin paru dans l'ouvrage « Un autre avenir ? » de la Ligue des droits de l'Homme, paru en avril 2012 aux Editions La Découverte.
« Face à l'urgence écologique, changer d'ère » de Jean-Louis Galzin paru dans l'ouvrage « Un autre avenir ? » de la Ligue des droits de l'Homme, paru en avril 2012 aux Editions La Découverte.
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