Notre-Dame-des-Landes: Une «commission de dialogue»
ou de discorde?
Manifestation contre le
projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le 17 novembre 2012. FABRICE
ELSNER
ENVIRONNEMENT - Les opposants au projet d'aéroport sont pour la
plupart méfiants face à la commission promise par le Premier ministre...
Un dialogue qui pourrait
être un monologue: c’est ce que redoutent les opposants au projet d’aéroport de
Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique, au lendemain de l’annonce par le
Premier ministre de la création d’une «commission de dialogue». Destinée à
«exposer ce projet et entendre toutes les parties prenantes», la commission n’a
toutefois pas convaincu les opposants du bien-fondé de la construction d’un
nouvel aéroport dans la métropole nantaise.
Dialogue ou explication de texte?
Pour Dominique Fresneau,
président de l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées
par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Acipa), «le Premier ministre
veut amener des mesures d’apaisement alors que c’est lui qui a allumé des
incendies partout», déclarait-t-il après les violents affrontements entre
militants anti-aéroport et forces de l’ordre ce samedi. «M.Ayrault peut
toujours se comporter en pompier aujourd’hui mais s’il veut revenir à la discussion,
il va falloir que l’apaisement soit réel sur le terrain et qu’il n’y ait plus
de forces de police à Notre-Dame-des-Landes.» Choqué par la répression qui a eu
lieu sur le site du futur aéroport et devant la préfecture à Nantes, Dominique
Fresneau estime qu’il faut d’abord «panser et compter nos blessés, et on verra
après quel mode de discussion on pourra adopter».
Le dialogue semble donc
mal parti entre des opposants qui se posent désormais en victimes et un
gouvernement inflexible, comme l’a rappelé le ministre de l'Intérieur, Manuel
Valls, qui estime que le dialogue doit se faire «sans conditions». Pour l’avocat
spécialisé en droit de l’environnement Arnaud Gossement, on est très loin du
«dialogue environnemental» promis par le chef de l’Etat lors de la conférence
environnementale de septembre dernier: «Le Premier ministre a donc annoncé
la mise en place d'une "commission du dialogue" qui n'a aucunement
pour objet d'entretenir un dialogue mais bien celui de confirmer une décision
déjà prise par le Premier ministre lui-même», écrit l’avocat. «A quoi servira
cette "commission du dialogue"? A deux choses: "exposer" et
"entendre". Elle n'a donc nullement pour but le dialogue mais
l'explication de texte.»
Des solutions pour sortir de l’impasse
La porte-parole du
gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a d’ailleurs déclaré ce dimanche que le
rôle de la commission se limiterait à «exposer
à toutes les parties prenantes la réalité des travaux réalisés, de leur impact
sur la biodiversité» et qu'il ne s'agissait «aucunement de revenir sur le
projet d'aéroport». Les écologistes du gouvernement, qui ont applaudi dans un
premier temps la création de cette commission, ne sont pas dupes: le
co-président du groupe Europe-Ecologie-Les Verts à l’Assemblée nationale, le député
François de Rugy, a reconnu que «bien sûr, nous n'avons pas compris que cette
commission de dialogue signifiait l'arrêt pur et simple du projet». Il espère
néanmoins que ce ne soit pas «une commission de propagande». La Confédération
paysanne a pour sa part averti qu’elle était prête à dialoguer «mais sur les
modalités d'arrêt du projet, pas sur un moindre impact écologique comme ils le
souhaitent», a déclaré Cyril Bouliguand.
Comment sortir de l’impasse?
La députée européenne
Corinne Lepage (Cap21) estime qu’il faut «inventer pour ce projet une modalité
totalement nouvelle de prise de décision. Cela impliquerait de la part du
gouvernement qu’il accepte de geler cette décision, c’est-à-dire éventuellement
de la remettre en cause, à l’issue du débat national, ou au moins régional, qui
serait organisé». L’euro-député écologiste Daniel Cohn-Bendit appelle lui à
«prendre exemple sur le conflit qui a eu lieu il y a deux ans en Allemagne à
propos de l’enfouissement de la gare de Stuttgart»: «Devant la virulence des
manifestations, l’ancien ministre-président du Land Bade-Wurtemberg, qui était
de droite, a nommé un médiateur, qui était reconnu par les deux parties. Il a
organisé un débat public pendant trois semaines, retransmis par la télévision
locale. Et proposé un référendum.»
Le Parlement européen à la rescousse
En attendant
l’instauration d’une véritable concertation, voire d’un vote, plusieurs
recours contre le projet d’aéroport sont en cours d’instruction. La pétition
déposée par deux associations auprès du Parlement européen pour non-respect de
plusieurs directives européennes (notamment sur l’évaluation des impacts sur
l’environnement, sur l’eau, les directives «oiseaux» et «habitats»), aurait des
chances d’aboutir. Mais d’ici là, les opposants aimeraient un moratoire sur le
projet qui soit plus convaincant que la seule promesse du gouvernement de ne
procéder à aucun défrichement avant six mois.
Audrey Chauvet
En décidant de faire un geste envers les opposants
au projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), le
gouvernement a placé Europe Ecologie-Les Verts (EELV) dans une position de force,
car il la demandait depuis 40 jours. Eux qui réclamaient depuis des jours
la nomination d'un médiateur "pour
faire baisser la pression" n'ont pu que se réjouir de
l'annonce, samedi, de la mise en place d'une "commission
du dialogue". "Une
excellente nouvelle", avait salué dans la foulée Jean-Philippe
Magnen, porte-parole du parti dans un communiqué.
Trois jours plus tard, les
associations réclament comme préalable au dialogue le départ des forces de
l'ordre du site de Notre-Dame-des-Landes. Une demande sur laquelle EELV s'est
aussi engagée mardi lors d'une
conférence de presse organisée au siège du parti en présence de plusieurs responsables
d'EELV. Après avoir salué les annonces de ce week-end, Pascal Durand, le Président
des écologistes, a "regretté –
et c'est un euphémisme – que les opérations policières ne soient pas
arrêtées". "C'est
une évidence qu'en démocratie il ne peut pas y avoir de dialogue dès lors qu'il
y a des violences sur le terrain", a-t-il ajouté avant de
marteler : "Il faut que les forces
de police se retirent de la zone !"
"Propos
regrettables"
M. Durand, qui doit être
reçu mercredi par François Hollande dans le cadre des consultations sur la
réforme des institutions, a écrit au chef de l'Etat pour lui demander que le
sujet de Notre-Dame-des-Landes soit abordé lors de cette rencontre. La partie
s'annonce d'autant plus serrée que la porte-parole du gouvernement, Najat
Vallaud-Belkacem, comme celle du Parti socialiste, Frédérique Espagnac, ont
toutes deux répété bêtement depuis que l'aéroport se fera même contre les
populations.
"Des propos
regrettables" pour François
de Rugy, coprésident des députés écologistes : "Quand on veut mettre en
place une médiation, on ne commence pas par dire qu'on en connaît déjà la
fin." Mais les écologistes veulent malgré tout
croire à l'utilité de la commission.
"Il faut rester
sur la communication de Jean-Marc Ayrault, a plaidé Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique. Dans son communiqué de samedi, il souligne que
'des interrogations subsistent'. C'est un
mot d'ouverture." "Nous ce qu'on souhaite, c'est que les
arguments objectifs soient posés, glisse Yannick Jadot, député
européen. Et nous n'avons aucun doute sur
le fait que les irrationalités du projet vont apparaître." "Si la commission du dialogue aboutit à
la conclusion que l'aéroport n'est pas pertinent, j'espère que le gouvernement
en tirera les conclusions", veut également croire M.
Magnen.
Composition de la
commission ?
En attendant, les
écologistes restent vigilants sur cette commission dont ni la feuille de
route, ni la composition n'ont encore été dévoilées trois jours après l'annonce
de sa création. "Les personnalités
choisies seront un signe de crédibilité de la démarche", a
prévenu M. de Rugy, qui avait mis en garde dès dimanche contre la tentation
d'en faire "une commission de
propagande" comme le PS sait si bien en meettre en place.
"On est très
attentif à la composition et au cahier de route de la commission", a renchéri José Bové, député européen. "Comment elle va travailler ? Avec des
auditions ? Est-ce qu'on se donne du temps ? C'est important de ne pas avoir de
date butoir", a aussi ajouté l'ancien leader de la
Confédération paysanne. Honnête, M. Magnen a précisé qu'EELV, "qui n'est pas neutre", ne
postulait pas pour y siéger.
Face aux questions sur les
relations au sein de la majorité sur ce sujet, M. Durand a souhaité que le
débat "ne se limite pas à un échange
entre EELV et PS". En effet ici la parole est à la Société Civile. Interrogé sur la
pertinence de rester au gouvernement, il a de nouveau répondu que les
écologistes sont à leur "place dans
cette majorité", notamment "pour
faire en sorte que les discours correspondent aux actes".
"Nous ne sommes
pas là pour marcher derrière des décisions bonapartistes", a-t-il redit. Des propos partagés par toute la
famille écologiste. Oubliées les divisions de la présidentielle ou du traité
budgétaire européen, désormais Pascal Durand, François de Rugy, Yannick Jadot
ou encore José Bové posent ensemble sur la même photo.
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